L'histoire est celle de Philippe Jourdan, 51 ans, fils d'un officier de l'armée de l'air et d'une institutrice. Originaire des Landes, il arpente d'autres terres, septentrionales, moins peuplées, réputées plus austères: l'Estonie. Arrivé dans le pays en 1996, ce diplômé de l'Ecole nationale des ponts et chaussées en est l'évêque depuis six ans. Il est l'un des derniers à avoir été nommé par Jean-Paul II avant sa mort. «C'était le mercredi saint, en 2005», se souvient-il dans «Un évêque français à Tallinn», documentaire de 52 minutes diffusé lundi 21 novembre sur KTO .
Sa réalisatrice, la journaliste spécialiste des questions européennes Françoise Pons, suit les pérégrinations de Mgr Jourdan à travers l'un des pays «les moins religieux d'Europe». Pour 1,3 million d'habitants, l'Estonie compterait, sur le papier du moins, 400 000 chrétiens. Parmi eux, les catholiques représentent une infime minorité de 9 000 fidèles -trois fois plus que lors de l'arrivée de Mgr Jourdan. Ces derniers disposent en tout et pour tout de onze églises, dont une seule à Tallinn, la capitale.
«En Estonie, si vous voulez être croyant, vous devez être fort»
Associé, dans la mémoire collective, au souvenir de l'invasion danoise, concurrencé par le culte de la nature, honni par le régime soviétique, le christianisme est depuis longtemps malmené dans cette société très sécularisée. «En Estonie, si vous voulez être croyant, vous devez être fort», témoigne Eveline Keldoja, rédactrice en chef d'un quotidien phare, Postimees , et baptisée en 2005.
D'une manière tout à la fois précise et sobre, «Un évêque français à Tallinn» donne à voir l'exercice d'un ministère sur ce terrain hostile. L'intéressé l'accomplit paré d'un éternel sourire, en allant à la rencontre des fidèles à la frontière russo-estonienne, en préparant les jeunes aux JMJ de Madrid, l'été dernier, ou en accompagnant les futurs baptisés.
Dans le sillage de Mgr Jourdan, un tableau de l'Estonie s'esquisse. Il montre un «pays qui marche au rythme de l'Internet» et se remet d'une violente crise économique en affichant l'un des taux d'endettement les moins élevés d'Europe, une société où le mariage est rare et 25% des moins de quatorze ans sont élevés par un seul de leurs deux parents (le double de la moyenne européenne). Il fait aussi parler quelques nouveaux catholiques, comme Raoul Ukareda, star du blues et boucle à chaque oreille, baptisé en 2010, qui n'a pu concevoir d' «autre choix que de devenir catholique».
La Croix: Un évêque français à Tallinn