4. La Victime victorieuse
Durant l'octave de Pâques, le Ressuscité est honoré comme « Victime pascale ». Depuis le moyen âge, une prose latine élève son « sacrifice de louanges » (séquence Victimae paschali) à l'Agneau innocent. Le poème, admirant le champion de la vie et le témoignage de la Madeleine, aboutit à un acte de foi humble. Martin Luther, en reprenant le texte romain, composa (en 1524) un choral pour « la grande fête » ; Jean-Sébastien Bach, aux débuts de sa carrière (vers 1708), le pourvut d'une mélodie immortelle. « Ce fut une admirable guerre qui opposa la mort à la vie : la vie a remporté la victoire, anéanti la mort »(Cantate BWV 4, Le Christ gisait entre les liens de la mort §5). L'irruption des voix traduit le conflit qui rend muet le mal.
L'Agneau et les témoins forment une chaîne continue de salut : chaque génération est reliée aux disciples surpris de la première heure. Ceux qui avaient constaté la force de la mort sur la chair de Jésus pourront se prévaloir de sa gloire invincible, face aux batailles qui les attendent, jusqu'au martyre.
Ce parcours n'est pas démodé. Jean-Paul II le voyait aussi comme une mission actuelle. « L'Église a toujours trouvé dans ses martyrs une semence de vie... Il ne nous reste plus qu'à marcher sur leurs traces, avec la grâce de Dieu » (Lettre sur leTroisième millénaire §41). La lutte contre le péché est un devoir de loyauté imprescriptible : « si quelqu'un ne lutte pas, il trahit Jésus-Christ et, avec lui, tout son Corps Mystique, qui est l'Église » (saint Josémaria, Quand le Christ passe §74).
Pierre-Paul Rubens (1622, Anvers) a montré Jésus, vainqueur définitif de la mort, dans sa majesté paisible : assis sur le sépulcre vide, arborant le drapeau de la croix, acclamé par les chœurs angéliques, il regarde vers l'éternité, foulant de ses pieds le signes de la corruption. Les prophètes avaient prédit et la mort et la gloire du Messie ; Jésus avait annoncé l'humiliation et la victoire du « plus fort » par l'amour ; depuis saint Paul et saint Jean, le dramatisme de cette bataille est décrit dans toute sa rigueur. L'aiguillon de la mort a été anéanti par Jésus, mais il reste du travail à faire dans la longue histoire des hommes contre l'Exterminateur implacable.
Le duel entre la vie et la mort est toujours là : révolte contre Dieu, atteintes contre la dignité de la personne et sa liberté religieuse. La « culture de la mort », dotée de moyens puissants, écrase les faibles : avortement, euthanasie, manipulations génétiques. L'Église encourage l'action tenace des « promoteurs d'une culture de la vie et de l'amour » (Jean-Paul II, L'Évangile de la vie §100). Puissions-nous apporter notre grain de sable à cette bataille de la nouvelle évangélisation.
Abbé Fernandez