3. Le pressoir de la miséricorde.
Dans une mystérieuse vision, Isaïe aperçoit un guerrier épuisé qui rentre en vainqueur ; il lui demande : « Pourquoi tes vêtements sont-ils rouges, comme les habits de ceux qui foulent le vin dans le pressoir aux vendanges ? ». L'interlocuteur s'explique : « J'ai été seul à fouler au pressoir » (Isaïe 63, 2-3). Encore de nos jours, au temps des vendanges, on voit le travail, désormais folklorique, de trépigner, en dansant sur la cuve, une partie du raisin récolté. Tandis que les pieds et les vêtements restent trempés de jus épais, la joie remplit le cœur des fouleurs et du public. La tradition chrétienne a déployé dans les arts ce symbole. Marco dal Pino, maître du Cinquecento napolitain, a repris le thème du Pressoir mystique (Vatican, 1571), sous le Christ en gloire, dans un style maniériste.
Le Christ, pour ainsi dire, s'est laissé fouler aux pieds sur la croix. « Le manteau qui l'enveloppe est trempé de sang ; et son nom est 'le Verbe de Dieu' » (Apocalypse 19, 13). La souillure devient pourpre. Le sang versé sur la terre monte jusqu'au Père des Miséricordes. Devant la justice éternelle, ce Sang de triomphe est plus précieux que celui de l'agneau pascal, plus persuasif que celui du juste Abel : « il ne revendique pas vengeance mais pardon » (saint Ambroise, Sur la fuite du monde §5).
En se laissant broyer, Jésus a broyé nos péchés et distillé le vin de la miséricorde. Ainsi il met en lumière les fautes, éveille le regret et dispose à la componction ; enfin, s'il rencontre l'écho du repentir, il efface l'iniquité. Le saint Sang « ouvre à l'Esprit Saint la route qui conduit au sanctuaire des consciences humaines » (Jean-Paul II, Dominum et Vivificantem §42). Fruit de l'amour du Fils, l'Esprit de sainteté est envoyé aux hommes par le Père « bienveillant et miséricordieux » (Psaume 145, 8). La miséricorde divine, l'autre nom de l'Amour,est un rempart plus fort que la pression envahissante du mal ; elle dissipe le péché de chaque homme. « L'humanité n'aura de paix que lorsqu'elle s'adressera avec confiance à la divine miséricorde » (sainte Faustina Kowalska, Journal).
Le dimanche de la Miséricorde le rappelle : le Christ en Croix « tend ses mains vers l'homme qui souffre » (Jean-Paul II, Homélie de canonisation, 30/04/2000). Le pape accorda l'indulgence plénière, dans les conditions habituelles (confession individuelle, communion, prière pour le souverain pontife) à tous ceux qui réaliseront un acte de culte ou de piété privée en l'honneur de la Miséricorde, ce dimanche-là. En 2005, à la veille de ce jour, octave de Pâques, saint Jean-Paul II, épuisé par sa tâche, rendit l'âme. Le dimanche de la Miséricorde nous offre l'occasion propice d'accomplir le précepte pascal, avec une bonne confession.
Abbé Fernandez