1. Réjouis-toi, Mère du Ressuscité !
Une ancienne légende attribue au pape Grégoire I (début du VIIe siècle) une vision céleste, pendant une procession pénitentielle à Rome. Des anges chantaient l'alléluia en l'honneur de Marie, heureuse devant son Fils glorieux : « Reine du ciel, réjouis-toi, car celui que tu as mérité de porter est ressuscité comme il l'avait prédit ». Telle joie dépasse celle de l'annonce de Gabriel. La prière du Regina caeli, devenue antienne mariale pour le temps de Pâques, s'est universellement répandue dans l'Église. Dante l'attribue au saints contemplatifs qui, pleins de tendresse et jubilation, l'adressent à Marie en gloire (Paradis, chant 23).
Les évangélistes mentionnent des apparitions de Jésus ressuscité, y compris à quelques femmes fidèles dans la foi, mais aucune avec sa Mère. « Ce silence ne doit pas inciter à conclure que le Christ n'est pas apparu à Marie après la résurrection ; il nous invite en revanche à rechercher les motifs d'un tel choix de la part des Évangélistes » (Jean-Paul II, audience, 21 mai 1997). Certainement les apparitions consignées dans le Nouveau Testament n'ont pas la prétention d'être exhaustives ; les auteurs inspirés en ont fait une sélection en fonction de la valeur de témoignage public, celui de la Mère n'étant pas significatif pour les non croyants. En revanche, Marie, unie au Christ au Calvaire, était la plus apte à recevoir l'annonce de la victoire. Depuis le Ve siècle, les poètes chrétiens ont chanté ce moment mémorable : « celle qui fut autrefois le chemin pour l'arrivée du Messie, elle est encore le témoin de son retour glorieux » (Caelius Sedulius, Chant pascal, 5, 363-364). Marie, témoin de la résurrection, est ainsi modèle de l'Église qui attend et contemple. La foi nous invite à regarder le mystère pascal avec les yeux éblouis de Marie et à partager l'explosion de bonheur de la Mère du Vivant.
L'art chrétien peut encore nourrir notre imagination pour avancer dans cette voie. Un disciple brabançon de Rubens, Théodore van Thulden, connu surtout par ses œuvres profanes, n'a pas oublié ce moment clé de la vie de Marie (1642, Louvre). Dans son village natal de Bois-le-Duc, il peignit l'apparition de Jésus à Marie au matin de Pâques ; le tableau exprime des sentiments du ciel et de la terre. L'invocation Regina caeli encadre le dialogue entre le Fils glorieux et la Mère radieuse.
Abbé Fernandez