Voyage apostolique du Saint Père en République Démocratique du Congo et au Soudan du Sud

Interventions du pape François lors de son voyage pastoral et œcuménique en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud.

Programme :

Mardi 31 janvier 2023

Rencontre avec les autorités, la société civile et le corps diplomatique dans le jardin du Palais de la Nation à Kinshasa.

Mercredi 1er février 2023

Messe à l'aéroport de Ndolo, Kinshasa

Rencontre avec les victimes de l'Est du pays à la Nonciature Apostolique

Rencontre avec des représentants de certaines organisations caritatives à la nonciature apostolique

Jeudi, 2 février 2023

Rencontre avec les jeunes et les catéchistes au Stade des Martyrs

Réunion de prière avec les évêques, les prêtres, les religieux et religieuses, les séminaristes dans la cathédrale de Notre Dame du Congo.

Vendredi, 3 février 2023

Rencontre avec les évêques au siège de la CENCO.

Rencontre avec les autorités, la société civile et le Corps Diplomatique dans le jardin du Palais Présidentiel (Yuba)

Samedi 4 février 2023

Rencontre avec les évêques, les prêtres, les religieux et religieuses, les séminaristes à la cathédrale Sainte-Thérèse.

Rencontre avec des personnes déplacées à l'intérieur du pays au Freedom Hall

Prière œcuménique au mausolée de John Garang

Dimanche 5 février 2023

Sainte Messe au Mausolée de John Garang


Mardi 31 janvier 2023

Rencontre avec les autorités, la société civile et le corps diplomatique dans le jardin du Palais de la Nation à Kinshasa.

Monsieur le Président de la République,
Membres illustres du Gouvernement et du Corps diplomatique,
distinguées Autorités, religieuses et civiles,
éminents Représentants de la société civile et du monde de la culture,
Mesdames et Messieurs !

Je vous salue cordialement et je remercie Monsieur le Président pour les paroles qu’il m’a adressées. Je suis heureux d’être ici, sur cette terre si belle, si vaste, si luxuriante, qui embrasse, au nord, la forêt équatoriale ; au centre et vers le sud, les hauts plateaux et les savanes arborées ; à l’est, les collines, les montagnes, les volcans et les lacs ; à l’ouest les grandes étendues d’eaux, avec le fleuve Congo qui rejoint l’océan. Dans votre pays, qui est comme un continent dans le grand continent africain, on a l’impression que la terre entière respire. Mais, si la géographie de ce poumon vert est riche et variée, l’histoire n’a pas été aussi généreuse. Tourmentée par la guerre, la République Démocratique du Congo continue de subir à l’intérieur de ses frontières des conflits et des migrations forcées, et à souffrir de terribles formes d’exploitation, indignes de l’homme et de la création. Ce pays immense et plein de vie, ce diaphragme de l’Afrique, frappé par la violence comme par un coup de poing dans l’estomac, semble depuis longtemps avoir perdu son souffle. Monsieur le Président, vous avez mentionné ce génocide oublié dont souffre la République du Congo.

Et tandis que vous, Congolais, vous luttez pour sauvegarder votre dignité et votre intégrité territoriale contre les méprisables tentatives de fragmentation du pays, je viens à vous, au nom de Jésus, comme un pèlerin de réconciliation et de paix. J’ai beaucoup désiré me trouver ici et je viens enfin vous apporter la proximité, l’affection et la consolation de toute l’Église et apprendre de votre exemple de patience, de courage et de lutte.

Je voudrais vous parler à travers une image qui symbolise bien la beauté lumineuse de cette terre : l’image du diamant. Chères femmes et chers hommes Congolais, votre pays est vraiment un diamant de la création ; mais vous, vous tous, êtes infiniment plus précieux que toutes les choses bonnes qui sortent de ce sol fertile ! Je suis ici pour vous étreindre et vous rappeler que vous avez une valeur inestimable, que l’Église et le Pape ont confiance en vous, qu’ils croient en votre avenir, un avenir qui soit entre vos mains et dans lequel vous méritiez de déverser vos dons d’intelligence, de sagacité et d’assiduité. Courage, frère et sœur congolais ! Relève-toi, reprends dans tes mains, comme un diamant très pur, ce que tu es, ta dignité, ta vocation à garder en harmonie et en paix la maison que tu habites. Revis l’esprit de ton hymne national, en rêvant et en mettant en pratique ses paroles : « Par le dur labeur, nous bâtirons un pays plus beau qu’avant, dans la paix ».

Chers amis, les diamants, généralement rares, abondent ici. Si cela vaut pour les richesses matérielles cachées sous la terre, cela vaut à plus forte raison pour les richesses spirituelles enfermées dans vos cœurs. Et c’est précisément à partir des cœurs que la paix et le développement sont possibles car, avec l’aide de Dieu, les êtres humains sont capables de justice et de pardon, de concorde et de réconciliation, d’engagement et de persévérance pour mettre à profit les talents reçus. Dès le début de mon voyage, je souhaite donc lancer un appel : que chaque Congolais se sente appelé à jouer son rôle ! Que la violence et la haine n’aient plus de place dans le cœur et sur les lèvres de quiconque, car ce sont des sentiments inhumains et anti-chrétiens qui paralysent le développement et ramènent en arrière, vers un sombre passé.

En parlant de frein au développement et de retour au passé, il est tragique que ces lieux, et plus généralement le continent africain, souffrent encore de diverses formes d’exploitation. Il y a cette devise qui sort de l’inconscient de tant de cultures et de tant de personnes : “L’Afrique doit être exploitée”, cela est terrible ! Après le colonialisme politique, un “colonialisme économique” tout aussi asservissant s’est déchainé. Ce pays, largement pillé, ne parvient donc pas à profiter suffisamment de ses immenses ressources : on en est arrivé au paradoxe que les fruits de sa terre le rendent “étranger” à ses habitants. Le poison de la cupidité a ensanglanté ses diamants. C’est un drame devant lequel le monde économiquement plus avancé ferme souvent les yeux, les oreilles et la bouche. Mais ce pays et ce continent méritent d’être respectés et écoutés, ils méritent espace et attention : Retirez vos mains de la République Démocratique du Congo, retirez vos mains de l'Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser. Que l’Afrique soit protagoniste de son destin ! Que le monde se souvienne des désastres commis au cours des siècles au détriment des populations locales et qu’il n’oublie pas ce pays ni ce continent. Que l’Afrique, sourire et espérance du monde, compte davantage : qu’on en parle davantage, qu’elle ait plus de poids et de représentation parmi les nations !

Une diplomatie de l’homme pour l’homme, des peuples pour les peuples, doit se déployer, selon laquelle les opportunités de croissance des personnes soient au centre, et non le contrôle des zones et des ressources, les visées d’expansion et l’augmentation des profits.

En regardant ce peuple, on a l’impression que la Communauté internationale s’est presque résignée à la violence qui le dévore. Nous ne pouvons pas nous habituer au sang qui coule dans ce pays, depuis des décennies désormais, faisant des millions de morts à l’insu de beaucoup. Il faut que l’on sache ce qui se passe ici, que les processus de paix en cours, - que j’encourage de toutes mes forces - soient soutenus dans les faits et que les engagements soient tenus. Grâce à Dieu, il y en a qui contribuent au bien de la population locale et à un réel développement à travers des projets efficaces: non pas des interventions de pure assistance, mais des plans visant à une croissance intégrale. J’exprime toute ma gratitude aux pays et aux organisations qui fournissent des aides substantielles en ce sens, en contribuant à la lutte contre la pauvreté et les maladies, soutenant l’État de droit et promouvant le respect des droits humains. Je forme le vœu qu’ils puissent continuer à jouer pleinement et courageusement ce noble rôle.

Revenons à l’image du diamant. Une fois travaillé, sa beauté provient également de sa forme, de ses nombreuses facettes harmonieusement disposées. Ce pays, riche de son pluralisme typique, a lui aussi un caractère polyédrique. C’est une richesse qui doit être conservée, en évitant de glisser dans le tribalisme et la confrontation. Prendre obstinément parti pour sa propre ethnie ou pour des intérêts particuliers, alimentant des spirales de haine et de violence, tourne au détriment de tous en bloquant la nécessaire “chimie de l’ensemble”. À propos de chimie, il est intéressant de noter que les diamants sont constitués des seuls atomes de carbone, lesquels, s’ils étaient reliés différemment, formeraient du graphite. La différence entre la luminosité d’un diamant et l’obscurité du graphite provient de la manière dont les atomes individuels sont disposés dans le réseau cristallin. Cette métaphore exprime le fait que le problème n’est pas la nature des hommes ou des groupes ethniques et sociaux, mais la manière dont on décide d’être ensemble. La volonté ou non de se rencontrer, de se réconcilier et de recommencer fait la différence entre l’obscurité du conflit et un avenir lumineux de paix et de prospérité.

Chers amis, le Père céleste veut que nous sachions nous accueillir comme les frères et sœurs d’une même famille, et travailler à un avenir qui soit avec les autres et non contre les autres. “Bintu bantu” : c’est ainsi que l’un de vos proverbes rappelle très bien que, la vraie richesse, ce sont les personnes et les bonnes relations entre elles. En particulier, les religions, avec leur patrimoine de sagesse, sont appelées à y contribuer, par un effort quotidien de renoncement à toute agressivité, prosélytisme et contrainte, qui sont des moyens indignes de la liberté humaine. Quand on en vient à imposer, en allant à la chasse aux fidèles, de manière aveugle par la ruse ou par la force, on ravage la conscience d’autrui et on tourne le dos au vrai Dieu, parce que - ne l’oublions pas – « là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté » (2 Co 3, 17) e là où il n’y a pas de liberté, il n’y a pas l’Esprit du Seigneur. Les membres de la société civile, dont certains sont ici présents, jouent également un rôle essentiel dans la construction d’un avenir de paix et de fraternité. Ils ont souvent démontré qu’ils savaient s’opposer à l’injustice et au délabrement, au prix de grands sacrifices, pour défendre les droits humains, la nécessité d’une éducation solide pour tous et une vie plus digne pour chacun. Je remercie sincèrement les femmes et les hommes, en particulier les jeunes de ce pays, qui ont souffert à divers degrés pour cela, et je leur rends hommage.

Le diamant, dans sa transparence, réfracte admirablement la lumière qu’il reçoit. Beaucoup d’entre vous brillent par le rôle qu’ils jouent. Celui qui détient des responsabilités civiles et gouvernementales est appelé à agir avec une clarté cristalline, en vivant la fonction reçue comme un moyen de servir la société. Le pouvoir n’a de sens en effet que s’il devient service. Combien il est important d’agir dans cet esprit, en fuyant l’autoritarisme, la recherche de gains faciles et la soif d’argent que l’apôtre Paul désigne comme « la racine de tous les maux » (1 Tm 6, 10). Et en même temps, favoriser des élections libres, transparentes, crédibles ; étendre davantage aux femmes, aux jeunes et à différents groupes, aux groupes marginalisés, la participation aux processus de paix; rechercher le bien commun et la sécurité des personnes plutôt que les intérêts personnels ou de groupes ; renforcer la présence de l’État partout sur le territoire ; prendre soin des si nombreuses personnes déplacées et réfugiées. Que l’on ne se laisse pas manipuler, et moins encore acheter, par ceux qui veulent maintenir le pays dans la violence afin de l’exploiter et de faire des affaires honteuses : cela n’apporte que discrédit et honte, avec la mort et la misère. Au contraire, il est bon de se rapprocher des personnes pour se rendre compte de la manière dont ils vivent. Elles font confiance lorsqu’elles sentent que les gouvernants sont réellement proches, non pas par calcul ou par exhibition, mais par service.

Dans la société, ce sont souvent les ténèbres de l’injustice et de la corruption qui obscurcissent la lumière du bien. Il y a des siècles, saint Augustin, né sur ce continent, se demandait déjà : « Si la justice n’est pas respectée, que sont les États, sinon des bandes de voleurs ? » (De civ. Dei, IV, 4). Dieu est du côté de ceux qui ont faim et soif de justice (cf. Mt 5, 6). Il ne faut pas se lasser de promouvoir dans tous les domaines le droit et l’équité, en luttant contre l’impunité et la manipulation des lois et de l’information.

Un diamant sort de la terre authentique mais brut, nécessitant un travail. De même, les diamants les plus précieux de la terre congolaise que sont les enfants de cette nation doivent pouvoir bénéficier de véritables opportunités éducatives qui leur permettent de mettre pleinement à profit leurs brillants talents. L’éducation est fondamentale : elle est la voie de l’avenir, la route à emprunter pour atteindre la pleine liberté de ce pays comme du continent africain. Il est urgent d’y investir afin de préparer des sociétés qui seront fortes si elles sont bien instruites, autonomes si elles sont pleinement conscientes de leurs potentialités et capables de les développer avec responsabilité et persévérance. Mais beaucoup d’enfants ne vont pas à l’école : combien, au lieu de recevoir une éducation digne de ce nom, sont exploités ! Trop d’entre eux meurent, soumis à des travaux asservissants dans les mines. Aucun effort ne doit être ménagé pour dénoncer le fléau du travail des enfants et y mettre fin. Combien de filles sont marginalisées et violées dans leur dignité ! Les enfants, les jeunes filles, les jeunes sont le présent de l’espérance, ils sont l’espérance : ne permettons pas que celle-ci soit effacée, cultivons-la avec passion !

Le diamant, don de la terre, appelle à la sauvegarde de la création, à la protection de l’environnement. Située au cœur de l’Afrique, la République Démocratique du Congo abrite l’un des plus grands poumons verts du monde, qui doit être préservé. Comme pour la paix et pour le développement, dans ce domaine également une collaboration large et fructueuse est importante, permettant d’intervenir efficacement, sans imposer des modèles extérieurs plus utiles à ceux qui aident qu’à ceux qui sont aidés. Nombreux sont ceux qui ont demandé à l’Afrique de s’engager et qui ont offert des aides afin de lutter contre le changement climatique et le coronavirus. Ce sont certainement des opportunités à saisir, mais il y a surtout besoin de modèles sanitaires et sociaux qui ne répondent pas seulement aux urgences du moment mais contribuent à une croissance sociale effective : des structures solides et du personnel honnête et compétent pour surmonter les graves problèmes comme la faim et les maladies qui entravent le développement à sa naissance.

Enfin, le diamant est le minéral d’origine naturelle qui présente la plus grande dureté. Sa résistance aux produits chimiques est très grande. La répétition continuelle des attaques violentes ainsi que les nombreuses situations de détresse pourraient affaiblir la résistance des Congolais, miner leur force d’âme, les conduire à se décourager et à s’enfermer dans la résignation. Mais, au nom du Christ qui est le Dieu de l’espérance, le Dieu de toute possibilité qui donne toujours la force de recommencer, au nom de la dignité et de la valeur des diamants les plus précieux de cette terre que sont ses habitants, je voudrais inviter chacun à un nouveau départ social courageux et inclusif. L’histoire lumineuse mais blessée du pays l’exige, les jeunes et les enfants en particulier l’implorent. Je suis avec vous et j’accompagne par la prière et la proximité tout effort pour un avenir pacifique, harmonieux et prospère de ce grand pays. Que Dieu bénisse la nation congolaise tout entière !


Mercredi 1er février 2023

Messe à l'aéroport de Ndolo, Kinshasa

Bandeko, Bobóto [Frères et sœurs, paix] R/ Bondeko [Fraternité]

Bondéko [Fraternité] R/ Esengo [Joie]

Esengo, joie : ma joie de vous voir et de vous rencontrer est grande : j'ai beaucoup désiré ce moment - cela fait un an que nous attendons ! -, merci d'être là !

L'Évangile vient juste de nous dire que la joie des disciples aussi était grande le soir de Pâques, et que cette joie avait jailli « en voyant le Seigneur » (Jn 20, 20). Dans cette atmosphère de joie et de stupeur, le Ressuscité s'adresse aux siens. Et qu'est-ce qu'il leur dit? D'abord, trois mots : « La paix soit avec vous ! » (v. 19). C'est une salutation, mais c'est plus qu'une salutation : c'est un don. Parce que la paix, cette paix annoncée par les anges la nuit de Bethléem (cf. Lc 2, 14), cette paix que Jésus a promise aux siens (cf. Jn 14, 27), elle est maintenant, pour la première fois, solennellement donnée aux disciples. La paix de Jésus, qui nous est également donnée en chaque Messe, est pascale : elle vient avec la résurrection parce que le Seigneur devait d'abord vaincre nos ennemis, le péché et la mort, et réconcilier le monde avec le Père ; il devait éprouver notre solitude et notre abandon, nos enfers, embrasser et combler les distances qui nous séparaient de la vie et de l'espérance. Maintenant, les distances entre le Ciel et la terre, entre Dieu et l'homme étant annulées, la paix de Jésus est donnée aux disciples.

Mettons-nous de leur côté. Ils étaient ce jour-là complètement abasourdis par le scandale de la croix, blessés intérieurement d’avoir abandonné Jésus en fuyant, déçus de l’issue de son histoire, craignant de finir comme lui. Il y avait en eux de la culpabilité, de la frustration, de la tristesse, de la peur... Eh bien, alors que dans le cœur des disciples ce sont des ruines, Jésus proclame la paix ; alors qu'ils ressentent en eux la mort, il annonce la vie. En d'autres termes, la paix de Jésus survient au moment où tout semble fini pour eux, au moment le plus inattendu et inespéré, où il n'y a aucune lueur de paix. Ainsi fait le Seigneur : il nous étonne, il nous tend la main lorsque nous sommes sur le point de sombrer, il nous relève quand nous touchons le fond. Frères et sœurs, avec Jésus, le mal ne l'emporte jamais, il n'a jamais le dernier mot. « C’est lui, le Christ, qui est notre paix » (Ep 2, 14) et sa paix est toujours victorieuse. C’est pourquoi, nous qui appartenons à Jésus, nous ne pouvons pas laisser la tristesse l'emporter sur nous, nous ne pouvons pas laisser la résignation et le fatalisme s’installer. Si l’on respire cette atmosphère autour de nous, qu'il n'en soit pas ainsi pour nous : dans un monde découragé par la violence et la guerre, les chrétiens doivent faire comme Jésus. Il a répété, avec insistance, aux disciples : La paix, la paix soit avec vous ! (Cf. Jn 20, 19.21) ; et nous sommes appelés à faire nôtre et dire au monde cette annonce inespérée et prophétique du Seigneur, cette annonce de paix.

Mais, nous demandons nous, comment garder et cultiver la paix de Jésus ? Lui-même nous indique trois sources de paix, trois sources pour continuer à la cultiver. Elles sont le pardon, la communauté et la mission.

Voyons la première source : le pardon. Jésus dit aux siens : « À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis » (v. 23). Cependant, avant de donner aux apôtres le pouvoir de pardonner, il leur pardonne ; non pas avec des mots, mais avec un geste, le premier que le Ressuscité accomplit devant eux. L'Évangile dit : « Il leur montra ses mains et son côté » (v. 20). C’est-à-dire qu’il leur montre ses plaies, il les leur offre, parce que le pardon naît des blessures. Il naît lorsque les blessures subies ne laissent pas des cicatrices de haine, mais deviennent le lieu où faire de la place aux autres et accueillir leurs faiblesses. Les fragilités deviennent alors des opportunités, et le pardon devient le chemin de la paix. Il ne s'agit pas de tout laisser derrière soi comme si de rien n'était, mais d'ouvrir son cœur aux autres avec amour. C'est ce que fait Jésus : face à la misère de ceux qui l'ont renié et abandonné, il montre ses plaies et ouvre la source de la miséricorde. Il n'utilise pas beaucoup de mots, mais il ouvre grand son cœur blessé pour nous dire qu'il est toujours blessé d'amour pour nous.

Frères et sœurs, lorsque la culpabilité et la tristesse nous oppressent, lorsque les choses ne vont pas bien, nous savons où regarder : vers les plaies de Jésus, prêt à nous pardonner avec son amour blessé et infini. Il connaît tes blessures, il connaît les blessures de ton pays, de ton peuple, de ta terre ! Ce sont des blessures qui brûlent, continuellement infectées par la haine et la violence, alors que le remède de la justice et le baume de l’espérance ne semblent jamais arriver. Frère et sœur, Jésus souffre avec toi, il voit les blessures que tu portes en toi et désire te consoler et te guérir, en te présentant son Cœur blessé. Dieu répète à ton cœur les paroles qu'il a prononcées aujourd'hui par le prophète Isaïe : « Je le guérirai, je le conduirai, je le comblerai de consolations » (Is 57, 18).

Ensemble, aujourd'hui, nous croyons qu'il y a toujours avec Jésus la possibilité d'être pardonné et de recommencer, et aussi trouver la force de pardonner à soi-même, aux autres et à l'histoire ! C'est ce que le Christ veut : nous oindre de son pardon pour nous donner la paix et le courage de pardonner à notre tour, le courage d'accomplir une grande amnistie du cœur. Comme il nous est bon de purifier nos cœurs de la colère, des remords, de tout ressentiment et de toute rancœur ! Bien-aimés, que ce jour soit un temps de grâce pour accueillir et vivre le pardon de Jésus ! Qu’il soit l’occasion pour toi, qui portes un lourd fardeau dans ton cœur dont tu as besoin de te débarrasser, de recommencer à respirer. Et qu’il soit un moment propice pour toi, qui t’affirmes chrétien dans ce pays mais qui commets des violences. À toi le Seigneur dit : "Dépose tes armes, embrasse la miséricorde". Et à tous les blessés et opprimés de ce peuple, il dit : "N'ayez pas peur de mettre vos blessures dans les miennes, vos plaies dans mes plaies. Faisons-le, frères et sœurs; n'ayez pas peur de sortir le Crucifix de votre col et de vos poches, de le prendre dans les mains et de le porter sur le cœur pour partager vos blessures avec celles de Jésus. De retour à la maison, prenez le Crucifix que vous avez et embrassez-le. Donnons au Christ la possibilité de guérir nos cœurs, jetons en Lui le passé, toutes les peurs, toutes les angoisses. Comme c'est beau d'ouvrir les portes du cœur et celles de la maison à sa paix ! Et pourquoi ne pas écrire dans vos chambres, sur vos vêtements, à l'extérieur de vos maisons, cette parole : Paix à vous ! Exhibez-la, elle sera une prophétie pour le pays, une bénédiction du Seigneur sur ceux que vous rencontrez. Paix à vous: laissons-nous pardonner par Dieu et pardonnons-nous les uns les autres!

Voyons maintenant la deuxième source de paix : la communauté. Jésus ressuscité ne s'adresse pas à des disciples individuellement, mais il les rencontre ensemble. Il leur parle au pluriel et il donne sa paix à la première communauté. Il n'y a pas de christianisme sans communauté, tout comme il n'y a pas de paix sans fraternité. Mais en tant que communauté, où marcher, où aller pour trouver la paix ? Regardons à nouveau les disciples. Avant Pâques, ils suivaient Jésus mais ils raisonnaient encore de manière trop humaine. Ils espéraient un Messie conquérant qui aurait chassé les ennemis, qui aurait accompli des prodiges et des miracles, qui aurait augmenté leur prestige et leur succès. Mais ces désirs mondains les ont laissés les mains vides, pire, ils ont retiré à la communauté la paix en générant des discussions et des oppositions (cf. Lc 9, 46 ; 22, 24). Pour nous aussi, il y a ce risque : être ensemble mais avancer seul en cherchant dans la société - mais aussi dans l'Église - le pouvoir, la carrière, les ambitions... Or de cette manière, l’on suit son propre moi au lieu du vrai Dieu, et l’on finit comme les disciples : enfermé chez soi, vide d’espérance et rempli de peur et de désillusions. Mais voici qu'à Pâques ils retrouvent le chemin de la paix grâce à Jésus qui souffle sur eux et dit : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20, 22). Grâce à l'Esprit Saint ils ne considèreront plus ce qui les divise mais ce qui les unit ; ils iront dans le monde non plus pour eux-mêmes, mais pour les autres ; non pas pour avoir de la visibilité mais pour donner de l’espérance; non pas pour gagner l'approbation mais pour dépenser leur vie avec joie pour le Seigneur et pour les autres.

Frères et sœurs, le danger pour nous est de suivre l'esprit du monde plutôt que celui du Christ. Et quel est le moyen de ne pas tomber dans les pièges du pouvoir et de l'argent, de ne pas céder aux divisions, aux flatteries du carriérisme qui rongent la communauté, aux fausses illusions du plaisir et de la sorcellerie qui renferment en soi-même ? Le Seigneur nous le suggère à nouveau par l'intermédiaire du prophète Isaïe, en disant : « Je suis avec qui est broyé, humilié dans son esprit, pour ranimer l’esprit des humiliés, pour ranimer le cœur de ceux qu’on a broyés » (Is 57, 15). Le moyen c’est de partager avec les pauvres : voilà le meilleur antidote contre la tentation de nous diviser et de devenir mondains. Avoir le courage de regarder les pauvres et de les écouter car ils sont des membres de notre communauté, et non pas des étrangers à ôter de notre vue et de notre conscience. Ouvrir notre cœur aux autres, au lieu de le fermer sur nos problèmes ou sur nos vanités. Repartons des pauvres et nous découvrirons que nous partageons tous une pauvreté intérieure ; que nous avons tous besoin de l'Esprit de Dieu pour nous libérer de l'esprit du monde ; que l'humilité est la grandeur du chrétien et la fraternité sa vraie richesse. Croyons en la communauté et, avec l'aide de Dieu, édifions une Église vide d'esprit mondain mais remplie d'Esprit Saint, libre de toute richesse pour soi-même et pleine d'amour fraternel !

Enfin, nous en arrivons à la troisième source de la paix : la mission. Jésus dit aux disciples : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie » (Jn 20, 21). Il nous envoie comme le Père l'a envoyé. Et comment le Père l'a-t-il envoyé dans le monde ? Il l'a envoyé pour servir et donner sa vie pour l'humanité (cf. Mc 10, 45), pour manifester sa miséricorde pour chacun (cf. Lc 15), pour chercher ceux qui sont loin (cf. Mt 9, 13). En un mot, il l'a envoyé pour tous : pas seulement pour les justes, mais pour tous. En ce sens, les paroles d'Isaïe résonnent à nouveau : « Paix ! La paix à celui qui est loin, et à celui qui est proche ! – dit le Seigneur » (Is 57, 19). À ceux qui sont loin d'abord, et aux proches : pas seulement aux "nôtres", mais à tous.

Frères et sœurs, nous sommes appelés à être des missionnaires de paix, et cela nous donnera la paix. C'est un choix : c'est faire de la place dans nos cœurs pour tous, c'est croire que les différences ethniques, régionales, sociales, religieuses et culturelles viennent après et ne sont pas des obstacles ; croire que les autres sont des frères et des sœurs, membres de la même communauté humaine ; croire que tous sont destinataires de la paix apportée dans le monde par Jésus. C'est croire que nous, chrétiens, nous sommes appelés à collaborer avec tous, à briser le cercle de la violence, à démanteler les complots de la haine. Oui, les chrétiens, envoyés par le Christ, sont appelés par définition à être la conscience de paix du monde : non seulement des consciences critiques, mais surtout des témoins d’amour ; non pas ceux qui revendiquent leurs droits mais à ceux de l'Évangile que sont la fraternité, l'amour et le pardon ; non pas ceux qui cherchent leurs intérêts, mais des missionnaires de l'amour fou que Dieu a pour chaque être humain.

Jésus dit aujourd'hui à chaque famille, communauté, groupe ethnique, quartier et ville de ce grand pays : la Paix soit avec vous. La Paix soit avec vous : que ces paroles de notre Seigneur résonnent dans nos cœurs, en silence. Sentons qu’elles s’adressent à nous et choisissons d'être des témoins du pardon, des acteurs dans la communauté, des personnes en mission de paix dans le monde.

Moto azalí na matói ma koyóka [Celui qui a des oreilles pour entendre]

R/Ayoka [Qu’il entende]

Moto azalí na motéma mwa kondima [Celui qui a le cœur pour consentir]

R/Andima [Qu’il consente]


RENCONTRE AVEC LES VICTIMES DE LA VIOLENCE
DANS L'EST DU PAYS
  (à la Nonciature Apostolique)

Chers frères et sœurs !

Merci pour le courage de ces témoignages. Face à la violence inhumaine que vous avez vue de vos yeux et éprouvée dans votre chair, on reste sous le choc. Il n’y a qu’à pleurer, sans paroles, en restant en silence. Bunia, Beni-Butembo, Goma, Masisi, Rutshuru, Bukavu, Uvira, des lieux que les médias internationaux ne mentionnent presque jamais : ici et ailleurs, beaucoup de nos frères et sœurs, enfants de la même humanité, sont pris en otage par l’arbitraire du plus fort, par celui qui tient en main les armes les plus puissantes, des armes qui continuent à circuler. Mon cœur se rend aujourd’hui dans l’Est de cet immense pays, qui n’aura pas de paix tant qu’elle ne sera pas obtenue là, dans sa partie orientale.

À vous, chers habitants de l’Est, je veux vous dire : je suis proche de vous. Vos larmes sont mes larmes, votre souffrance est ma souffrance. À chaque famille en deuil ou déplacée en raison des villages brûlés et d’autres crimes de guerre, aux survivants des violences sexuelles, à chaque enfant et adulte blessé, je dis : je suis avec vous, je veux vous apporter la caresse de Dieu. Son regard tendre et compatissant se pose sur vous. Alors que les violents vous traitent comme des objets, le Père qui est aux cieux voit votre dignité et il dit à chacun de vous : « Tu as du prix à mes yeux, tu as de la valeur et je t’aime » (Is 43, 4). Frères et sœurs, l’Église est et sera toujours de votre côté. Dieu vous aime, il ne vous a pas oubliés. Puissent les hommes aussi se souvenir de vous !

C’est en son nom, avec les victimes et ceux qui s’engagent pour la paix, la justice et la fraternité, que je condamne les violences armées, les massacres, les viols, la destruction et l’occupation des villages, le pillage des champs et du bétail qui continuent d’être perpétrés en République Démocratique du Congo. Et aussi l’exploitation, sanglante et illégale, de la richesse de ce pays, ainsi que les tentatives de partition dans le but de pouvoir le gérer. Cela remplit d’indignation le fait que l’insécurité, la violence et la guerre qui frappent tragiquement tant de personnes sont honteusement alimentées, non seulement par des forces extérieures, mais aussi de l’intérieur, pour en tirer des intérêts et des avantages. Je m’adresse au Père qui est aux cieux, qui nous veut tous frères et sœurs sur la terre. J’incline humblement la tête et, la douleur dans le cœur, je lui demande pardon pour la violence de l’homme sur l’homme. Père, aie pitié de nous. Console les victimes et ceux qui souffrent. Convertis les cœurs de ceux qui commettent de cruelles atrocités qui jettent la honte sur l’humanité tout entière ! Et ouvre les yeux de ceux qui les ferment ou qui se détournent devant ces abominations.

Il s’agit de conflits qui forcent des millions de personnes à quitter leurs maisons, qui provoquent de très graves violations des droits de l’homme, qui désintègrent le tissu socio-économique, qui causent des blessures difficiles à guérir. Ce sont des luttes partisanes où s’entremêlent des dynamiques ethniques, territoriales et de groupe ; des conflits qui ont affaire avec la propriété foncière, l’absence ou la faiblesse des institutions, les haines où le blasphème de la violence au nom d’un faux dieu s’infiltre. Mais c’est surtout une guerre déchainée par une insatiable avidité de matières premières et d’argent, qui alimente une économie armée laquelle exige instabilité et corruption. Quel scandale et quelle hypocrisie : les personnes sont violées et tuées alors que les affaires qui provoquent violences et morts continuent à prospérer !

J’adresse un vibrant appel à toutes les personnes, à toutes les entités internes et externes qui tirent les ficelles de la guerre en République Démocratique du Congo, en la pillant, en la flagellant et en la déstabilisant. Vous vous enrichissez par l’exploitation illégale des biens de ce pays et le sacrifice cruel de victimes innocentes. Entendez le cri de leur sang (cf. Gn 4, 10), prêtez l’oreille à la voix de Dieu qui vous appelle à la conversion, et à celle de votre conscience : faites taire les armes, mettez fin à la guerre. Cela suffit ! Cela suffit de s’enrichir sur le dos des plus faibles, cela suffit de s’enrichir avec des ressources et de l’argent entachés de sang !

Chers frères et sœurs, et nous, que pouvons-nous faire ? Par où commencer ? Comment agir pour promouvoir la paix ? Je voudrais humblement vous proposer de repartir de deux “non” et de deux “oui”.

Tout d’abord, non à la violence, toujours et, en tout cas, sans “si” et sans “mais”. Non à la violence ! Aimer son peuple c’est ne pas nourrir de haine envers les autres. Au contraire, aimer son pays c’est refuser de se laisser entraîner par ceux qui incitent à recourir à la force. C’est un tragique mensonge : la haine et la violence, à plus forte raison pour ceux qui sont chrétiens, ne sont jamais acceptables, jamais justifiables, jamais tolérables. La haine engendre seulement davantage de haine et la violence davantage de violence. Un “non” clair et fort doit ensuite être dit à ceux qui propagent au nom de Dieu cette violence, cette haine. Chers Congolais, ne vous laissez pas séduire par les personnes ou les groupes qui incitent à la violence en son nom. Dieu est le Dieu de la paix et non de la guerre. Prêcher la haine est un blasphème. Et la haine ronge toujours le cœur de l’homme. Celui qui vit de violence, en effet, ne vit jamais bien : il pense sauver sa vie mais il est emporté dans un tourbillon de mal qui, en l’amenant à combattre les frères et sœurs avec lesquels il a grandi et vécu pendant des années, le tue à l’intérieur.

Mais pour dire vraiment “non” à la violence, il ne suffit pas d’éviter les actes violents. Il faut extirper les racines de la violence : je pense à l’avidité, à l’envie, et surtout à la rancœur. Alors que je m’incline avec respect devant la souffrance endurée par beaucoup, je voudrais demander à chacun de se comporter de la manière que vous nous avez suggérée, vous, témoins courageux qui avez le courage de désarmer votre cœur. Je le demande à tous, au nom de Jésus qui a pardonné à ceux qui lui ont transpercé les poignets et les pieds avec les clous pour le fixer à une croix : je vous prie de désarmer votre cœur. Cela ne veut pas dire cesser de s’indigner devant le mal et ne pas le dénoncer ; ceci est un devoir ! Cela ne signifie pas non plus l’impunité et l’annulation des atrocités, en allant comme si de rien n’était. Ce qui nous est demandé, au nom de la paix, au nom du Dieu de la paix, c’est de démilitariser le cœur : ôter le poison, rejeter la haine, désamorcer l’avidité, effacer le ressentiment. Dire “non” à tout cela semblerait être de la faiblesse ; mais en réalité cela rend libre, parce que cela donne la paix. Oui, la paix naît des cœurs, des cœurs libérés de la rancœur.

Il y a ensuite un deuxième “non” à dire : non à la résignation. La paix demande de combattre le découragement, la morosité et la méfiance qui conduisent à croire qu’il vaut mieux se méfier de tout le monde, vivre séparés et éloignés plutôt que de se tendre la main et marcher ensemble. Encore une fois, au nom de Dieu, je renouvelle l’invitation pour que ceux qui vivent en République Démocratique du Congo ne baissent pas les bras, mais s’engagent pour construire un avenir meilleur. Un avenir de paix ne tombera pas du ciel ; il pourra advenir si les cœurs sont débarrassés du fatalisme résigné et de la peur de s’impliquer avec les autres. Un avenir différent adviendra s’il vient de tous et non de quelques-uns, s’il est pour tous et non contre qui que ce soit. Un avenir nouveau adviendra si l’autre, qu’il soit tutsi ou hutu, n’est plus un adversaire ou un ennemi, mais un frère et une sœur dans les cœurs duquel il faut croire que se trouve, caché, le même désir de paix. Dans l’Est aussi, la paix est possible ! Croyons-y ! Travaillons-y sans renvoyer le changement !

On ne peut pas construire l’avenir en restant enfermé dans ses intérêts particuliers, replié dans ses groupes, dans ses ethnies et dans ses clans. Un adage swahili enseigne : « jirani ni ndugu » [le voisin est un frère]. Frère, sœur, tous tes voisins sont tes frères, qu’ils soient Burundais, Ougandais ou Rwandais. Nous sommes tous frères, parce que fils du même Père. Ainsi nous l’enseigne la foi chrétienne, professée par une grande partie de la population. Alors, levons le regard vers le Ciel et ne restons pas prisonniers de la crainte : le mal que chacun a souffert doit être converti en bien pour tous. Que le découragement qui paralyse cède la place à une ardeur renouvelée, à une lutte intrépide pour la paix, à des intentions courageuses de fraternité, à la beauté de crier ensemble plus jamais : plus jamais de violence, plus jamais de rancœur, plus jamais de résignation !

Et nous voici enfin aux deux “oui” pour la paix. Avant tout, oui à la réconciliation. Chers amis, ce que vous allez faire est merveilleux. Vous voulez vous engager à vous pardonner mutuellement et à répudier les guerres et les conflits pour résoudre les distances et les différences. Et vous voulez le faire en priant ensemble, dans un instant, serrés autour de l’arbre de la Croix sous lequel, avec grand courage, vous voulez déposer les signes des violences que vous avez vues et subies : uniformes, machettes, marteaux, haches, couteaux... La croix aussi était un instrument de souffrance et de mort, le plus terrible au temps de Jésus, mais, traversé par son amour, il est devenu un instrument universel de réconciliation, un arbre de vie.

Je voudrais vous dire : soyez, vous aussi, des arbres de vie. Faites comme les arbres qui absorbent la pollution et qui restituent l’oxygène. Ou bien, comme le dit un proverbe : “Dans la vie, fais comme le palmier : il reçoit des pierres, il rend des dattes”. Telle est la prophétie chrétienne : répondre au mal par le bien, à la haine par l’amour, à la division par la réconciliation. La foi porte en elle une idée nouvelle de justice qui ne se contente pas de punir et renonce à venger, mais qui veut réconcilier, désamorcer de nouveaux conflits, éteindre la haine, pardonner. Et tout cela est plus fort que le mal. Savez-vous pourquoi ? Parce qu’elle transforme la réalité de l’intérieur plutôt qu’elle ne la détruit de l’extérieur. C’est ainsi seulement que l’on vainc le mal, tout comme Jésus l’a fait sur l’arbre de la croix, s’en chargeant et le transformant par son amour. La souffrance s’est ainsi transformée en espérance. Chers amis, seul le pardon ouvre les portes à demain, car il ouvre les portes à une justice nouvelle, sans oublier, défait le cercle vicieux de la vengeance. Se réconcilier, c’est engendrer demain : c’est croire en l’avenir plutôt que rester ancré dans le passé ; c’est miser sur la paix plutôt que se résigner à la guerre ; c’est s’évader de la prison de ses bonnes raisons pour s’ouvrir aux autres et goûter ensemble la liberté.

Ensuite le dernier “oui”, décisif : oui à l’espérance. Si la réconciliation peut être représentée comme un arbre, comme un palmier qui donne du fruit, l’espérance est l’eau qui le rend florissant. Cette espérance a une source et cette source a un nom, que je veux proclamer ici avec vous : Jésus ! Jésus ! Avec Lui, le mal n’a plus le dernier mot sur la vie ; avec Lui, qui a fait d’un sépulcre - terminus de l’itinéraire humain - le début d’une histoire nouvelle, de nouvelles possibilités s’ouvrent toujours. Avec Lui, chaque tombe peut se transformer en un berceau, chaque calvaire en un jardin pascal. Avec Jésus l’espérance naît et renaît : pour celui qui a subi le mal et aussi pour celui qui l’a commis. Frères et sœurs de l’Est du pays, cette espérance est pour vous, vous y avez droit. Mais c’est aussi un droit à conquérir. Comment ? En la semant chaque jour, avec patience. Je reviens à l’image du palmier. Un proverbe dit : « Quand tu manges la noix, tu vois le palmier, mais celui qui l’a planté est retourné à la terre depuis longtemps ». En d’autres termes, pour conquérir les fruits espérés, il faut travailler dans le même esprit que les planteurs de palmiers, en pensant aux générations futures et non aux résultats immédiats. Semer le bien fait du bien : cela libère de la logique étroite du gain personnel et offre à chaque journée son pourquoi. Cela met dans la vie le souffle de la gratuité et nous rend davantage semblables à Dieu, semeur patient qui répand l’espérance sans jamais se lasser.

Aujourd’hui, je remercie et je bénis tous les semeurs de paix qui œuvrent dans le pays : les personnes et les institutions qui se dépensent dans l’aide et dans la lutte en faveur des victimes de la violence, de l’exploitation et des catastrophes naturelles ; les femmes et les hommes qui sont ici animés par le désir de promouvoir la dignité des personnes. Certains ont perdu la vie alors qu’ils servaient la paix, comme l’Ambassadeur Luca Attanasio, le Gendarme Vittorio Iacovacci et le chauffeur Mustapha Milambo, assassinés il y a deux ans dans l’Est du pays. Ils étaient des semeurs d’espérance et leur sacrifice ne sera pas perdu.

Frères et sœurs, fils et filles de l’Ituri, du Nord et du Sud Kivu, je suis proche de vous, je vous étreins et je vous bénis tous. Je bénis chaque enfant, adulte, personne âgée, chaque personne blessée par la violence en République Démocratique du Congo, en particulier chaque femme et chaque mère. Et je prie pour que la femme, toute femme, soit respectée, protégée et valorisée : commettre une violence sur une femme et sur une mère, c’est la faire à Dieu lui-même, qui, d’une femme, d’une mère, a pris la condition humaine. Que Jésus, notre frère, Dieu de la réconciliation qui a planté l’arbre de vie de la croix au cœur des ténèbres du péché et de la souffrance, Jésus, Dieu de l’espérance qui croit en vous, en votre pays et en votre avenir, qu’il bénisse vous tous et vous console. Qu’il répande sa paix dans vos cœurs, dans vos familles et dans toute la République Démocratique du Congo. Merci !


RENCONTRE AVEC LES REPRÉSENTANTS DE CERTAINES ŒUVRES CARITATIVES - Nonciature apostolique (Kinshasa)

Chers frères et sœurs,

je vous salue affectueusement et vous remercie pour les chants, pour les témoignages et pour ce que vous m'avez raconté, mais surtout pour tout ce que vous faites ! Dans ce pays où il y a beaucoup de violences qui résonnent comme le bruit sourd d'un arbre abattu, vous êtes la forêt qui pousse chaque jour en silence et qui rend l'air meilleur, respirable. Bien sûr, l'arbre qui tombe fait davantage de bruit, mais Dieu aime et cultive la générosité qui germe silencieusement et porte du fruit. Il pose son regard avec joie sur ceux qui servent les nécessiteux. C'est ainsi que le bien grandit, dans la simplicité des mains et des cœurs tendus vers les autres, dans le courage des petits pas pour s'approcher des plus faibles au nom de Jésus. Le proverbe cité par Cecilia est vrai : « Mille pas commencent toujours par un premier » !

Une chose m'a frappé : vous ne vous êtes pas contentés de me lister les problèmes sociaux, et vous n’avez pas énuméré beaucoup de données sur la pauvreté. Mais vous avez surtout parlé avec affection des pauvres. Vous avez parlé de vous-mêmes et de personnes que vous ne connaissiez pas auparavant et qui vous sont maintenant devenues familières : des noms et des visages. Merci pour ce regard qui sait reconnaître Jésus dans les plus petits de ses frères. Le Seigneur doit être cherché et aimé dans les pauvres et, en tant que chrétiens, nous devons faire attention lorsque nous nous détournons d'eux : car quelque chose ne va pas quand un croyant tient à distance les bien-aimés du Christ.

Alors que beaucoup de gens aujourd'hui les rejettent, vous, vous les embrassez ; alors que le monde les exploite, vous, vous les promouvez. La promotion contre l'exploitation : voilà la forêt qui pousse, alors que la déforestation du rejet fait rage ! Je voudrais donner de la voix à ce que vous faites, favoriser la croissance et l’espérance en République Démocratique du Congo, et sur ce continent. Je suis venu ici animé par le désir de donner de la voix à ceux qui n'en ont pas. Comme j'aimerais que les médias accordent davantage de place à ce pays et à l'Afrique dans son ensemble ! Que les peuples, les cultures, les souffrances et les espérances de ce jeune continent d’avenir soient connus ! On découvrira d'immenses talents, des histoires de véritable grandeur humaine et chrétienne, des histoires nées dans un climat authentique qui sait respecter les plus petits, les personnes âgées et la création.

Il est beau de vous donner la parole ici, à la Nonciature, parce que les Représentations Pontificales, les « maisons du Pape » disséminées dans le monde, sont et doivent être des amplificateurs de la promotion humaine, des pôles de charité à l'avant-garde de la diplomatie de la miséricorde, pour favoriser les aides concrètes et promouvoir les réseaux de coopération. Cela se fait déjà, sans bruit, dans de nombreuses parties du monde et ici depuis longtemps : cette maison est une présence proche depuis des décennies. Inaugurée il y a quatre-vingt-dix ans comme Délégation Apostolique, elle fêtera dans quelques jours le soixantième anniversaire de son élévation au rang de Nonciature.

Frères et sœurs qui aimez ce pays et vous consacrez à son peuple, ce que vous faites est merveilleux mais n'est en rien facile. On pleure lorsque l'on entend des histoires, comme celles que vous m'avez racontées, de personnes souffrantes condamnées par l'indifférence générale à une vie errante, qui les conduit à vivre dans la rue, les exposant aux risques de violences physiques et d'abus sexuels, et même à l'accusation de sorcellerie, alors qu'elles n'ont besoin que d'amour et de soins. Tekadio, j'ai été touché par ce que tu nous as dit : à cause de la lèpre, tu te sens, encore aujourd'hui en 2023, « discriminé, regardé avec mépris et humilié », lorsque les gens, avec un mélange de honte, d'incompréhension et de peur, se dépêchent de nettoyer là même où ta seule ombre est passée. La pauvreté et le rejet offensent l'homme, ils en défigurent la dignité : ce sont comme des cendres qui éteignent le feu qu'il porte en lui. Oui, toute personne, dans la mesure où elle est créée à l'image de Dieu, resplendit d'un feu lumineux, mais seul l'amour retire la cendre qui la recouvre. Ce n'est qu'en rendant la dignité que l'on restaure l’humanité ! J'ai été attristé d'entendre qu'ici aussi, comme dans de nombreuses régions du monde, les enfants et les personnes âgées sont mis au rebut. Plus que scandaleux cela porte préjudice à toute la société qui se construit, précisément, à partir de l'attention portée aux personnes âgées et aux enfants, aux racines et à l'avenir. Rappelons-nous : un développement véritablement humain ne peut se faire sans mémoire et sans avenir. Mémoire, apportée par les personnes âgées, avenir, apporté par les jeunes.

Frères et sœurs, aujourd'hui, avec vous et à travers vous, je voudrais partager avec les nombreux bienfaiteurs de ce grand pays deux interrogations. Tout d'abord, cela en vaut-il la peine ? Vaut-il la peine de s’engager face à un océan de besoins qui ne cesse d'augmenter de façon dramatique ? N'est-ce pas un effort vain, en plus d’être souvent décourageant ? Ce qu’a dit Sœur Maria Celeste nous aide : « Malgré notre petitesse, le Seigneur crucifié désire nous avoir à ses côtés pour soutenir le drame du monde ». C'est vrai, la charité nous met en harmonie avec Dieu, et Il nous surprend avec des prodiges inespérés qui se produisent à travers ceux qui aiment. Vos histoires sont riches d'événements merveilleux, connus du cœur de Dieu et impossibles aux seules forces humaines. Je pense à ce que tu nous as raconté, Pierre, quand tu as dit que dans le désert de l'impuissance et de l'indifférence, dans la mer de la souffrance, avec tes amis, tu as découvert que Dieu ne vous avait pas oublié, parce qu'il vous a envoyé des personnes qui ne se sont pas détournées en traversant la rue où vous étiez. Ainsi, sur leur visage, vous avez redécouvert celui de Jésus et vous voulez maintenant faire de même pour les autres. Le bien est ainsi, il se diffuse, il ne se laisse pas paralyser par la résignation et les statistiques, mais invite à donner aux autres ce que l’on a reçu gratuitement. Je reçois et je donne. Il faut que les jeunes en particulier voient cela : des visages qui surmontent l'indifférence en regardant les personnes dans les yeux ; des mains qui ne prennent pas les armes et ne manipulent pas d'argent, mais qui se tendent vers ceux qui sont à terre et les relèvent dans leur dignité, leur dignité de fille et de fils de Dieu. Il n'est permis de regarder une personne de haut que dans un seul cas : pour l'aider à se relever. Sinon, on ne peut jamais regarder une personne de haut.

Cela en vaut donc la peine, et c'est un beau signe que les Autorités, par le biais des récents accords avec la Conférence Épiscopale, aient reconnu et valorisé le travail de tous ceux qui s'engagent dans le domaine social et caritatif. Cela ne signifie sûrement pas que l’on puisse systématiquement déléguer à des volontaires le soin des plus fragiles, ou encore l'engagement pour la santé et pour l'instruction. Ce sont les tâches prioritaires de ceux qui gouvernent, avec l’attention d’assurer les services de base, y compris à la population qui vit loin des grands centres urbains. En même temps, ceux qui croient au Christ ne doivent jamais ternir le témoignage de la charité, qui est un témoignage de Dieu, par la poursuite de privilèges, de prestige, de visibilité et de pouvoir. C’est une mauvaise chose, à ne jamais faire ! Non, les moyens, les ressources et les bons résultats sont pour les pauvres, et ceux qui s'en occupent doivent toujours se rappeler que le pouvoir est un service, que la charité ne conduit pas à se reposer sur ses lauriers mais exige de la diligence et du concret. Dans cette perspective, parmi les nombreuses choses à faire, je voudrais souligner un défi qui concerne tout le monde et pas seulement ce pays. La cause la pauvreté n'est pas tant l'absence de biens et d'opportunités, mais leur inéquitable répartition. Les personnes aisées, surtout si elles sont chrétiennes, sont appelées à partager ce qu'elles possèdent avec ceux qui manquent du nécessaire, d'autant plus s'ils appartiennent au même peuple. Ce n'est pas une question de bonté, mais de justice. Ce n'est pas de la philanthropie, c'est de la foi ; car, comme le dit l'Écriture, « la foi sans les œuvres est morte » (Jc 2, 26).

Voilà donc une deuxième question portant précisément sur le devoir et sur l'urgence du bien : comment le faire ? Comment faire de la charité, quels critères suivre ? Je voudrais vous proposer à ce sujet trois points simples. Ce sont des choses que les institutions caritatives opérant ici connaissent déjà, mais il est bon de les rappeler afin que le fait de servir Jésus dans les pauvres devienne un témoignage toujours plus fécond.

Tout d'abord, la charité appelle l'exemplarité. La charité n'est pas en effet seulement une chose que l'on fait, mais une expression de ce que l'on est. Elle est un mode de vie, elle consiste à vivre l'Évangile. Crédibilité et transparence sont donc nécessaires. Je pense à la gestion financière et administrative des projets, mais aussi à l'engagement à offrir des services appropriés et qualifiés. C'est précisément l'esprit qui caractérise tant d'œuvres ecclésiales dont ce pays bénéficie et qui ont marqué son histoire. Qu’il y ait toujours de l’exemplarité !

Deuxième point : la prévoyance, c'est-à-dire le fait de savoir regarder en avant. Il est essentiel que les initiatives et les bonnes œuvres, en plus de répondre aux besoins immédiats, soient viables et durables ; pas simplement faites pour assister, mais mises en œuvre sur la base de ce qui peut réellement être fait et dans une perspective à long terme, afin qu'elles durent dans le temps et ne se terminent pas avec ceux qui les ont lancées. Dans ce pays, par exemple, le sol est incroyablement fécond, la terre extrêmement fertile. La générosité de ceux qui aident ne peut manquer d'épouser cette caractéristique en favorisant le développement de ceux qui peuplent cette terre, en leur apprenant à la cultiver, en donnant vie à des projets de développement qui mettent l'avenir entre leurs mains. Plutôt que de distribuer des biens dont il y aura toujours besoin, il est préférable de transmettre des connaissances et des outils qui rendent le développement autonome et durable. À ce sujet, je pense aussi à la grande contribution offerte par l’assistance sanitaire catholique qui, dans ce pays comme en de nombreux pays du monde, soulage et donne espérance à la population en allant à la rencontre de ceux qui souffrent, avec gratuité et sérieux, cherchant toujours, comme il se doit, à secourir avec des instruments modernes et appropriés.

Exemplarité, prévoyance et enfin - troisième élément – la connexion. Frères et sœurs, il est nécessaire de se mettre en réseau, non seulement virtuellement mais aussi concrètement, comme cela se passe dans ce pays avec la symphonie de la vie de la grande forêt et de sa végétation variée. Se mettre en réseau: travailler de plus en plus ensemble, être en synergie constante entre vous, en communion avec les Églises locales et avec le territoire. Travailler en réseau : chacun avec son propre charisme mais ensemble, reliés, en partageant les urgences, les priorités, les besoins, sans fermetures ni auto-référentialité, prêts à travailler avec d’autres communautés chrétiennes et d’autres religions, et avec les nombreuses organisations humanitaires présentes. Tout cela pour le bien des pauvres. Se mettre en réseau avec tous.

Chers frères et sœurs, je vous laisse sur ces points et je vous remercie pour ce que vous avez laissé dans mon cœur aujourd'hui. Oui, merci beaucoup parce que vous avez touché mon cœur. Vous êtes précieux. Je vous bénis et vous demande, s'il vous plaît, de continuer à prier pour moi qui en ai besoin. Merci !


Jeudi, 2 février 2023

Rencontre avec les jeunes et les catéchistes au Stade des Martyrs

Je vous remercie pour votre affection, votre danse et vos paroles ! Je suis heureux de vous avoir regardés dans les yeux, de vous avoir salués et bénis alors que vos mains levées vers le ciel faisaient la fête.

Je voudrais maintenant vous demander, pendant quelques instants, de ne pas me regarder, mais vos mains. Ouvrez les paumes de vos mains, fixez-les des yeux. Mes amis, Dieu a mis entre vos mains le don de la vie, l'avenir de la société et de ce grand pays. Frère, sœur, tes mains te semblent petites et faibles, vides et inaptes à de si grandes tâches ? Je voudrais te faire remarquer une chose : toutes les mains se ressemblent, mais aucune n'est identique à l’autre. Personne n'a des mains semblables aux tiennes. Tu es donc une richesse unique, inégalable et incomparable. Personne dans l'histoire ne peut te remplacer. Tu te demandes alors : à quoi servent mes mains ? À construire ou à détruire, à donner ou à amasser, à aimer ou à haïr ? Tu le vois, tu peux serrer la main et la fermer, elle devient un poing ; ou bien tu peux l'ouvrir et la rendre disponible pour Dieu et les autres. C'est là que se situe le choix fondamental, depuis les temps anciens, depuis Abel qui offrit généreusement les fruits de son travail, alors que Caïn leva la main contre son frère et le tua (cf. Gn 4, 8). Jeune qui rêves d'un avenir différent, un lendemain naîtra de tes mains, de tes mains la paix qui manque à ce pays pourra advenir. Mais comment faire concrètement ? Je voudrais vous proposer quelques "ingrédients pour l'avenir" : cinq, que vous pouvez associer, chacun, aux doigts d'une main.

Au pouce, le doigt le plus proche du cœur, correspond la prière qui fait palpiter la vie. Elle peut apparaître comme une réalité abstraite, éloignée du caractère concret des problèmes. Au contraire, la prière est le premier ingrédient, celui qui est fondamental, parce que nous n’y arrivons pas pas tout seuls. Nous ne sommes pas tout-puissants, et lorsque quelqu'un croit l'être, il échoue lamentablement. C'est comme un arbre déraciné : même s'il est grand et vigoureux, il ne tient pas debout tout seul. C'est pourquoi nous devons nous enraciner dans la prière, dans l'écoute de la Parole de Dieu, qui nous permet de grandir chaque jour en profondeur, de porter du fruit et de transformer la pollution que nous respirons en oxygène vital. Pour ce faire, tout arbre a besoin d'un élément simple et essentiel : l'eau. Alors, la prière est comme " l'eau de l'âme " : elle est humble, on ne la voit pas mais elle donne la vie. Celui qui prie mûrit intérieurement et sait lever le regard vers le haut, se souvenant qu'il a été fait pour le ciel.

Frère, sœur, la prière est nécessaire, une prière vivante. Ne te tourne pas vers Jésus comme s’il était un être lointain et distant dont on a peur, mais plutôt l’ami le plus grand qui a donné sa vie pour toi. Il te connaît, il croit en toi et t’aime, toujours. En le regardant suspendu en croix pour te sauver, tu comprends à quel point tu vaux pour Lui. Et tu peux lui confier tes croix, tes peurs, tes angoisses, en les jetant sur sa croix. Il les embrassera. Il l'a déjà fait il y a 2000 ans et cette croix que tu portes aujourd'hui faisait déjà partie de la sienne. Alors n'aie pas peur de prendre le Crucifix dans tes mains et de le serrer sur ta poitrine, de verser tes larmes sur Jésus. Et n'oublie pas de regarder son visage, le visage d'un Dieu jeune, vivant, ressuscité ! Oui, Jésus a vaincu le mal, il a fait de la croix le pont vers la résurrection. Alors, chaque jour, lève les mains vers lui pour le louer et le bénir ; crie vers lui les espérances de ton cœur, confie-lui les secrets les plus intimes de ta vie : la personne que tu aimes, les blessures que tu portes en toi, les rêves que tu as dans le cœur. Parle-lui de ton quartier, de tes voisins, de tes professeurs, de tes compagnons, de tes amis et collègues ; de ton pays. Dieu aime cette prière vivante, concrète, faite avec le cœur. Elle lui permet d'intervenir, d'entrer dans les plis de la vie d'une manière particulière ; de venir avec sa "force de paix" ; qui a un nom. Savez-vous de qui il s’agit ? De l'Esprit Saint, Celui qui console et donne la vie. Il est le moteur de la paix, Il est la véritable force de la paix. C'est pourquoi la prière est l'arme la plus puissante qui soit. Elle te transmet le réconfort et l’espérance de Dieu. Elle t’ouvre toujours de nouvelles possibilités et t’aide à vaincre les peurs. Oui, celui qui prie surmonte la peur et prend son avenir en main. Croyez-vous cela ? Voulez-vous choisir la prière comme votre secret, comme l'eau de votre âme, comme la seule arme que vous devez porter sur vous, comme votre compagne quotidienne de voyage ?

Maintenant, regardons le deuxième doigt, l'index. Avec lui, nous montrons quelque chose aux autres. Les autres, la communauté, c'est le deuxième ingrédient. Mes amis, ne laissez pas votre jeunesse être gâchée par la solitude et la fermeture. Pensez toujours à vous ensemble et vous serez heureux, car la communauté est la voie pour vivre en harmonie avec soi-même, pour être fidèle à sa vocation. Au contraire, les choix individualistes semblent attrayants au début, mais ils ne laissent ensuite qu'un grand vide intérieur. Pensez à la drogue : tu te caches des autres, de la vie réelle, pour te sentir tout-puissant ; et à la fin, tu te retrouves privé de tout. Mais pensez aussi à la dépendance à l'occultisme et à la sorcellerie, qui enferment dans l'emprise de la peur, de la vengeance et de la colère. Ne vous laissez pas fasciner par de faux paradis égoïstes, construits sur les apparences, l'argent facile ou sur une religiosité déformée.

Et prenez garde à la tentation de désigner quelqu’un du doigt, d'exclure l’autre parce qu'il est d'une origine différente de la vôtre ; au régionalisme, au tribalisme qui semblent vous renforcer dans votre groupe mais qui sont au contraire la négation de la communauté. Vous savez comment cela se passe : d'abord on croit des préjugés sur les autres, puis l’on justifie la haine, puis la violence, et finalement on se retrouve en guerre. Mais - je me demande – as-tu déjà parlé à des personnes d'autres groupes, ou es-tu toujours resté enfermé dans le tien ? As-tu jamais écouté les histoires des autres, t’es-tu approché de leurs souffrances ? Bien sûr, il est plus facile de condamner quelqu'un que de le comprendre ; mais le chemin que Dieu indique pour construire un monde meilleur passe par l'autre, par l'ensemble, par la communauté. Cela c'est faire Église, élargir ses horizons, voir en chacun un prochain, prendre soin de l'autre. Si tu vois une personne seule, souffrante, abandonnée ? Approche-toi d’elle. Non pas pour lui montrer combien tu es bon, mais pour lui donner ton sourire et lui offrir ton amitié.

David, tu as dit que vous, les jeunes, vous vouliez à juste titre être reliés aux autres, mais que les réseaux sociaux vous déroutent souvent. C'est vrai, la virtualité ne suffit pas. Nous ne pouvons pas nous contenter d’interagir sur des réseaux sociaux avec des personnes distantes ou même fausses. La vie ne se touche pas avec un doigt sur l'écran. Il est triste de voir des jeunes rester pendant des heures devant un téléphone : après qu'ils se sont vus, tu regardes leurs visages et tu vois qu'ils ne sourient pas, leur regard est fatigué et ennuyé. Rien ni personne ne peut remplacer la force du fait d’être ensemble, la lumière des yeux, la joie du partage ! Parler, s'écouter est essentiel : alors que chacun cherche sur l'écran celui qui l'intéresse, découvrez chaque jour la beauté de vous laisser émerveiller par les autres, par leurs histoires et leurs expériences.

Essayons maintenant de toucher du doigt de ce que signifie être une communauté. Pendant un moment, prenez s’il vous plait par la main celui qui est à côté de vous. Sentez que vous êtes une seule Église, un seul Peuple. Sens que ton bien dépend de celui de l'autre, qu'il est multiplié par l'ensemble. Sens-toi protégé par ton frère et ta sœur, par quelqu'un qui t’accepte tel que tu es et qui veut prendre soin de toi. Et sens-toi responsable des autres, membre vivant d'un grand réseau de fraternité où l'on se soutient mutuellement et où tu es indispensable. Oui, tu es indispensable et responsable de ton Église et de ton pays. Tu appartiens à une histoire plus grande qui t’appelle à être acteur : créateur de communion, champion de la fraternité, rêveur indomptable d'un monde plus uni.

Vous n'êtes pas seuls dans cette aventure : toute l'Église, répandue dans le monde entier, vous soutient. Est-ce un défi difficile à relever ? Oui, mais c'est un défi possible. Vous avez aussi des amis qui, des tribunes du ciel, vous poussent vers ces objectifs. Savez-vous qui sont-ils ? Les saints. Je pense, par exemple, au bienheureux Isidore Bakanja, à la bienheureuse Marie-Clémentine Anuarite, à saint Kizito et à ses compagnons : des témoins de la foi, des martyrs qui n'ont jamais cédé à la logique de la violence mais qui ont confessé par leur vie la force de l'amour et du pardon. Leurs noms, inscrits dans les cieux, resteront dans l'histoire, tandis que la fermeture et la violence tournent toujours au détriment de ceux qui les commettent. Je sais que vous avez montré à maintes reprises que vous savez vous lever pour défendre, même au prix de grands sacrifices, les droits de l'homme et l'espoir d'une vie meilleure pour tous dans le pays. Je vous en remercie et j’honore la mémoire de ceux - si nombreux - qui ont perdu la vie ou la santé pour ces nobles causes. Et je vous encourage à avancer ensemble, sans crainte, en tant que communauté !

Prière, communauté ; nous arrivons au doigt central, qui s'élève au-dessus des autres comme pour nous rappeler une chose indispensable. C'est l'ingrédient fondamental pour un avenir à la hauteur de vos attentes. C'est l'honnêteté ! Être chrétien, c'est témoigner du Christ. La première façon de le faire est de vivre honnêtement, comme Il le veut. Cela signifie ne pas se laisser prendre aux pièges de la corruption. Le chrétien ne peut qu'être honnête, sinon il trahit son identité. Sans honnêteté, nous ne sommes pas disciples ni témoins de Jésus ; nous sommes des païens, des idolâtres qui adorent leur propre moi au lieu de Dieu, qui se servent des autres au lieu de servir les autres.

Mais - je me demande - comment vaincre le cancer de la corruption qui semble s'étendre et ne jamais s'arrêter ? Saint Paul nous aide avec une phrase simple et géniale que vous pouvez répéter jusqu'à ce que vous la reteniez par cœur. La voici : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien » (Rm 12, 21). Ne te laisse pas vaincre par le mal : ne vous laissez pas manipuler par des individus ou des groupes qui cherchent à vous utiliser pour maintenir votre pays dans la spirale de la violence et de l'instabilité, afin de continuer à le contrôler sans égard pour personne. Mais sois vainqueur du mal par le bien : soyez les transformateurs de la société, les convertisseurs du mal en bien, de la haine en amour, de la guerre en paix. Voulez-vous être cela ? Si vous le voulez, c'est possible. Pourquoi ? Parce que chacun d'entre vous possède un trésor que personne ne peut lui voler. Celui de vos choix. Oui, tu es les choix que tu fais et tu peux toujours choisir la bonne chose à faire. Nous sommes libres de choisir : ne laissez pas votre vie se faire emporter par le courant pollué, ne vous laissez pas emporter comme un tronc sec dans une rivière sale. Indignez-vous, sans jamais céder aux flatteries, séductrices mais empoisonnées, de la corruption.

Je me souviens du témoignage d'un jeune homme comme vous, Floribert Bwana Chui. Il a été tué il y a quinze ans à Goma, alors qu'il n'avait que vingt-six ans, pour avoir bloqué le passage de denrées alimentaires avariées qui auraient porté atteinte à la santé des gens. Il aurait pu laisser faire, personne ne l'aurait découvert, et il aurait en plus gagné. Mais, en tant que chrétien, il a prié, pensé aux autres et choisi d'être honnête en disant non à la saleté de la corruption. Cela, c'est garder les mains propres alors que les mains qui trafiquent de l'argent sont ensanglantées. Si quelqu'un te tend une enveloppe, te promet des faveurs et des richesses, ne tombe pas dans le piège, ne te laisse pas tromper, ne te laisse pas engloutir dans le marais du mal. Ne te laisse pas vaincre par le mal, ne crois pas aux sombres complots de l'argent qui plongent dans la nuit. Être honnête, c'est briller de jour, c'est répandre la lumière de Dieu, c'est vivre la béatitude de la justice : sois vainqueur du mal par le bien !

Nous sommes au quatrième doigt, l'annulaire. C'est là que sont enfilées les alliances. Mais, si l'on y réfléchit, l'annulaire est aussi le doigt le plus faible, celui qui a le plus de mal à se lever. Il nous rappelle que les grands objectifs de la vie, l'amour avant tout, passent par des fragilités, des efforts et des difficultés. Il faut les habiter, les affronter avec patience et confiance, sans s'encombrer de problèmes inutiles, comme par exemple celui de transformer la valeur symbolique de la dot en une valeur quasi marchande. Mais, dans nos fragilités, dans les crises, quelle est la force qui nous fait avancer ? Le pardon. Parce que pardonner c’est savoir recommencer. Pardonner ne signifie pas oublier le passé, mais ne pas se résigner au fait qu’il se répètera. C’est changer le cours de l'histoire. C’est relever celui qui est tombé. C'est accepter l'idée que personne n'est parfait et que non seulement moi, mais tout le monde, a le droit de repartir.

Chers amis, pour créer un avenir nouveau, nous devons donner et recevoir le pardon. C'est ce que fait le chrétien : il n’aime pas seulement ceux qui l'aiment, mais il sait arrêter la spirale des vengeances personnelles et tribales par le pardon. Je pense au bienheureux Isidore Bakanja, un de vos frères qui a été longuement torturé parce qu'il n'avait pas renoncé à témoigner de sa piété et qu’il avait proposé le christianisme à d'autres jeunes. Il n'a jamais cédé aux sentiments de haine et, en donnant sa vie, il a pardonné à son bourreau. Celui qui pardonne apporte Jésus là même où il n'est pas accepté, il apporte l'amour là où l'amour est rejeté. Celui qui pardonne construit l'avenir. Mais comment devenir capable de pardon ? En nous laissant pardonner par Dieu. Chaque fois que nous nous confessons, nous recevons d'abord en nous-mêmes cette force qui change l'histoire. Par Dieu, nous sommes toujours pardonnés, toujours et gratuitement ! Et à nous aussi il est dit, comme dans l'Évangile : « Va et fais de même » (Lc 10, 37). Avance sans rancune, sans venin, sans haine. Progresse en faisant tien le style de Dieu, le seul qui renouvelle l'histoire. Avance et crois qu'avec Dieu, il est toujours possible de recommencer, il est toujours possible de repartir, il est toujours possible de pardonner !

Prière, communauté, honnêteté, pardon. Nous sommes au dernier doigt, le plus petit. Tu pourrais dire : je suis peu de chose et le bien que je peux faire n’est qu’une goutte dans la mer. Mais c'est précisément la petitesse, le fait de se faire petit, qui attire Dieu. Il y a un mot clé qui va dans ce sens : le service. Celui qui sert se fait petit ; comme une graine minuscule qui semble disparaître dans la terre mais qui, au contraire, porte du fruit. Selon Jésus, le service est le pouvoir qui transforme le monde. Ainsi, la petite question que tu peux t’attacher au doigt chaque jour est : Moi, que puis-je faire pour les autres ? C’est-à-dire, comment puis-je servir l'Église, ma communauté, mon pays? Olivier, tu nous as dit que dans certaines régions isolées, ce sont vous, les catéchistes, qui servez au quotidien les communautés de foi, et que cela doit être, dans l'Église, "l'affaire de tous". C'est vrai, et il est beau de servir les autres, de prendre soin d'eux, de faire quelque chose de gratuit, comme Dieu le fait avec nous. Je voudrais vous remercier, chers catéchistes : vous êtes vitaux comme l'eau pour beaucoup de communautés ; faites-les toujours grandir par la clarté de votre prière et de votre service. Servir, ce n'est pas rester les bras croisés, c'est se mobiliser. Beaucoup se mobilisent parce qu'ils sont attirés par leurs intérêts personnels. Vous, n'ayez pas peur de vous mobiliser pour le bien, d'investir dans le bien, dans l'annonce de l'Évangile, en vous préparant de manière passionnée et adéquate, en donnant vie à des projets organisés et à long terme. Et n'ayez pas peur de faire entendre votre voix, car non seulement l'avenir, mais aussi le présent sont entre vos mains : soyez au centre du présent !

Mes amis, je vous ai laissé cinq conseils pour établir des priorités parmi toutes les rumeurs attrayantes qui circulent. Dans la vie, comme dans la circulation routière, c'est souvent le désordre qui crée des embouteillages et des blocages inutiles, qui font perdre du temps et de l'énergie, et qui entretiennent la colère. Il est bon pour nous, au contraire, même dans l’agitation, de donner des points de référence au cœur et à la vie, des directions stables pour initier un avenir différent, sans suivre les vents de l'opportunisme. Chers amis, jeunes et catéchistes, je vous remercie pour ce que vous faites et pour ce que vous êtes : pour votre enthousiasme, votre lumière et votre espérance. Je voudrais vous dire une dernière chose : ne vous découragez jamais ! Jésus croit en vous et ne vous laisse jamais seuls. Gardez la joie que vous avez aujourd'hui et ne la laissez pas s'éteindre. Comme le disait Floribert à ses amis lorsqu'ils n’avaient pas bon moral: "Prends l'Évangile et lis-le. Il te consolera, il te donnera de la joie". Sortez ensemble du pessimisme qui paralyse. La République Démocratique du Congo attend de vos mains un avenir différent, car l'avenir est entre vos mains. Que votre pays redevienne, grâce à vous, un jardin fraternel, le cœur de paix et de liberté de l’Afrique ! Merci !


Réunion de prière avec les évêques, les prêtres, les religieux et religieuses, les séminaristes dans la cathédrale de Notre Dame du Congo (Kinshasa).

Chers frères prêtres, diacres et séminaristes,
chers consacrés, bonsoir et bonne fête !

Je suis heureux de me trouver avec vous en ce jour précis, Présentation du Seigneur, le jour où nous prions spécialement pour la vie consacrée. Tous, comme Siméon, nous attendons la lumière du Seigneur pour qu’elle éclaire les ténèbres de notre vie. Plus encore, nous désirons tous vivre la même expérience qu’il a faite dans le Temple de Jérusalem : tenir Jésus dans ses bras. Le tenir dans les bras de manière à l’avoir devant les yeux et sur le cœur. En mettant Jésus au centre, le regard sur la vie change et, malgré les souffrances et les peines intérieures, nous nous sentons enveloppés de sa lumière, consolés par son Esprit, encouragés par sa Parole, soutenus par son amour.

Je dis cela en pensant au mot de bienvenue prononcé par le Cardinal Ambongo, que je remercie. Il a parlé « d’énormes défis » à affronter pour vivre l’engagement sacerdotal et religieux en cette terre marquée par des « conditions difficiles et parfois dangereuses », terre de tant de souffrances. Pourtant, comme il le rappelait, il y a aussi beaucoup de joie dans le service de l’Évangile et les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée sont nombreuses. C’est l’abondance de la grâce de Dieu qui agit dans la faiblesse (cf. 2 Co 12, 9) et qui vous rend capables, avec les fidèles laïcs, de générer l’espérance dans les situations souvent douloureuses de votre peuple.

La certitude qui nous accompagne aussi dans les difficultés est donnée par la fidélité de Dieu qui dit, par le prophète Isaïe : « Je ferai passer un chemin dans le désert, des fleuves dans les lieux arides » (43, 19). J’ai pensé vous proposer quelques réflexions à partir de ces paroles d’Isaïe : Dieu ouvre des chemins dans nos déserts et nous, ministres ordonnés et personnes consacrées, nous sommes appelés à être le signe de cette promesse et à la réaliser dans l’histoire du Peuple saint de Dieu. Mais, concrètement, à quoi sommes-nous appelés ? À servir le peuple comme témoins de l’amour de Dieu. Isaïe nous aide à comprendre comment.

Par la bouche du prophète, le Seigneur rejoint son peuple à un moment dramatique, lorsque les Israélites sont déportés à Babylone et réduits en esclavage. Poussé par la compassion, Dieu veut les consoler. Cette partie du livre d’Isaïe est connue en effet comme “Livre de la Consolation”, parce que le Seigneur adresse à son peuple des paroles d’espérance et des promesses de salut. Et tout d’abord, il rappelle le lien d’amour qui le lie à son peuple : « Ne crains pas, car je t’ai racheté, je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi. Quand tu traverseras les eaux, je serai avec toi, les fleuves ne te submergeront pas. Quand tu marcheras au milieu du feu, tu ne te brûleras pas, la flamme ne te consumera pas » (43, 1-2). Le Seigneur se révèle ainsi comme Dieu de la compassion et Il assure ne jamais nous laisser seuls, être toujours à nos côtés, refuge et force dans les difficultés. Dieu est compatissant. Les trois noms de Dieu, les trois caractéristiques de Dieu sont miséricorde, compassion et tendresse. Car tous ceux-ci font la proximité de Dieu : un Dieu proche, compatissant et tendre.

Chers prêtres et diacres, consacrés, séminaristes : à travers vous, le Seigneur veut aujourd’hui encore oindre son peuple avec l’huile de la consolation et de l’espérance. Et vous êtes appelés à vous faire l’écho de cette promesse de Dieu, à rappeler qu’Il nous a façonnés et que nous Lui appartenons, à encourager le cheminement de la communauté et à l’accompagner dans la foi à la rencontre de Celui qui marche déjà à nos côtés. Dieu ne permet pas aux eaux de nous submerger, ni au feu de nous brûler. Sentons que nous sommes porteurs de cette annonce au milieu des souffrances des gens. C’est ce que signifie être serviteurs du peuple : prêtres, sœurs, missionnaires qui ont fait l’expérience de la joie de la rencontre libératrice avec Jésus et qui l’offrent aux autres. Souvenons-nous-en : le sacerdoce et la vie consacrée deviennent arides si nous les vivons pour “nous servir” du peuple au lieu de “le servir”. Il ne s’agit pas d’un métier pour gagner ou avoir une position sociale, non plus pour s’occuper de la famille d’origine ; mais ils ont pour mission d’être des signes de la présence du Christ, de son amour inconditionnel, du pardon par lequel il veut nous réconcilier, de la compassion avec laquelle il veut prendre soin des pauvres. Nous avons été appelés à offrir notre vie pour nos frères et sœurs, en leur apportant Jésus, le seul qui guérit les blessures du cœur.

Pour vivre ainsi notre vocation, nous avons toujours des défis à affronter, des tentations à vaincre. Je voudrais m’arrêter brièvement sur les trois suivantes : la médiocrité spirituelle, le confort mondain, la superficialité.

Avant tout vaincre la médiocrité spirituelle. Comment ? La Présentation du Seigneur, qui dans l’Orient chrétien est appelée “fête de la rencontre”, nous rappelle la priorité de notre vie : rencontrer le Seigneur, en particulier dans la prière personnelle, car la relation avec Lui est le fondement de notre action. N’oublions pas que le secret de tout, c’est la prière car le ministère et l’apostolat ne sont pas d’abord notre œuvre et ne dépendent pas seulement de moyens humains. Alors vous me direz : oui, c’est vrai, mais les engagements, les urgences pastorales, les efforts apostoliques, la fatigue et autres risquent de ne pas laisser suffisamment de temps et d’énergie pour la prière. C’est pourquoi je voudrais partager quelques conseils : avant tout, tenons à certains rythmes liturgiques de la prière qui cadencent la journée, de la messe au bréviaire. La célébration eucharistique quotidienne est le cœur battant de la vie sacerdotale et religieuse. La Liturgie des Heures nous permet de prier avec l’Église, et avec régularité : ne la négligeons jamais ! Et n’oublions pas non plus la confession : nous avons toujours besoin d’être pardonnés afin de pouvoir donner la miséricorde. Un autre conseil : comme nous le savons, nous ne pouvons pas nous limiter à la récitation rituelle des prières, mais il faut réserver chaque jour un temps intense de prière, pour être cœur à cœur avec le Seigneur : un moment prolongé d’adoration, de méditation de la Parole, le saint Rosaire ; une rencontre intime avec Celui que nous aimons par-dessus tout. De plus, lorsque nous sommes en pleine activité, nous pouvons également recourir à la prière du cœur, à de brèves “oraisons jaculatoires” – elles sont un trésor, les oraisons jaculatoires –, des paroles de louange, d’action de grâce et d’invocation à répéter au Seigneur partout où nous nous trouvons. La prière nous décentre, nous ouvre à Dieu, nous remet sur pied parce qu’elle nous met entre ses mains. Elle crée en nous de l’espace pour faire l’expérience de la proximité de Dieu, afin que sa Parole nous devienne familière et, à travers nous, familière à tous ceux que nous rencontrons. Sans prière, on ne va pas loin. Enfin, pour surmonter la médiocrité spirituelle, ne nous lassons jamais d’invoquer la Vierge – elle est notre Mère – et d’apprendre d’elle à contempler et à suivre Jésus.

Le deuxième défi est celui de vaincre la tentation du confort mondain, d’une vie confortable dans laquelle on règle plus ou moins toutes les choses en avançant par inertie, recherchant notre confort et en nous traînant sans enthousiasme. Mais on perd de cette façon le cœur de la mission qui est de sortir des territoires du moi pour aller vers les frères et les sœurs, en exerçant, au nom de Dieu, l’art de la proximité. Un grand risque lié à la mondanité, spécialement dans un contexte de pauvreté et de souffrances, est celui de profiter du rôle que nous avons pour satisfaire nos besoins et notre confort. Il est triste, très triste de se replier sur soi-même en devenant de froids bureaucrates de l’esprit. Alors, au lieu de servir l’Évangile, nous nous soucions de gérer les finances et de mener à bien quelque affaire avantageuse pour nous. Frères et sœurs, c’est un scandale quand cela arrive dans la vie d’un prêtre ou d’un religieux, qui devraient au contraire être des modèles de sobriété et de liberté intérieure. Qu’il est beau en revanche de rester transparent dans les intentions et libéré des compromis avec l’argent, en embrassant avec joie la pauvreté évangélique et en travaillant aux côtés des pauvres ! Et qu’il est beau de rayonner en vivant le célibat comme signe de disponibilité complète au Royaume de Dieu ! Que ces vices, que nous voudrions éradiquer chez les autres et dans la société, ne se trouvent jamais enracinés en nous. S’il vous plaît, faisons attention au confort mondain.

Enfin, le troisième défi est celui de vaincre la tentation de la superficialité. Si le Peuple de Dieu attend d’être rejoint et consolé par la Parole du Seigneur, il y a besoin de prêtres et des religieux préparés, formés, passionnés de l’Évangile. Un don a été mis entre nos mains et il serait présomptueux de notre part de penser pouvoir vivre la mission à laquelle Dieu nous a appelés sans travailler chaque jour sur nous-mêmes, et sans nous former de manière comme il convient à la vie spirituelle à la théologie. Les gens n’ont pas besoin de fonctionnaires du sacré ni de diplômés à part du peuple. Nous sommes tenus d’entrer au cœur du mystère chrétien, d’en approfondir la doctrine, d’étudier et de méditer la Parole de Dieu ; et en même temps de rester ouverts aux inquiétudes de notre temps, aux questions toujours plus complexes de notre époque, pour comprendre la vie et les besoins des personnes, pour comprendre comment les prendre par la main et les accompagner. Par conséquent, la formation du clergé n’est pas une option. Je le dis aux séminaristes, mais cela vaut pour tous : la formation est un chemin à poursuivre toujours et toute la vie. On l’appelle formation permanente : la formation tout au long de la vie.

Ces défis dont je vous ai parlé doivent être affrontés si nous voulons servir le peuple comme témoins de l’amour de Dieu, car le service n’est efficace que s’il passe par le témoignage. Ne pas oublier ce mot : le témoignage. En effet, après avoir prononcé des paroles de consolation, le Seigneur dit par l’intermédiaire d’Isaïe : « Qui, parmi eux, peut annoncer cela et nous rappeler les événements du passé ? Vous êtes mes témoins » (43, 9.10). Témoins. Pour être de bons prêtres, diacres et personnes consacrées, les paroles et les intentions ne suffisent pas : c’est avant tout la vie qui parle, la vie personnelle. Chers frères et sœurs, en vous regardant, je rends grâce à Dieu, car vous êtes des signes de la présence de Jésus qui passe le long des routes de ce pays et touche la vie des personnes, les blessures de leur chair. Mais il faut encore de jeunes qui disent “oui” au Seigneur, d’autres prêtres et religieux qui, par leur vie, laissent transparaître sa beauté.

Dans vos témoignages, vous m’avez rappelé combien il est difficile de vivre la mission sur une terre riche de tant de beautés naturelles et de ressources, mais blessée par l’exploitation, la corruption, la violence et l’injustice. Mais vous avez aussi parlé de la parabole du bon samaritain : c’est Jésus qui passe le long de nos routes et, spécialement à travers son Église, qui s’arrête et prend soin des blessures des opprimés. Très chers amis, le ministère auquel vous êtes appelés est celui-ci : offrir proximité et consolation, comme une lumière toujours allumée au milieu de tant d’obscurité. Apprenons du Seigneur qui est proche, toujours. Et pour être frères et sœurs de tous, soyez-le d’abord entre vous : témoins de fraternité, jamais en guerre ; témoins de paix, apprenant à dépasser aussi les aspects particuliers des cultures et des origines ethniques, parce que, comme l’a affirmé Benoît XVI en s’adressant aux prêtres africains, « votre témoignage de vie pacifique, par-delà les frontières tribales et raciales, peut toucher les cœurs » (Exhort. ap. Africae munus, n. 108).

Un proverbe dit : « Le vent ne brise pas ce qui sait se plier ». L’histoire de beaucoup de peuples de ce continent a été malheureusement courbée et meurtrie par des blessures et des violences. Et donc, si un désir monte du cœur, c’est bien celui de ne plus devoir le faire, ne plus devoir se soumettre à l’autorité du plus fort, ne plus avoir à baisser la tête sous le joug de l’injustice. Mais nous pouvons accueillir les paroles du proverbe surtout dans un sens positif. Se plier n’est pas toujours synonyme de faiblesse, d’être lâche, mais de force. C’est aussi être flexible en surmontant les rigidités ; c’est cultiver une humanité docile qui ne se ferme pas dans la haine et la rancœur ; c’est être disponible à se laisser changer sans s’accrocher à ses idées et positions. Si nous nous inclinons devant Dieu, avec humilité, Il nous fait devenir comme Lui, des artisans de miséricorde. Quand nous restons dociles entre les mains de Dieu, Il nous façonne et fait de nous des personnes réconciliées, qui savent s’ouvrir et dialoguer, accueillir et pardonner, faire couler des fleuves de paix dans les steppes arides de la violence. Et, ainsi, lorsque soufflent impétueusement les vents des conflits et des divisions, ces personnes ne peuvent pas être brisées, parce qu’elles sont remplies de l’amour de Dieu. Soyez ainsi, vous aussi : dociles au Dieu de la miséricorde, jamais brisés par les vents des divisions.

Sœurs et frères, je vous remercie de tout cœur pour ce que vous êtes et ce que vous faites, je vous remercie pour votre témoignage à l’Église et au monde. Ne vous découragez pas, il y a besoin de vous ! Vous êtes précieux, importants : je vous le dis au nom de l’Église tout entière. Je vous souhaite d’être toujours des canaux de la consolation du Seigneur et des témoins joyeux de l’Évangile, prophétie de paix dans les spirales de la violence, disciples de l’Amour, prêts à soigner les blessures des pauvres et de ceux qui souffrent. Merci beaucoup, sœurs et frères, merci encore pour votre service et pour votre zèle pastoral. Je vous bénis et je vous porte dans mon cœur. Et vous, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi ! Merci.


Vendredi, 3 février 2023

Rencontre avec les évêques au siège de la CENCO (Kinshasa)

Chers frères Évêques, bonjour !

Je suis heureux de vous rencontrer et je vous remercie de tout cœur pour votre accueil chaleureux. Merci à Mgr Utembi Tapa pour les salutations qu’il m’a adressées et de vous avoir donné la parole à travers les siennes. Je vous suis reconnaissant de la manière dont vous annoncez courageusement la consolation du Seigneur, en marchant au milieu du peuple, en partageant leurs peines et leurs espérances.

Il m'a été agréable de passer ces jours-ci dans votre pays, qui, avec sa grande forêt, est le "cœur vert" de l'Afrique, un poumon pour le monde entier. L'importance de ce patrimoine écologique nous rappelle que nous sommes appelés à protéger la beauté de la création et à la défendre contre les blessures causées par l'égoïsme prédateur. Mais cette immense étendue de verdure qu'est votre forêt est aussi une image qui parle à notre vie chrétienne : en tant qu'Église, nous avons besoin de respirer l'air pur de l'Évangile, chasser l'air pollué de la mondanité, garder le cœur juvénile de la foi. C'est ainsi que j'imagine l'Église africaine et c'est ainsi que je vois cette Église congolaise : une Église jeune, dynamique, joyeuse, animée par la soif missionnaire, par l'annonce que Dieu nous aime et que Jésus est le Seigneur. Votre Église est présente dans l'histoire concrète de ce peuple, enracinée en profondeur dans la réalité, actrice dans la charité ; une communauté capable d'attirer et de contaminer par son enthousiasme et, comme le font vos forêts, avec beaucoup d'"oxygène". Merci, d’être un poumon qui donne du souffle à l'Église universelle !

C'est laid de commencer un paragraphe par le mot "malheureusement", mais je dois le faire ! Malheureusement, je suis bien conscient que la communauté chrétienne de ce pays présente également une autre physionomie. Votre visage jeune, lumineux et beau est en effet marqué par la douleur et la fatigue, parfois par la peur et le découragement. C'est le visage d'une Église qui souffre pour son peuple, c'est un cœur qui bat au rythme de la vie du peuple avec ses joies et ses tribulations. C'est une Église signe visible du Christ qui, aujourd'hui encore, est rejeté, condamné et méprisé dans les nombreux crucifiés du monde, et qui pleure nos propres larmes. C'est une Église qui, comme Jésus, veut aussi sécher les larmes du peuple, en s’évertuant à prendre sur elle les blessures matérielles et spirituelles des gens, et en faisant couler sur elles l'eau vive qui guérit du côté du Christ.

Avec vous, frères, je vois Jésus souffrant dans l'histoire de ce peuple, peuple crucifié, peuple opprimé, frappé par une violence qui n'épargne pas, marqué par la souffrance des innocents ; un peuple contraint de vivre dans les eaux troubles de la corruption et de l'injustice qui polluent la société, et qui souffre de la pauvreté en tant de ses enfants. Mais je vois en même temps un peuple qui n'a pas perdu l’espérance, qui embrasse avec enthousiasme la foi et se tourne vers ses pasteurs, qui sait revenir au Seigneur et se remettre entre ses mains afin que la paix à laquelle il aspire, étouffée par l'exploitation, l'égoïsme partisan, par les poisons des conflits et des vérités manipulées, puisse enfin advenir comme un don d'en haut.

On en vient à se demander : comment exercer le ministère dans cette situation ? En pensant à vous, pasteurs du Peuple saint de Dieu, l'histoire de Jérémie m'est venue à l'esprit, un prophète appelé à vivre sa mission à un moment dramatique de l'histoire d'Israël, au milieu des injustices, des abominations et des souffrances. Il a dépensé sa vie à proclamer que Dieu n'abandonne jamais son peuple et fait émerger des projets de paix, même dans les situations qui semblent perdues et irrécupérables. Mais cette annonce consolante de la foi, Jérémie l’a vécue d'abord dans sa personne, il a le premier fait l'expérience de la proximité de Dieu. Ce n'est que de cette manière qu'il a pu apporter aux autres une courageuse prophétie d'espérance. Votre ministère épiscopal vit aussi entre ces deux dimensions dont je voudrais vous parler : la proximité de Dieu et la prophétie pour le peuple.

Avant tout, je voudrais vous dire : laissez-vous toucher et réconforter par la proximité de Dieu. Il est proche de nous. La première parole que le Seigneur adresse à Jérémie est celle-ci : « Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais » (Jr 1, 5). C'est une déclaration d'amour que Dieu grave dans le cœur de chacun d'entre nous, que personne ne peut effacer et qui, au milieu des tempêtes de la vie, devient une source de réconfort. Pour nous, qui avons reçu l'appel à être les pasteurs du Peuple de Dieu, il est important de nous appuyer sur cette proximité du Seigneur, en nous "structurant dans la prière", en nous tenant pendant des heures devant Lui. Ce n'est qu'ainsi que le peuple qui nous est confié se rapproche du Bon Pasteur, et ce n'est qu'ainsi que nous devenons vraiment des pasteurs, car sans Lui nous ne pouvons rien faire (cf. Jn 15, 5). Nous serions des entrepreneurs, des "maîtres", mais nous ne suivrions pas l'appel du Seigneur. Sans Lui, nous ne pouvons rien faire. Qu'il ne nous arrive pas de nous considérer comme autosuffisants, et encore moins de voir dans l'épiscopat la possibilité d'accéder à une position sociale et d'exercer un pouvoir. Cet horrible esprit de " carriérisme ". Et surtout : que n'entre pas l'esprit mondain qui nous fait interpréter le ministère selon les critères de nos intérêts lucratifs personnels, qui nous rend froids et détachés dans l'administration de ce qui nous est confié, qui nous pousse à nous servir de la fonction au lieu de servir les autres, et à ne plus nous soucier de la relation indispensable, humble et quotidienne, de la prière. N'oublions pas que la mondanité est le pire qui puisse arriver à l'Église, c'est le pire. J'ai toujours été touché par la fin du livre du cardinal de Lubac sur l'Église, les trois ou quatre dernières pages, où il dit : la mondanité spirituelle est le pire qui puisse arriver, pire encore que l'époque des papes mondains et concubins. C'est pire. Et la mondanité est toujours à l'affût. Soyons attentifs !

Chers frères évêques, soignons notre proximité avec le Seigneur afin d'être ses témoins crédibles et les porte-paroles de son amour auprès du peuple. C'est à travers nous qu'il veut l’oindre de l'huile de la consolation et de l'espérance ! Vous êtes la voix avec laquelle Dieu veut dire aux Congolais : « Tu es un peuple consacré au Seigneur ton Dieu » (Dt 7, 6). L'annonce de l'Évangile, l'animation de la vie pastorale, la conduite du peuple ne peuvent se réduire à des principes éloignés de la réalité de la vie quotidienne, mais doivent toucher les blessures et communiquer la proximité divine, afin que les personnes découvrent leur dignité de fils de Dieu et apprennent à marcher la tête haute, sans jamais s’incliner devant les humiliations et les oppressions. Par vous, ce peuple a la grâce de s'entendre dire des paroles semblables à celles que le Seigneur adressa à Jérémie : "Tu es un peuple béni, avant de te former dans le ventre de ta mère, j'ai pensé à toi, je t'ai connu, je t'ai aimé". Si nous cultivons la proximité avec Dieu, nous serons poussés vers le peuple et nous éprouverons toujours de la compassion pour ceux qui nous sont confiés. Cette attitude de compassion, qui n'est pas un sentiment, c'est un souffrir avec. Réconfortés et fortifiés par le Seigneur, nous devenons à notre tour des instruments de consolation et de réconciliation pour les autres, pour guérir les blessures de ceux qui souffrent, apaiser la peine de ceux qui pleurent, relever les pauvres, libérer les personnes de nombreuses formes d'esclavage et d'oppression. C'est dire que la proximité de Dieu fait de nous des prophètes pour le peuple, capables de semer la Parole qui sauve dans l'histoire blessée de cette terre.

Et pour approfondir ce deuxième point, la prophétie pour le peuple, regardons à nouveau l'expérience de Jérémie. Après avoir reçu la Parole aimante et consolante de Dieu, il est appelé à être « prophète pour les nations » (Jr 1, 5), envoyé pour apporter la lumière dans les ténèbres, pour témoigner dans un contexte de violence et de corruption. Et Jérémie, qui dévore la Parole du Seigneur, car elle est pour lui joie et allégresse du cœur (cf. Jr 15, 10), confesse que cette même Parole sème en lui une inquiétude irrépressible et le pousse à aller vers les autres pour qu'ils soient touchés par la présence de Dieu. Il écrit : « Elle était comme un feu brûlant dans mon cœur, elle était enfermée dans mes os. Je m’épuisais à la maîtriser, sans y réussir » (Jr 20, 9). Nous ne pouvons pas garder la Parole de Dieu pour nous seuls, nous ne pouvons pas contenir sa puissance : elle est un feu qui brûle notre apathie et allume en nous le désir d'éclairer ceux qui sont dans les ténèbres. La Parole de Dieu est un feu qui brûle à l'intérieur et qui nous pousse à sortir ! Voilà notre identité épiscopale : brûlés par la Parole de Dieu, en sortie vers le peuple de Dieu, avec zèle apostolique !

Mais - nous pouvons nous demander - en quoi consiste cette annonce prophétique de la Parole, cette ardeur? Le Seigneur dit au prophète Jérémie : « Voici, je mets dans ta bouche mes paroles ! Vois : aujourd’hui, je te donne autorité sur les nations et les royaumes, pour arracher et renverser, pour détruire et démolir, pour bâtir et planter » (Jr 1, 9-10). Ce sont des verbes forts : d'abord arracher et renverser, pour finalement bâtir et planter. Il s'agit de collaborer à une histoire nouvelle que Dieu veut construire dans un monde de perversion et d'injustice. Vous aussi, donc, vous êtes appelés à continuer à faire entendre votre voix prophétique pour que les consciences se sentent interpellées et que chacun devienne acteur et responsable d'un avenir différent. Il faut donc arracher les plantes vénéneuses de la haine et de l'égoïsme, de la rancœur et de la violence ; renverser les autels consacrés à l'argent et à la corruption ; bâtir une coexistence basée sur la justice, la vérité et la paix ; et, enfin, planter les graines de la renaissance pour que le Congo de demain soit vraiment ce dont le Seigneur rêve : une terre bénie et heureuse, plus jamais violentée, opprimée ni ensanglantée.

Mais attention, il ne s'agit pas d'une action politique. La prophétie chrétienne s'incarne dans de multiples actions politiques et sociales, mais telle n'est pas la tâche des évêques et des pasteurs en général. Elle est d’annoncer la Parole pour éveiller les consciences, pour dénoncer le mal, pour réconforter ceux qui sont affligés et sans espérance. " Consolez, consolez mon peuple " : cette devise qui revient, revient, est une invitation du Seigneur : consolez le peuple. "Consolez, consolez mon peuple". Il s'agit d'une annonce faite non seulement de mots mais aussi de proximité et de témoignage : proximité, tout d'abord, avec les prêtres - les prêtres sont ceux qui sont les plus proches d'un évêque -, écoute des agents pastoraux, encouragement de l'esprit synodal pour travailler ensemble. Et le témoignage, parce que les pasteurs doivent être crédibles, avant tout, en toutes choses, et en particulier dans le fait de cultiver la communion, dans la vie morale et dans l'administration des biens. Il est essentiel, en ce sens, de savoir construire l'harmonie sans se mettre sur des piédestaux, sans rudesses, mais en donnant le bon exemple du soutien et du pardon mutuel, en travaillant ensemble comme des modèles de fraternité, de paix et de simplicité évangéliques. Qu'il n'arrive jamais, alors que le peuple souffre de la faim, que l’on puisse dire de vous : « Ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce » (Mt 22, 5). Non, le commerce, s'il vous plaît, laissons-le en dehors de la vigne du Seigneur ! Un pasteur ne peut pas être un homme d'affaires, il ne peut pas ! Nous sommes pasteurs et serviteurs du peuple de Dieu, pas des administrateurs de biens, pas des hommes d'affaires, des pasteurs ! L'administration de l'évêque doit être celle du berger : devant le troupeau, au milieu du troupeau, derrière le troupeau. Devant le troupeau pour montrer le chemin ; au milieu du troupeau pour sentir le troupeau, pour ne pas le perdre ; derrière le troupeau pour aider ceux qui vont plus lentement, et aussi pour laisser le troupeau seul pendant un moment et voir où il trouve des pâturages. Le berger doit se déplacer dans ces trois directions.

Chers frères évêques, j'ai partagé avec vous ce que je portais dans mon cœur : cultiver la proximité avec le Seigneur afin d'être des signes prophétiques de sa compassion pour le peuple. Je vous prie de ne pas négliger le dialogue avec Dieu et de ne pas laisser le feu de la prophétie s'éteindre, à cause de calculs ou de compromis avec le pouvoir, ni à cause d’une vie tranquille et routinière. Face au peuple qui souffre et face à l'injustice, l'Évangile exige que nous élevions la voix. Quand nous élevons notre voix selon Dieu, nous risquons. C'est ce qu'a fait l’un de vos frères, le serviteur de Dieu Mgr Christophe Munzihirwa, un pasteur courageux et une voix prophétique, qui a gardé son peuple en offrant sa vie. La veille de sa mort, il avait envoyé un message à tous en disant : « En ces jours, que pouvons-nous encore faire ? Restons fermes dans la foi. Ayons confiance que Dieu ne nous abandonnera pas et que, de quelque part, une petite lueur d`espérance naîtra pour nous. Dieu ne nous abandonnera pas si nous nous engageons à respecter la vie de nos voisins, quel que soit le groupe ethnique auquel ils appartiennent ». Le lendemain, il a été tué sur la place de la ville, mais sa graine, plantée dans cette terre, avec celle de beaucoup d'autres, portera du fruit. Il est bon de se souvenir, avec gratitude, des grands pasteurs qui ont marqué l'histoire de votre pays et de votre Église, de ceux qui vous ont évangélisés et précédés dans la foi. Frères, ils sont vos racines qui vous fortifient dans l'ardeur évangélique. Je pense à tout le bien que reçu par le fait d’avoir connu le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya.

Bien-aimés, n'ayez pas peur d'être des prophètes d'espérance pour le peuple, des voix concordantes de la consolation du Seigneur, des témoins et des messagers joyeux de l'Évangile, des apôtres de la justice, des Samaritains de la solidarité, des témoins de la miséricorde et de la réconciliation au milieu des violences déclenchées, non seulement par l'exploitation des ressources et les conflits ethniques et tribaux, mais aussi et surtout par la puissance obscure du malin, l'ennemi de Dieu et de l'homme. Mais ne vous découragez jamais : le Crucifié est ressuscité, Jésus est victorieux, bien plus, il a déjà vaincu le monde (cf. Jn 16, 33) et il veut briller en vous, dans votre précieux travail, dans votre ensemencement fécond de paix ! Frères, je veux vous remercier pour votre service, pour votre zèle pastoral, pour votre témoignage.

Et, maintenant que je suis arrivé au terme de ce voyage, je tiens à vous exprimer toute ma gratitude, ainsi qu'à ceux qui l'ont préparé ici. Vous avez eu la patience d'attendre un an, vous êtes bons ! Merci pour cela ! Vous avez dû travailler deux fois, car la première fois la visite a été annulée, mais je sais que vous êtes miséricordieux envers le Pape! Merci beaucoup ! En juin prochain, vous célébrerez le Congrès eucharistique national à Lubumbashi. Jésus est vraiment présent et à l'œuvre dans l'Eucharistie ; là, il restaure et guérit, console et unit, illumine et transforme ; là, il inspire, soutient et rend votre ministère efficace. Que la présence de Jésus, le pasteur doux et humble, vainqueur du mal et de la mort, transforme ce grand pays et soit toujours votre joie et votre espérance ! Je vous bénis de tout cœur.

Je voudrais ajouter une seule chose : j'ai dit " soyez miséricordieux ". La miséricorde. Pardonnez toujours. Quand un croyant vient se confesser, il vient demander le pardon, il vient demander la caresse du Père. Et nous, d'un doigt accusateur : "Combien de fois ? Et comment l'avez-vous fait ?...". Non, pas ça. Pardonnez. Toujours. "Mais je ne sais pas..., parce que le code me dit...". Le code nous devons l'observer, car il est important, mais le cœur du pasteur va au-delà ! Prenez le risque. Pour le pardon, prenez des risques. Toujours. Pardonnez toujours dans le Sacrement de la Réconciliation. Et ainsi vous sèmerez le pardon pour l'ensemble de la société.

Je vous bénis de tout mon cœur. Et s’il vous plait, continuez à prier pour moi, car cette charge est un peu difficile ! Mais je me confie à vous. Merci.


Rencontre avec les autorités, la société civile et le corps diplomatique (Djouba - Soudan du Sud)

Jardin du Palais présidentiel (Djouba)

Monsieur le Président de la République,
Messieurs les Vice-Présidents,
Membres illustres du Gouvernement et du Corps diplomatique,
Autorités religieuses distinguées,
Représentants insignes de la société civile et du monde de la culture,
Mesdames et Messieurs !

Merci, Monsieur le Président pour vos paroles. Je suis heureux d’être sur cette terre que je porte dans mon cœur. Je vous remercie, Monsieur le Président, pour l’accueil que vous m’avez réservé. Je salue cordialement chacun de vous et, à travers vous, toutes les femmes et les hommes qui peuplent ce jeune et cher pays. Je viens comme pèlerin de réconciliation, avec le rêve de vous accompagner sur votre chemin de paix, un chemin tortueux mais qui ne peut plus être reporté. Je ne suis pas venu seul, parce que dans la paix, comme dans la vie, on marche ensemble. Je suis donc chez vous avec deux frères, l’Archevêque de Canterbury et le Modérateur de l’Assemblée générale de l’Église d’Écosse, que je remercie pour ce qu’ils nous diront. Ensemble, nous nous présentons à vous et à ce peuple au nom de Jésus-Christ, Prince de la paix.

Nous avons en effet entrepris ce pèlerinage œcuménique de paix après avoir écouté le cri de tout un peuple qui, avec grande dignité, pleure à cause de la violence qu’il subit, du perpétuel manque de sécurité, de la pauvreté qui le frappe et des catastrophes naturelles qui sévissent. Les années de guerres et de conflits ne semblent pas connaître de fin et même, récemment, hier, de durs affrontements ont eu lieu alors que les processus de réconciliation semblent paralysés et que les promesses de paix restent inaccomplies. Que cette souffrance épuisante ne soit pas vaine. Que la patience et les sacrifices du peuple sud-soudanais, de cette population jeune, humble et courageuse, nous interpellent tous. Qu’ils voient éclore des germes de paix qui portent du fruit, tels des semences qui en terre donnent vie à la plante. Frères et sœurs, l’heure de la paix est venue !

Les fruits et la végétation abondent ici, grâce au grand fleuve qui traverse le pays. Ce que l’historien de l’antiquité Hérodote disait de l’Égypte, qu’elle un “don du Nil”, vaut aussi pour le Soudan du Sud., Comme on le dit ici, cette terre est vraiment une “terre de grande abondance”. Je voudrais donc me laisser porter par l’image du grand fleuve qui traverse ce pays récent mais à l’histoire ancienne. Au cours des siècles, les explorateurs se sont introduits sur le territoire où nous sommes pour remonter le Nil Blanc à la recherche des sources du fleuve le plus long du monde. C’est par la recherche des sources du vivre ensemble que je voudrais commencer mon parcours avec vous. Parce que cette terre, qui regorge de tant de biens dans le sous-sol, mais surtout dans les cœurs et les esprits de ses habitants, a aujourd’hui besoin d’être à nouveau désaltérée par des sources fraîches et vitales.

Autorités distinguées, c’est vous qui êtes ces sources, les sources qui irriguent la cohabitation, les pères et les mères de ce jeune pays. Vous êtes appelées à régénérer la vie sociale, comme des sources limpides de prospérité et de paix, car c’est de cela dont ont besoin les fils du Soudan du Sud : ils ont besoin de pères, non de maîtres ; d’étapes stables de développement, non de chutes continuelles. Les années qui ont suivi la naissance du pays, marquées par une enfance blessée, doivent laisser place à une croissance pacifique : le moment est venu. Illustres Autorités, vos “enfants” et l’histoire elle-même se rappelleront de vous dans la mesure où vous aurez fait du bien à cette population qui vous a été confiée pour la servir. Les générations futures honoreront ou effaceront la mémoire de vos noms en fonction de ce que vous faites maintenant parce que, comme le fleuve quitte ses sources pour commencer son cours, le cours de l’histoire laissera derrière les ennemis de la paix et donnera de l’éclat à ceux qui œuvrent pour la paix. En effet, comme l’enseigne l’Écriture, « un avenir est promis aux pacifiques » (cf. Ps 37, 37).

La violence, au contraire, fait reculer le cours de l’histoire. Le même Hérodote en relevait les bouleversements générationnels, notant qu’en guerre ce ne sont plus les enfants qui enterrent les pères, mais les pères qui enterrent les enfants (cf. Histoires, I, 87). Je vous prie, de tout cœur d’accueillir une parole simple pour que cette terre ne se réduise pas à un cimetière, mais redevienne un jardin florissant. Non pas la mienne, mais celle du Christ. Il l’a prononça dans un jardin, à Gethsémani, lorsque, voyant l’un de ses disciples qui avait dégainé l’épée, il dit : « Assez ! » (Lc 22, 51). Monsieur le Président, Messieurs les Vice-Présidents, au nom de Dieu, du Dieu qu’ensemble nous avons prié à Rome, du Dieu doux et humble de cœur (cf. Mt 11, 29) en qui tant de personnes de ce cher pays croient, il est temps de dire assez, sans “si” et sans “mais” : assez de sang versé, assez de conflits, assez de violences et d’accusations réciproques sur ceux qui les commettent, assez d’abandonner le peuple assoiffé de paix. Assez de destructions, c’est l’heure de la construction ! Que le temps de la guerre soit rejeté et que se lève un temps de paix! À à ce propos, Monsieur le Président, je porte dans mon cœur cette rencontre nocturne que nous avons eue il y a plusieurs années en Ouganda : votre volonté de paix était là… progressons là-dessus.

Revenons aux sources du fleuve, à l’eau qui symbolise la vie. Aux sources de ce pays il y a un autre mot qui désigne le parcours entrepris par le peuple sud-soudanais le 9 juillet 2011 : République. Mais que signifie être une res publica ? Cela signifie se reconnaître comme une réalité publique, affirmer que l’État est pour tous ; et donc que ceux qui, en son sein, assument des responsabilités majeures, le présidant ou le gouvernant, ne peuvent que se mettre au service du bien commun. Voilà le but du pouvoir : servir la communauté. La tentation qui guette toujours est de s’en servir pour ses propres intérêts. Il ne suffit donc pas de s’appeler République, il faut l’être, à partir des biens primaires : que les ressources abondantes avec lesquelles Dieu a béni cette terre ne soient pas réservées à quelques-uns, mais l’apanage de tous, et que des projets de répartition équitable des richesses correspondent aux plans de relance économique.

Le développement démocratique est fondamental pour la vie d’une République. Il protège la distinction bénéfique des pouvoirs, de sorte que, par exemple, celui qui administre la justice puisse l’exercer sans conditionnement de la part de celui qui légifère ou gouverne. La démocratie suppose également le respect des droits humains, protégés par la loi et son application, et en particulier la liberté d’exprimer ses idées. Il faut en effet rappeler que sans justice il n’y a pas de paix (cf. saint Jean-Paul II, Message pour la célébration de la 35ème Journée Mondiale de la Paix, 1er janvier 2002), mais aussi que sans liberté il n’y a pas de justice. Il faut donc donner à toute citoyenne et tout citoyen la possibilité de disposer du don unique et irremplaçable de l’existence avec les moyens appropriés pour le réaliser : comme l’écrivait le Pape Jean, « tout être humain a droit à la vie, à l'intégrité physique et aux moyens nécessaires et suffisants pour une existence décente » (saint Jean XXIII, Lett. enc. Pacem in terris, n. 11).

Le Nil, après avoir quitté ses sources, traversé des zones accidentées créant des cascades et des rapides, et une fois entré dans la plaine sud-soudanaise, à proximité de Djouba, il devient navigable, pour ensuite pénétrer dans des zones plus marécageuses. Par analogie, j’espère que le chemin de paix de la République ne progressera pas avec des hauts et des bas, mais, qu’à partir de cette capitale, il deviendra praticable, sans rester enlisé dans l’inertie. Chers amis, il est temps de passer des paroles aux faits. Il est temps de tourner la page, le temps est venu de l’engagement pour une transformation urgente et nécessaire. Le processus de paix et de réconciliation demande un nouveau sursaut. Que l’on s’entende et que l’on face avancer l’Accord de paix, ainsi que la Feuille de route ! Dans un monde marqué par les divisions et les conflits, ce pays accueille un pèlerinage œcuménique de paix, qui constitue une rareté ; qu’il marque un changement de rythme, qu’il soit l’occasion, pour le Soudan du Sud, de recommencer à naviguer sur des eaux tranquilles, en reprenant le dialogue, sans duplicités ni opportunismes. Qu’il soit pour tous une occasion de relancer l’espérance, pas seulement pour le Gouvernement, mais pour tous : que chaque citoyen comprenne que ce n’est plus le moment de se laisser emporter par les eaux insalubres de la haine, du tribalisme, du régionalisme et des différences ethniques. Frères et sœurs, le temps est venu de naviguer ensemble vers l’avenir ! Ensemble. Ce mot ne doit pas être oublié : ensemble.

Le parcours du grand fleuve nous aide encore, en nous suggérant la manière. Dans son cours, près du lac No il rejoint un autre fleuve, donnant vie à ce qu’on appelle le Nil Blanc. La clarté limpide des eaux jaillit donc de la rencontre. Telle est la voie, frères et soeurs : se respecter, se connaître, dialoguer. Car, si derrière toute violence il y a de la colère et de la rancœur - et derrière toute colère et rancœur il y a le souvenir non guérie de blessures, d’humiliations et d’offenses - la seule direction pour en sortir est celle de la rencontre, la culture de la rencontre : accueillir les autres comme des frères et leur donner de l’espace, y compris en sachant faire des concessions. Cette attitude, essentielle pour les processus de paix, est également indispensable pour le développement homogène de la société. Et pour passer de l’incivilité de l’affrontement à la civilité de la rencontre, le rôle que les jeunes peuvent et veulent jouer est décisif. Que des espaces libres de rencontre pour se retrouver et débattre leurs soient donc assurés ; et qu’ils puissent prendre en main, sans crainte, l’avenir qui leur appartient ! Que les femmes, les mères qui savent comment l’on donne et conserve la vie, soient également davantage impliquées dans les processus politiques et décisionnels. Qu’il y ait du respect à leur égard, car celui qui commet une violence contre une femme la commet contre Dieu, qui d’une femme a pris chair.

Le Christ, le Verbe incarné, nous a enseigné que plus on se fait petit, en donnant de l’espace aux autres et en accueillant le prochain comme un frère, plus on devient grand aux yeux du Seigneur. La jeune histoire de ce pays déchiré par des affrontements ethniques, a besoin de retrouver la mystique de la rencontre, la grâce du fait d’être ensemble. Il faut regarder au-delà des groupes et des différences pour marcher comme un seul peuple, dans lequel, comme pour le Nil, les différents affluents apportent des richesses. Ce fut précisément à par le fleuve que les premiers missionnaires, il y a plus d’un siècle, arrivèrent sur ces rivages ; à leur présence s’est ajouta au fil du temps celle de nombre de travailleurs humanitaires. Je voudrais tous les remercier pour le travail précieux qu’ils font. Mais je pense aussi aux missionnaires qui, malheureusement, trouvent la mort en semant la vie. Ne les oublions pas et n’oublions pas de leur garantir, ainsi qu’aux travailleurs humanitaires, la sécurité, ainsi que les soutiens nécessaires à leurs œuvres pour que le fleuve du bien continue à couler.

Un grand fleuve, cependant, peut parfois déborder et provoquer des catastrophes. Sur cette terre, les nombreuses victimes d’inondations l’ont malheureusement expérimenté, auxquelles j’exprime ma proximité, en demandant qu’elles ne soient pas privées d’aides appropriées. Les catastrophes naturelles révèlent une création blessée et chamboulée, qui, source de vie peut se transformer en menace de mort. Il faut en prendre soin avec un regard clairvoyant, tourné vers les générations futures. Je pense en particulier à la nécessité de lutter contre la déforestation causée par l’avidité du gain.

Pour éviter les inondations d’un fleuve, il est nécessaire de garder son lit propre. Par métaphore, le nettoyage dont le cours de la vie sociale a besoin est la lutte contre la corruption. Circuits financiers injustes, intrigues cachées pour s’enrichir, affaires clientélistes, manque de transparence : voilà le fond pollué de la société humaine, qui fait manquer les ressources nécessaires à ceux qui en ont le plus besoin. Il faut d’abord combattre la pauvreté, qui constitue le terrain fertile dans lequel s’enracinent les haines, les divisions et la violence. L’urgence d’un pays civilisé est de prendre soin de ses citoyens, en particulier des plus fragiles et des plus défavorisés. Je pense surtout aux millions de personnes déplacées qui habitent ici : combien ont dû quitter leur maison et se trouvent reléguées en marge de la vie à la suite d’affrontements et de déplacements forcés !

Pour que les eaux de vie ne se transforment pas en dangers de mort, il est essentiel de doter un fleuve de digues adéquates. Il en va de même pour la coexistence humaine. Il faut en premier lieu endiguer l’arrivée d’armes qui, malgré les interdictions, continuent d’arriver dans de nombreux pays de la zone, y compris au Soudan du Sud. Beaucoup de choses sont nécessaires ici, mais certainement pas d’instruments de mort supplémentaires. D’autres digues sont indispensables pour garantir le cours de la vie sociale : je fais référence au développement de politiques de santé adéquates, au besoin d’infrastructures vitales et, en particulier, au rôle primordial de l’alphabétisation et de l’éducation, seule voie pour que les enfants de cette terre prennent leur avenir en main. Comme tous les enfants de ce continent et du monde, ils ont le droit de grandir avec en main des cahiers et des jouets, pas des instruments de travail ni des armes.

Le Nil Blanc, enfin, quitte le Soudan du Sud, traverse d’autres États, il rencontre le Nil Bleu et arrive à la mer : le fleuve ne connaît pas de frontières, mais il relie des territoires. De même, pour atteindre un développement convenable, il est essentiel, aujourd’hui plus que jamais, de cultiver des relations positives avec d’autres pays, à commencer par ceux qui sont autour. Je pense également à la précieuse contribution de la Communauté internationale à l’égard de ce pays : j’exprime ma reconnaissance pour l’engagement visant à en favoriser la réconciliation et le développement. Je suis convaincu que, pour apporter des contributions fructueuses, la compréhension réelle des dynamiques et des problèmes sociaux est indispensable. Il ne suffit pas de les observer et de les dénoncer de l’extérieur. Il faut s’impliquer, avec patience et détermination et, plus généralement, résister à la tentation d’imposer des modèles préétablis et étrangers à la réalité locale. Comme le disait saint Jean-Paul II, il y a trente ans, au Soudan : « Des solutions africaines doivent être trouvées aux problèmes africains » (Appel à la Cérémonie de bienvenue, 10 février 1993).

Monsieur le Président, distinguées Autorités, en suivant le cours du Nil, j’ai voulu m’introduire dans le cheminement de ce pays qui m’est cher autant qu’il est jeune. Je sais que certaines de mes expressions peuvent avoir été franches et directes, mais je vous prie de croire que cela naît de l’affection et de la préoccupation avec lesquelles je suis vos vicissitudes, avec les frères avec lesquels je suis venu ici, pèlerin de paix. Nous désirons offrir de tout cœur notre prière et notre soutien afin que le Soudan du Sud se réconcilie et change de cap, pour que son cours vital ne soit plus empêché par l’inondation de la violence, entravé par les marais de la corruption et anéanti par le débordement de la pauvreté. Que le Seigneur du ciel, qui aime cette terre, lui donne un temps nouveau de paix et de prospérité : que Dieu bénisse la République du Soudan du Sud ! Merci.


samedi 4 février

Rencontre avec les évêques, les prêtres, les religieux et religieuses, les séminaristes à la cathédrale Sainte-Thérèse.

Chers frères Évêques, prêtres et diacres,
chers consacrés, chers séminaristes, chers novices et aspirants, bonjour à tous !

Depuis longtemps, je nourri le désir de vous rencontrer ; c’est pourquoi je voudrais remercier le Seigneur aujourd’hui. J’exprime ma gratitude à Mgr Tombe Trille pour ses salutations et à vous tous pour vos salutations et votre présence ; certains d’entre vous ont fait des jours de voyage pour être ici aujourd’hui ! Je porte toujours gravés dans mon cœur des moments vécus avant cette visite : la célébration à Saint-Pierre en 2017, au cours de laquelle nous avons élevé une supplique à Dieu pour le don de la paix ; et la retraite spirituelle en 2019 avec les Leaders politiques, invités pour que, par la prière, ils prennent à cœur la ferme décision de poursuivre la réconciliation et la fraternité dans le pays. Nous avons besoin avant tout de cela: accueillir Jésus, notre paix et notre espérance.

Dans mon discours d’hier, je me suis inspiré du cours des eaux du Nil qui traverse votre pays comme s’il était sa colonne vertébrale. Dans la Bible, à l’eau sont souvent associées l’action du Dieu créateur, la compassion avec laquelle il étanche notre soif lorsque nous errons dans le désert, la miséricorde avec laquelle il nous purifie lorsque nous tombons dans les marécages du péché. Dans le baptême, Il nous a sanctifiés avec une eau qui nous « a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint » (Tt 3, 5). C’est précisément dans une perspective biblique que je voudrais regarder à nouveau les eaux du Nil. D’une part, dans le lit de ce cours d’eau, les larmes d’un peuple plongé dans la souffrance et la douleur, martyrisé par la violence se déversent ; un peuple qui peut prier comme le psalmiste : « Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions » (Ps 137, 1). Les eaux du grand fleuve, en effet, recueillent les gémissements de souffrance de vos communautés, recueillent le cri de douleur de tant de vies brisées, recueillent le drame d’un peuple en fuite, l’affliction du cœur des femmes et la peur gravée dans les yeux des enfants. On peut voir la peur dans les yeux des enfants. Mais en même temps, les eaux du grand fleuve nous ramènent à l’histoire de Moïse et, par conséquent, elles sont un signe de délivrance et de salut : des eaux, en effet, Moïse a été sauvé et, en conduisant les siens à travers la Mer Rouge, il est devenu un instrument de libération, une icône du secours de Dieu qui voit l’affliction de ses enfants, entend leur cri et descend pour les libérer (cf. Ex 3, 7). En regardant l’histoire de Moïse qui a conduit le peuple de Dieu à travers le désert, demandons-nous que signifie être ministres de Dieu dans une histoire traversée par la guerre, la haine, la violence, la pauvreté. Comment exercer le ministère sur cette terre, sur les rives d’un fleuve baigné de tant de sang innocent, alors que les visages des personnes qui nous sont confiées sont striés par les larmes de la souffrance ? Voilà la question. Et quand je parle de ministère, je le fais dans un sens large : ministère presbytéral, ministère diaconal et ministère catéchétique, d'enseignement, qu’accomplissent tant de consacrés et de laïcs.

Pour tenter de répondre, je voudrais m’arrêter sur deux attitudes de Moïse : la docilité et l’intercession. Je pense que ces deux choses touchent notre vie ici.

La première chose qui nous frappe dans l’histoire de Moïse est sa docilité à l’initiative de Dieu. Nous ne devons cependant pas penser qu’il en a toujours été ainsi : au début, il avait la prétention de mener seul la tentative de lutter contre l’injustice et l’oppression. Sauvé par la fille du Pharaon des eaux du Nil, il se laisse toucher par la souffrance et l’humiliation de ses frères lorsqu’il découvre son identité, si bien qu’un jour il décide de se faire justice tout seul, en frappant à mort un égyptien qui maltraite un juif. Suite à cet épisode il doit fuir et rester dans le désert de nombreuses années. Il y fait l’expérience d’une sorte de désert intérieur : il avait pensé affronter l’injustice par ses seules forces, et maintenant, en conséquence, il se retrouve comme un fugitif devant se cacher, vivant dans la solitude, éprouvant le sentiment amer de l’échec. Je me demande : quelle a été l’erreur de Moïse ? Penser qu’il était le centre, ne comptant que sur ses propres forces. Mais il était ainsi devenu prisonnier des pires méthodes humaines, comme celle de répondre à la violence par la violence.

Quelque chose de semblable se produit parfois dans notre vie de prêtres, de diacres, de religieux, de séminaristes, de consacrés, dans notre vie à tous : au plus profond, nous pensons que nous sommes le centre, que nous pouvons compter, sinon en théorie du moins en pratique, presque exclusivement sur notre talent ; ou, en tant qu’Église, que nous trouvons la réponse aux souffrances et aux besoins du peuple dans des moyens humains, comme l’argent, la ruse, le pouvoir. Au contraire, notre œuvre vient de Dieu : Il est le Seigneur et nous sommes appelés à être des instruments dociles entre ses mains. Moïse l’apprend lorsqu’un jour, Dieu vient à sa rencontre, en lui apparaissant dans « la flamme d’un buisson en feu » (Ex 3, 2). Moïse se laisse attirer, il fait place à l’émerveillement, il se met dans une attitude de docilité pour se laisser éclairer par le charme de ce feu devant lequel il pense : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? » (v. 3). Voilà la docilité nécessaire à notre ministère : s’approcher de Dieu avec émerveillement et humilité. Frères et sœurs, ne perdez pas l'émerveillement de la rencontre avec Dieu ! Ne perdez pas l'émerveillement du contact avec la Parole de Dieu. Moïse s'est laissé attirer et diriger par Dieu. La primauté n'est pas à nous, la primauté est à Dieu : nous confier à sa Parole avant d'utiliser nos propres mots, accueillir docilement son initiative avant de nous concentrer sur nos projets personnels et ecclésiaux.

Le fait de nous laisser docilement modeler nous fait vivre le ministère d’une manière renouvelée. Devant le Bon Pasteur, nous comprenons que nous ne sommes pas des chefs tribaux, mais des pasteurs compatissants et miséricordieux ; non pas les maîtres du peuple, mais des serviteurs s’abaissant pour laver les pieds des frères et sœurs ; nous ne sommes pas une organisation mondaine qui administre des biens terrestres, mais nous sommes la communauté des enfants de Dieu. Frères et sœurs, faisons donc comme Moïse sous le regard de Dieu : enlevons nos sandales avec un humble respect (cf. v. 5), dépouillons-nous de notre présomption humaine, laissons-nous attirer par le Seigneur et cultivons la rencontre avec Lui dans la prière ; approchons-nous chaque jour du mystère de Dieu, pour qu'il nous émerveille, pour qu’Il brûle les broussailles de notre orgueil et de nos ambitions démesurées et fasse de nous d’humbles compagnons de route de ceux qui nous sont confiés.

Purifié et illuminé par le feu divin, Moïse devient un instrument de salut pour les siens qui souffrent ; la docilité envers Dieu le rend capable d’intercéder pour ses frères. Voilà la deuxième attitude dont je voudrais vous parler aujourd’hui : l’intercession. Moïse a fait l’expérience d’un Dieu compatissant, qui ne reste pas indifférent au cri de son peuple et descend pour le délivrer. C'est magnifique : descendre. Dieu descend pour le libérer. Dieu, par condescendance envers nous, descend parmi nous au point de prendre notre chair en Jésus, de faire l’expérience de notre mort et de nos enfers. Il descend toujours pour nous relever et ceux qui le vivent sont amenés à l'imiter. C’est ainsi que fait Moïse, qui “descend” au milieu des siens : il le fera plusieurs fois au cours de la traversée du désert. En effet, dans les moments les plus importants et les plus difficiles, il monte et descend de la montagne de la présence de Dieu afin d’intercéder pour le peuple, c’est-à-dire de se mettre à l’intérieur de son histoire pour le rapprocher de Dieu. Frères et sœurs, intercéder, « ne signifie pas simplement “prier pour quelqu’un”, comme nous le pensons souvent. Étymologiquement, cela signifie “faire un pas au milieu”, faire un pas pour se mettre au milieu d’une situation » (C.M. Martini, Un grido di intercessione, Milan, 29 janvier 1991). Parfois, on n'obtient pas beaucoup, mais il faut le faire : un cri d'intercession. Intercéder, c’est donc descendre pour se mettre au milieu du peuple, pour “devenir des ponts” qui le relient à Dieu.

Il est demandé aux pasteurs de développer justement cet art de “marcher au milieu”. Ce doit être la spécialité des pasteurs, de marcher au milieu : au milieu de la souffrance, au milieu des larmes, au milieu de la faim de Dieu et de la soif d’amour des frères et sœurs. Notre premier devoir n’est pas d’être une Église parfaitement organisée - n'importe quelle entreprise peut le faire -, mais une Église qui, au nom du Christ, se tient au milieu de la vie souffrante du peuple et se salit les mains pour les gens. Nous ne devons jamais exercer le ministère en recherchant le prestige religieux et social, - que c'est laid de " faire carrière " -mais en marchant au milieu et ensemble, en apprenant à écouter et à dialoguer, en collaborant entre nous ministres et laïcs. Je voudrais ici répéter ce mot important : ensemble. Ne l’oublions pas : ensemble. Évêques et prêtres, prêtres et diacres, pasteurs et séminaristes, ministres ordonnés et religieux – toujours dans le respect de la merveilleuse spécificité de la vie religieuse : essayons de surmonter entre nous la tentation de l’individualisme, des intérêts partisans. Il est bien triste que des pasteurs ne soient pas capables de communion, ne réussissent pas à coopérer, voire s’ignorent mutuellement ! Cultivons le respect mutuel, la proximité, la coopération concrète. Si cela ne se produit pas entre nous, comment pouvons-nous le prêcher aux autres ?

Revenons à Moïse et, afin d’approfondir l’art de l’intercession, regardons ses mains. L’Écriture nous offre trois images à cet égard : Moïse avec le bâton à la main, Moïse avec les mains tendues, et Moïse avec les mains levées vers le ciel.

La première image, celle de Moïse avec le bâton à la main, nous montre qu’il intercède par la prophétie. Avec ce bâton, il accomplit des prodiges, des signes de la présence et de la puissance de Dieu au nom duquel il parle, dénonçant avec force le mal dont souffre le peuple et demandant au Pharaon de le laisser partir. Frères et sœurs, pour intercéder en faveur de notre peuple, nous sommes également appelés à élever la voix contre l’injustice et la prévarication, qui écrasent les gens et utilisent la violence pour gérer les affaires à l’ombre des conflits. Si nous voulons être des pasteurs qui intercèdent, nous ne pouvons pas rester neutres face à la douleur causée par les injustices et les violences, car là où une femme ou un homme est lésé dans ses droits fondamentaux, le Christ lui-même est offensé. J’ai été heureux d’entendre dans le témoignage du Père Luka que l’Eglise ne cesse d’exercer un ministère à la fois prophétique et pastoral. Merci ! Merci car, s’il y a une tentation dont nous devons nous prémunir, c’est bien celle de laisser les choses telles qu’elles sont et de ne pas nous intéresser aux situations par peur de perdre des privilèges et des commodités.

Deuxième image : Moïse avec les mains tendues. L’Écriture nous dit qu’il, « étendit les bras sur la mer » (Ex 14, 21). Ses mains tendues sont le signe que Dieu est sur le point d’agir. Ensuite, Moïse tiendra les tables de la Loi dans ses mains (cf. Ex 34, 29) pour les montrer au peuple Ses mains tendues indiquent la proximité de Dieu qui est à l’œuvre et qui accompagne son peuple. En effet, pour libérer du mal, la prophétie ne suffit pas, il faut tendre les bras à ses frères et sœurs, soutenir leur marche. Caresser le troupeau de Dieu. Nous pouvons imaginer Moïse montrant le chemin et saisissant les mains des siens pour les encourager à avancer. Après quarante ans, devenu vieux, il reste proche des siens : voilà la proximité. Et cela n’a pas été une tâche facile : il a souvent dû relancer un peuple découragé et fatigué, affamé et assoiffé, parfois même capricieux, qui s’abandonnait aux murmures et à la paresse. Et pour accomplir cette tâche, il a dû aussi lutter contre lui-même, car il a parfois connu des moments d’obscurité et de désolation, comme celui où il a dit au Seigneur : « Pourquoi traiter si mal ton serviteur ? Pourquoi n’ai-je pas trouvé grâce à tes yeux que tu m’aies imposé le fardeau de tout ce peuple ? […] Je ne puis, à moi seul, porter tout ce peuple : c’est trop lourd pour moi » (Nb 11, 11.14). Regardez la prière de Moïse : il est épuisé. Pourtant, Moïse n’a pas reculé : toujours proche de Dieu, il ne s’est jamais éloigné des siens. Nous aussi, nous avons ce devoir : tendre la main, relever nos frères, leur rappeler que Dieu est fidèle à ses promesses, les exhorter à avancer. Nos mains ont été “ointes de l’Esprit” non seulement pour les rites sacrés, mais pour encourager, aider, accompagner les personnes à sortir de ce qui les paralyse, les enferme, les rend craintives.

Enfin – troisième image – les mains levées vers le ciel. Lorsque le peuple tombe dans le péché et se fabrique un veau d’or, Moïse remonte sur la montagne – pensons à toute cette patience ! – et prononce une prière qui est une véritable lutte avec Dieu pour qu’il n’abandonne pas Israël. Il va jusqu’à dire : « Ce peuple a commis un grand péché : ils se sont fait des dieux en or. Ah, si tu voulais enlever leur péché ! Ou alors, efface-moi de ton livre, celui que tu as écrit. » (Ex 32, 31-32). Il se range du côté du peuple jusqu’au bout, élève la main en sa faveur. Il ne pense pas à se sauver seul, il ne vend pas le peuple pour ses propres intérêts ! Il intercède. Moïse intercède, Moïse lutte avec Dieu ; il garde les bras levés en prière pendant que ses frères se battent dans la vallée (cf. Ex 17, 8-16). Soutenir les luttes du peuple par la prière devant Dieu, implorer le pardon, administrer la réconciliation en tant que canaux de la miséricorde de Dieu qui pardonne les péchés : tel est notre devoir d’intercesseurs !

Bien-aimés, ces mains prophétiques tendues et levées requièrent un effort, cela n’est pas facile. Être prophète, accompagnateur, intercesseur, montrer par sa vie le mystère de la proximité de Dieu avec son peuple peut même coûter la vie. Beaucoup de prêtres, de religieuses et de religieux – comme Sœur Regina nous l'a dit à propos de ses sœurs – ont été victimes de violences et d’attaques dans lesquelles ils ont perdu la vie. En réalité, ils ont offert leur existence pour la cause de l’Évangile, et leur proximité avec leurs frères et sœurs est un merveilleux témoignage qu’ils nous laissent et qui nous invite à poursuivre leur chemin. Nous pouvons rappeler Saint Daniel Comboni qui, avec ses frères missionnaires, a réalisé une grande œuvre d’évangélisation sur ces terres : il disait que le missionnaire doit être prêt à tout pour le Christ et l’Évangile, et qu’il faut des âmes audacieuses et généreuses qui sachent souffrir et mourir pour l’Afrique.

Je tiens donc à vous remercier pour ce que vous faites au milieu de tant d’épreuves et d’efforts. Merci, au nom de toute l’Église, pour votre dévouement, votre courage, vos sacrifices, votre patience. Merci ! Je vous souhaite, chers frères et sœurs, d’être toujours des pasteurs et des témoins généreux, armés seulement de la prière et de la charité ; pasteurs témoins, qui se laissent docilement surprendre par la grâce de Dieu et deviennent des instruments de salut pour les autres ; pasteurs et prophètes de proximité qui accompagnent le peuple, des intercesseurs aux bras levés. Que la Sainte Vierge vous protège. En ce moment, pensons en silence à nos frères et sœurs qui ont donné leur vie dans ce ministère pastoral ici, et remercions le Seigneur de nous avoir été proches. Nous remercions le Seigneur pour leur proximité martyriale. Prions en silence.

Merci pour votre témoignage. Et si vous avez un peu de temps, priez pour moi. Merci.


Rencontre avec des personnes déplacées à l'intérieur du pays au Freedom Hall (Djouba)

Chers frères et sœurs, bon après-midi!

Je vous remercie pour vos prières, pour vos témoignages et pour votre chant ! J'ai longtemps pensé à vous, portant dans mon cœur le désir de vous rencontrer, de vous regarder dans les yeux, de vous serrer les mains et de vous étreindre. Je suis enfin ici, avec les frères avec lesquels je partage ce pèlerinage de paix, pour vous dire toute ma proximité, toute mon affection. Je suis avec vous, je souffre pour vous et avec vous.

Joseph, tu as posé une question décisive : "Pourquoi sommes-nous là à souffrir dans ce camp de personnes déplacés ?". Pourquoi... Pourquoi tant d'enfants et de jeunes comme toi sont-ils là, au lieu d'aller à l'école pour étudier ou dans un bel endroit extérieur pour jouer ? Tu as toi -même donné la réponse en disant que c'est "à cause des conflits en cours dans le pays". C'est à cause des dévastations produites par la violence humaine, s’ajoutant à celles causées par les inondations, que des millions de nos frères et sœurs comme vous, dont de nombreuses mères avec leurs enfants, ont dû quitter leurs terres et abandonner leurs villages, leurs maisons. Malheureusement, dans ce pays martyrisé, être déplacé ou réfugié est devenu une expérience habituelle et collective.

Je renouvelle donc de toutes mes forces l'appel le plus pressant à mettre fin à tout conflit, à reprendre sérieusement le processus de paix afin que les violences prennent fin et que les gens puissent retrouver une vie digne. Ce n'est qu'avec la paix, la stabilité et la justice que développement et réintégration sociale pourront avoir lieu. Mais on ne peut plus attendre ! Un grand nombre d'enfants nés ces dernières années n'ont connu que la réalité des camps de personnes déplacées, oubliant l'air du pays, perdant le lien avec leur terre d’origine, leurs racines, leurs traditions.

L'avenir ne peut être dans les camps de personnes déplacées. Il est nécessaire, comme tu l'as demandé, Johnson, que tous les enfants comme toi aient la possibilité d'aller à l'école et aussi de l'espace pour jouer au football ! Il est nécessaire d'évoluer en tant que société ouverte, de se mélanger, de former un seul peuple à travers les défis de l'intégration, y compris en apprenant les langues parlées dans tout le pays, et pas seulement dans sa propre ethnie. Il est nécessaire de prendre le risque formidable de connaître et d'accueillir ceux qui sont différents, pour retrouver la beauté d'une fraternité réconciliée et pour faire l’expérience de l’aventure inestimable qui consiste à construire librement son avenir avec celui de toute la communauté. Et il est absolument nécessaire d'éviter la marginalisation des groupes et la ghettoïsation des êtres humains. Mais pour répondre à toutes ces attentes, il faut la paix. Et il faut l'aide de beaucoup, l’aide de tout le monde.

C'est pourquoi je voudrais remercier la Vice-Représentante spéciale, Sara Beysolow Nyanti, de nous avoir dit que c’est aujourd'hui une occasion pour chacun de voir ce qui se passe depuis des années dans ce pays. Ici, en effet, la plus grande crise de réfugiés du continent perdure, avec au moins quatre millions de fils de cette terre déplacés, avec l'insécurité alimentaire et la malnutrition qui touchent les deux tiers de la population, et des prévisions parlant d'une tragédie humanitaire qui pourrait encore s'aggraver en cours d’année. Mais je tiens surtout à vous remercier parce que vous, et beaucoup d'autres personnes, n’êtes pas restés sans rien faire à étudier la situation, mais vous avez agi. Vous, Madame, vous avez parcouru le pays, regardé dans les yeux les mères assistant à la douleur qu'elles ressentent devant la situation de leurs enfants. Vos paroles m’ont touché lorsque vous avez dit que, malgré tout ce dont elles souffrent, le sourire et l’espérance ne se sont jamais éteints de leurs visages.

Et je suis d'accord avec ce que vous avez dit à leur sujet : les mères, les femmes sont la clé pour transformer le pays : si on leur donne de bonnes opportunités, par leur assiduité et leur attitude d’aimer la vie, elles auront la capacité de changer le visage du Soudan du Sud, de lui donner un développement serein et cohérent ! Mais, s'il vous plaît, je supplie tous les habitants de ces terres : que la femme soit protégée, respectée, valorisée et honorée. S'il vous plaît : protéger, respecter, valoriser et honorer toute femme, enfant, fille, jeune personne, adulte, mère, grand-mère. Autrement, il n'y aura pas d'avenir.

Et maintenant, frères et sœurs, je vous regarde à nouveau ; vos yeux fatigués mais lumineux qui n'ont pas perdu l’espérance, vos lèvres qui n'ont pas perdu la force de prier et de chanter. Je vous vois, vous qui avez les mains vides mais le cœur plein de foi, vous qui portez intérieurement un passé marqué par la souffrance mais qui ne cessez pas de rêver d'un avenir meilleur. Nous voudrions, nous qui vous rencontrons aujourd'hui, donner des ailes à votre espérance. Nous y croyons, nous croyons que maintenant, même dans les camps de personnes déplacées - où la situation du pays vous oblige malheureusement à rester - peut germer, comme d’une terre dépouillée, la semence nouvelle qui portera du fruit.

Je voudrais vous dire : la graine d'un nouveau Soudan du Sud c’est vous ; la graine pour une croissance fertile et luxuriante du pays ; c'est vous, provenant de toute les ethnies différentes, vous qui avez souffert et qui souffrez encore, mais qui ne voulez pas répondre au mal par un autre mal ; vous qui, à partir de maintenant, faites le choix de la fraternité et du pardon, cultivez un avenir meilleur. Un demain qui naît aujourd'hui, là où vous êtes, de la capacité à collaborer, à tisser des réseaux de communion et des parcours de réconciliation avec ceux qui, différents de vous par leur ethnie et leur origine, vivent à côté de vous. Frères et sœurs, soyez des semences d’espérance, dans lesquelles on peut déjà entrevoir l'arbre qui, un jour - que nous espérons proche - portera des fruits. Oui, vous serez les arbres qui absorberont la pollution d'années de violences et qui restitueront l'oxygène de la fraternité. Certes, vous êtes maintenant "plantés" là où vous ne voudriez pas, mais c'est précisément dans cette situation d'épreuve et de précarité que vous pouvez tendre la main à ceux qui vous entourent et faire l'expérience que vous êtes enracinés dans la même humanité : c'est de là qu’il faut repartir pour vous redécouvrir frères et sœurs, enfants sur terre du Dieu du ciel, Père de tous.

Chers amis, ce sont les racines qui nous rappellent qu'une plante naît d'une semence. Il est beau que les gens, ici, tiennent beaucoup à leurs racines. J'ai lu que sur ces terres, "les racines ne doivent jamais être oubliées", car "les ancêtres nous rappellent qui nous sommes et quel doit être notre chemin... Sans eux, nous sommes perdus, effrayés et sans boussole. Il n'y a pas d’avenir sans passé" (C. Carlassare, La capanna di Padre Carlo. Comboniano tra i Nuer, 2020, 65). Au Soudan du Sud, les jeunes grandissent en s’inspirant des histoires des anciens, et si le récit de ces années a été caractérisé par la violence, il est possible, voire nécessaire, d'en commencer un nouveau, en partant de vous : un nouveau récit de la rencontre, où ce qui a été enduré n'est pas oublié, mais habité par la lumière de la fraternité ; un récit qui se concentre non seulement sur le caractère tragique de l’actualité, mais aussi sur le désir ardent de paix. Vous, les jeunes d’ethnies différentes, soyez les premières pages de ce récit ! Si les conflits, les violences et les haines ont arraché les premières pages des bons souvenirs de la vie de cette République, c’est à vous d’en écrire l’histoire de paix ! Je vous remercie pour votre force d'âme et pour tout le bien que vous faites qui plait tant à Dieu et rend précieuse chaque journée que vous vivez.

Je voudrais également adresser un mot de gratitude à tous ceux qui vous aident, souvent dans des conditions non seulement difficiles, mais d'urgence. Merci aux communautés ecclésiales pour leurs œuvres qui méritent d'être soutenues ; merci aux missionnaires, aux organisations humanitaires et internationales, notamment les Nations unies, pour le grand travail qu'ils accomplissent. Bien sûr, un pays ne doit pas vivre que d’aides extérieures, surtout lorsque son territoire est si riche en ressources! Mais actuellement elles sont extrêmement nécessaires. Je voudrais également rendre hommage aux nombreux travailleurs humanitaires qui ont perdu la vie, et appeler au respect de ceux qui aident et des structures de soutien à la population, qui ne peuvent devenir des cibles d'agression et de vandalisme. Parallèlement aux aides d'urgence, je crois qu'il est très important, dans une perspective d'avenir, d'accompagner la population sur la voie du développement, par exemple en l'aidant à apprendre les techniques modernes d'agriculture et d'élevage, afin de favoriser une croissance plus autonome. Je demande à tous, du fond du cœur : aidons le Soudan du Sud, ne laissons pas seule sa population qui a souffert et qui souffre tant !

En conclusion, je voudrais adresser une pensée aux nombreux réfugiés sud-soudanais qui se trouvent hors du pays et à ceux qui ne peuvent pas rentrer parce que leur territoire a été occupé. Je suis proche d'eux et j'espère qu'ils pourront redevenir les protagonistes de l'avenir de leur terre, en contribuant à son développement de manière constructive et pacifique. Nyakuor Rebecca, tu m'as demandé une bénédiction spéciale pour les enfants du Soudan du Sud afin que vous puissiez tous grandir ensemble dans la paix. Nous allons donner la bénédiction à trois comme des frères : avec mon frère Justin et mon frère Iain, ensemble nous allons vous donner la bénédiction. Que par elle, la bénédiction de beaucoup de frères et sœurs chrétiens dans le monde entier vous parvienne, eux qui vous embrassent et vous encouragent, sachant qu'en vous, dans votre foi, dans votre force intérieure, dans vos rêves de paix, brille toute la beauté de l'être humain.


Prière œcuménique au mausolée de John Garang (Djouba)

Monsieur le Président de la République,
Autorités religieuses et civiles distinguées,
Chers frères et sœurs !

Des prières nombreuses viennent de s’élever vers le Ciel de cette terre aimée et meurtrie: des voix différentes se sont unies, formant une seule voix. Ensemble, comme Peuple saint de Dieu, nous avons prié pour ce peuple blessé. En tant que chrétiens, prier est la première et plus importante chose que nous sommes appelés à faire pour pouvoir bien agir et avoir la force de marcher. Prier, agir et marcher : réfléchissons sur ces trois verbes.

Tout d’abord, prier. Le grand engagement des communautés chrétiennes pour la promotion humaine, pour la solidarité et pour la paix serait vain sans la prière. En effet, nous ne pouvons pas promouvoir la paix sans avoir d’abord invoqué Jésus, « Prince-de-la-Paix » (Is 9, 5). Ce que nous faisons pour les autres et partageons avec les autres est avant tout un don gratuit que, les mains vides, nous recevons de Lui : c’est une grâce, une pure grâce. Nous sommes chrétiens parce que nous sommes aimés gratuitement par le Christ.

Ce matin, je me suis inspiré de la figure de Moïse et maintenant, précisément en relation avec la prière, je voudrais évoquer un épisode qui a été décisif pour lui et pour son peuple, survenu alors qu’il venait à peine de commencer de l’accompagner sur le chemin vers la liberté. Arrivés près des rives de la mer Rouge, une scène dramatique se présente à ses yeux et à ceux de tous les Israélites : devant eux se dresse la barrière infranchissable des eaux ; derrière, arrive l’armée ennemie, avec des chars et des chevaux. Cela ne rappelle-t-il pas les premiers pas de ce pays, assailli tant par les eaux de la mort, comme celles des inondations désastreuses qui l’ont frappé, que par une violence belliqueuse effroyable ? Eh bien, dans cette situation désespérée, Moïse dit au peuple : « N’ayez pas peur ! Tenez bon ! Vous allez voir aujourd’hui ce que le Seigneur va faire pour vous sauver ! » (Ex 14, 13). Alors, je me demande : d’où venait à Moïse une telle certitude, alors que son peuple continuait à se plaindre effrayé ? Cette force lui venait de l’écoute du Seigneur (cf. 2-4) qui lui avait promis de manifester sa gloire. L’union avec Lui, la confiance en Lui cultivée dans la prière, est le secret par lequel Moïse a pu accompagner le peuple de l’oppression à la liberté.

Il en est de même pour nous aussi : prier donne la force d’avancer, de surmonter les peurs, d’entrevoir, même dans les ténèbres, le salut que Dieu prépare. De plus, la prière attire le salut de Dieu sur le peuple. La prière d’intercession, qui a caractérisé la vie de Moïse (cf. Ex 32, 11-14), est celle à laquelle nous sommes tenus, nous surtout, Pasteurs du Peuple saint de Dieu. Pour que le Seigneur de la paix intervienne là où les hommes ne parviennent pas à la construire, il faut la prière : une prière tenace, d’intercession constante. Frères et sœurs, en cela, soutenons-nous: dans nos diverses Confessions religieuses, sentons-nous unis entre nous, comme une seule famille ; et sentons-nous chargés de prier pour tous. Dans nos paroisses, églises, assemblées de culte et de louange, prions assidûment et unanimement (cf. Ac 1, 14) pour que le Soudan du Sud “rejoigne la terre promise”, comme le peuple de Dieu dans les Écritures. Qu’il dispose sereinement et équitablement de la terre fertile et riche qu’il possède, et qu’il soit comblé de cette paix promise mais, malheureusement, pas encore advenue.

Nous sommes précisément appelés, en second lieu, à agir pour la cause de la paix. Car Jésus nous veut « artisans de paix » (Mt 5, 9), il veut que son Église ne soit pas seulement signe et instrument de l’union intime avec Dieu, mais aussi de l’unité de tout le genre humain (cf. Lumen gentium, n. 1). Le Christ, en effet, comme le rappelle l’Apôtre Paul, « est notre paix » précisément dans le sens du rétablissement de l’unité. Il est celui qui “des deux, fait une seule réalité, en détruisant les murs de séparation, la haine” (cf. Ep 2, 14). Voilà la paix de Dieu : non seulement une trêve entre les conflits, mais une communion fraternelle, qui vient de l’union, non de l’absorption ; du pardon, non de la domination ; de la réconciliation, non de l’imposition. Le désir de paix du Ciel est si grand qu’il a été annoncé dès la naissance du Christ : « paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime » (Lc 2, 14). Et l’angoisse de Jésus provoquée par le refus de ce don qu’il venait apporter est si grande, qu’Il pleura sur Jérusalem, en disant : « Si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour ce qui donne la paix ! » (Lc 19, 42).

Chers frères et sœurs, œuvrons sans nous lasser pour cette paix que l’Esprit de Jésus et du Père nous invite à construire : une paix qui intègre les diversités, qui promeut l’unité dans la pluralité. Voilà la paix de l’Esprit Saint qui harmonise les différences, tandis que l’esprit ennemi de Dieu et de l’homme s’appuie sur les différences pour diviser. À cet égard, l’Écriture dit : « Voici comment se manifestent les enfants de Dieu et les enfants du diable : quiconque ne pratique pas la justice n’est pas de Dieu, et pas davantage celui qui n’aime pas son frère » (1 Jn 3, 10). Chers amis, celui qui se dit chrétien doit choisir son camp. Celui qui suit le Christ choisit la paix, toujours ; celui qui déclenche la guerre et la violence trahit le Seigneur et renie son Évangile. Le style que Jésus nous enseigne est clair : aimer tout le monde, car tous sont aimés comme des enfants par le Père commun qui est aux cieux. L’amour du chrétien n’est pas seulement pour les proches, mais pour chacun, car chacun est notre prochain en Jésus, un frère, une sœur, même l’ennemi (cf. Mt 5, 38-48) ; et à plus forte raison ceux qui appartiennent à notre même peuple, même s’ils sont d’ethnies différentes. « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15, 12) ; tel est le commandement de Jésus qui contredit toute vision tribale de la religion. « Que tous soient un » (Jn 17, 21) : telle est la prière pressante de Jésus au Père pour nous tous croyants.

Travaillons, frères et sœurs, pour cette unité fraternelle entre nous chrétiens et aidons-nous à faire passer le message de la paix dans la société, à répandre le style de non-violence de Jésus, afin qu’il n’y ait plus de place pour une culture fondée sur l’esprit de vengeance chez ceux qui se professent croyants; afin que l’Évangile ne soit pas seulement un beau discours religieux, mais une prophétie qui devienne réalité dans l’histoire. Travaillons à cela : travaillons pour la paix en tissant et en recousant, jamais en coupant ou en déchirant. Suivons Jésus et, derrière Lui, faisons des pas communs sur le chemin de la paix (cf. Lc 1, 79).

Voici alors le troisième verbe : après prier et agir, marcher. Ici, au cours des décennies, les communautés chrétiennes se sont fortement engagées dans la promotion de chemins de réconciliation. Je voudrais vous remercier pour ce témoignage lumineux de foi, né de la reconnaissance, non seulement en paroles mais dans les faits, qu’avant les divisions historiques existe une réalité immuable : nous sommes chrétiens, nous sommes du Christ. Il est beau que, au milieu de tant de conflits, l’appartenance chrétienne n’a jamais détruit la population, mais a été, et est encore, facteur d’unité. L’héritage œcuménique du Soudan du Sud est un trésor précieux, une louange au nom de Jésus, un acte d’amour à l’Église son épouse, un exemple universel pour le chemin d’unité des chrétiens. C’est un héritage qui doit être conservé dans le même esprit : les divisions ecclésiales des siècles passés ne doivent pas se répercuter pas sur ceux qui sont évangélisés, mais la semence de l’Évangile doit contribuer à répandre une plus grande unité. Que le tribalisme et le sectarisme qui alimentent les violences dans le pays n’affectent pas les relations interconfessionnelles ; au contraire, que le témoignage d’unité des croyants se reverse sur le peuple.

En ce sens, pour finir, je voudrais suggérer deux mots-clés pour la suite de notre cheminement : mémoire et engagement. Mémoire : les pas que vous faites suivent les traces de vos prédécesseurs. N’ayez pas peur de ne pas en être à la hauteur, sentez-vous au contraire poussés par ceux qui vous ont préparé la route. Comme dans un relais, prenez le témoin pour hâter la réalisation de l’objectif d’une communion pleine et visible. Et ensuite engagement : on marche vers l’unité quand l’amour est concret, quand on secourt ensemble ceux qui sont en marge, ceux qui sont blessés et rejetés. Vous le faites déjà dans de nombreux domaines, je pense en particulier à la santé, à l’instruction, à la charité : que d’aides urgentes et indispensables vous apportez à la population ! Merci pour tout cela. Continuez ainsi : jamais concurrents, mais proches ; frères et sœurs qui, par leur compassion pour les souffrants, les préférés de Jésus, rendent gloire à Dieu et témoignent de la communion qu’Il aime.

Très chers amis, mes frères et moi nous sommes venus en pèlerins parmi vous, Peuple saint de Dieu en marche. Même si nous sommes loin physiquement, nous serons toujours proches de vous. Repartons chaque jour de la prière les uns pour les autres et avec les autres, en œuvrant ensemble comme témoins et médiateurs de la paix de Jésus, en marchant sur la même route, en faisant des pas concrets de charité et d’unité. En tout, aimons-nous intensément, et de tout cœur (cf. 1 P 1, 22).


Dimanche 5 février 2023

Sainte Messe au Mausolée de John Garang (Djouba) - Homélie

Les paroles que l’Apôtre Paul a adressées à la communauté de Corinthe dans la deuxième lecture, je voudrais aujourd’hui les faire miennes et les répéter devant vous : « Quand je suis venu chez vous, je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige du langage ou de la sagesse. Parmi vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus Christ, le Messie crucifié » (1 Co 2, 1-2). Oui, l’inquiétude de Paul est aussi la mienne, en me trouvant ici avec vous au nom de Jésus Christ, le Dieu de l’amour, le Dieu qui a réalisé la paix par sa croix ; Jésus, Dieu crucifié pour nous tous ; Jésus, crucifié en ceux qui souffrent ; Jésus, crucifié dans la vie de beaucoup d’entre vous, de beaucoup de personnes de ce pays ; Jésus le ressuscité, vainqueur sur le mal et sur la mort. Je viens à vous pour le proclamer, pour vous confirmer en Lui, car l’annonce du Christ est une annonce d’espérance. Il connaît, en effet, les angoisses et les attentes que vous portez dans votre cœur, les joies et les peines qui marquent votre vie, les ténèbres qui vous oppriment et la foi que vous élevez au Ciel comme un chant dans la nuit. Jésus vous connaît et vous aime. Si nous demeurons en Lui, nous n’avons pas à craindre, car pour nous aussi toute croix se transformera en résurrection, toute tristesse en espérance, toute lamentation en danse.

Je voudrais donc m’arrêter sur les paroles de vie que notre Seigneur Jésus nous a adressées aujourd’hui dans l’Évangile : « Vous êtes le sel de la terre [...]. Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5, 13.14). Que nous disent ces images, à nous, disciples du Christ ?

Tout d’abord, nous sommes le sel de la terre. Le sel sert à donner de la saveur à la nourriture. C’est l’ingrédient invisible qui donne du goût à tout. C’est pourquoi, depuis les temps anciens, il a été considéré comme le symbole de la sagesse, c’est-à-dire de cette vertu que l’on ne voit pas, mais qui donne goût à la vie et sans laquelle l’existence devient insipide, sans saveur. Mais de quelle sagesse nous parle Jésus ? Il utilise cette image du sel immédiatement après avoir proclamé à ses disciples les Béatitudes : nous comprenons alors que ce sont elles le sel de la vie du chrétien. Les Béatitudes, en effet, apportent sur terre la sagesse du Ciel : elles révolutionnent les critères du monde et de la manière ordinaire de penser. Et que nous disent-elles ? En peu de mots, elles affirment que pour être bienheureux, c’est-à-dire pleinement heureux, nous ne devons pas chercher à être forts, riches et puissants, mais humbles, doux et miséricordieux ; ne faire de mal à personne, mais être des artisans de paix pour tous. Cela – nous dit Jésus – est la sagesse du disciple, c’est cela qui donne de la saveur à la terre que nous habitons. Rappelons-nous : si nous mettons en pratique les Béatitudes, si nous incarnons la sagesse du Christ, nous ne donnons pas seulement une bonne saveur à notre vie, mais aussi à la société, au pays où nous vivons.

Mais le sel, en plus de donner de la saveur, a un autre rôle, essentiel à l’époque du Christ : conserver les aliments afin qu’ils ne se corrompent pas et deviennent avariés. La Bible, cependant, disait qu’il y avait une “nourriture”, un bien essentiel qui devait être conservé avant tout autre : l’alliance avec Dieu. C’est pourquoi, à cette époque, chaque fois que l’on faisait une offrande au Seigneur, l’on mettait un peu de sel. Écoutons ce que dit l’Écriture à ce sujet : « Tu ne laisseras pas ton offrande manquer du sel de l’alliance avec ton Dieu ; avec tout ce que tu réserveras, tu apporteras du sel » (Lv 2, 13). Ainsi, le sel rappelait le besoin fondamental de garder le lien avec Dieu, parce qu’Il nous est fidèle, son alliance avec nous est incorruptible, inviolable et durable (cf. Nb 18, 19 ; 2 Ch 13, 5). C’est pourquoi le disciple de Jésus, en tant que sel de la terre, est témoin de l’alliance qu’Il a réalisée et que nous célébrons à chaque Messe : une alliance nouvelle, éternelle, immuable (cf. 1 Co 11, 25 ; He 9), un amour pour nous qui ne peut être brisé pas même par nos infidélités.

Frères et sœurs, nous sommes témoins de cette merveille. Autrefois, lorsque des personnes ou des peuples établissaient entre eux une amitié, ils la concluaient souvent en s’échangeant un peu de sel. Nous qui sommes le sel de la terre, nous sommes appelés à témoigner de l’alliance avec Dieu dans la joie, avec gratitude, en montrant que nous sommes des personnes capables de créer des liens d’amitié, de vivre la fraternité, de construire de bonnes relations humaines, pour empêcher que règnent la corruption du mal, la maladie des divisions, l’infamie des affaires illégales, la plaie de l’injustice.

Je voudrais aujourd’hui vous remercier car vous êtes le sel de la terre dans ce pays. Pourtant, face à tant de blessures, aux violences qui alimentent le poison de la haine, à l’injustice qui provoque misère et pauvreté, vous pourriez vous sentir petits et impuissants. Mais, quand la tentation de vous sentir incapables vous assaille, essayez de regarder le sel et ses minuscules grains : c’est un petit ingrédient et, une fois mis dans le plat, il disparaît, il se dissout, mais c’est justement de cette manière qu’il donne de la saveur à tout le contenu. De même, nous chrétiens, bien qu’étant fragiles et petits, même lorsque nos forces nous semblent peu de chose face à la grandeur des problèmes et à la furie aveugle de la violence, nous pouvons offrir une contribution décisive pour changer l’histoire. Jésus désire que nous le fassions comme le sel : il suffit d’une pincée qui fond pour donner un goût différent à l’ensemble. Alors nous ne pouvons pas reculer, parce que sans ce peu, sans notre peu, tout perd son goût. Commençons précisément par le peu, par l’essentiel, par ce qui n’apparaît pas dans les livres d’histoire mais qui change l’histoire : au nom de Jésus, de ses Béatitudes, déposons les armes de la haine et de la vengeance pour embrasser la prière et la charité ; surmontons ces antipathies et aversions qui, au fil du temps, sont devenues chroniques et qui risquent d’opposer les tribus et les ethnies ; apprenons à mettre sur les blessures le sel du pardon, qui brûle mais guérit. Et, même si le cœur saigne à cause des torts reçus, renonçons une fois pour toutes à répondre au mal par le mal, et nous serons bien intérieurement ; accueillons-nous et aimons-nous avec sincérité et générosité, comme le fait Dieu avec nous. Gardons le bien que nous sommes, ne nous laissons pas corrompre par le mal !

Passons à la deuxième image utilisée par Jésus, la lumière : Vous êtes la lumière du monde. Une célèbre prophétie disait d’Israël : « Je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49, 6). À présent la prophétie s’est accomplie, parce que Dieu le Père a envoyé son Fils, et c’est Lui la lumière du monde (cf. Jn 8, 12), la vraie lumière qui éclaire chaque homme et chaque peuple, la lumière qui brille dans les ténèbres et dissipe les nuages de toute obscurité (cf. Jn 1, 5.9). Mais Jésus lui-même, lumière du monde, dit à ses disciples qu’eux aussi sont lumière du monde. Cela veut dire qu’en accueillant la lumière du Christ, la lumière qu’est le Christ, nous devenons lumineux, nous rayonnons de la lumière de Dieu !

Jésus ajoute : « Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison » (Mt 5, 14-15). Ce sont là aussi des images familières de cette époque : plusieurs villages en Galilée étaient situés sur les collines, bien visibles de loin ; et les lampes, dans les maisons, étaient placées en hauteur pour donner de la lumière dans tous les coins de la pièce ; puis, quand elles devaient être éteintes, on les couvrait avec objet en terre cuite appelé “boisseau”, qui asphyxiait la flamme jusqu’à l’éteindre.

Frères et sœurs, l’invitation de Jésus à être lumière du monde est claire : nous qui sommes ses disciples, nous sommes appelés à resplendir comme une ville située en altitude, comme un lampadaire dont la flamme ne doit jamais être éteinte. En d’autres termes, avant de nous préoccuper des ténèbres qui nous entourent, avant d’espérer que quelque chose autour s’éclaire, nous devons briller, éclairer par notre vie et par nos œuvres les villes, les villages et les lieux que nous habitons, les personnes que nous fréquentons, les activités que nous menons. Le Seigneur nous en donne la force, la force d’être lumière en Lui, pour tous ; parce que tous doivent pouvoir voir nos bonnes œuvres et, les voyant– nous rappelle Jésus –, s’ouvrir avec émerveillement à Dieu et lui rendre gloire (cf. v. 16). Si nous vivons comme des enfants et des frères sur la terre, les gens découvriront qu’ils ont un Père dans les cieux. Il nous est donc demandé de brûler d’amour : qu’il n’arrive pas que notre lumière s’éteigne, que l’oxygène de la charité disparaisse de notre vie, que les œuvres du mal enlèvent de l’air pur à notre témoignage. Cette terre, très belle et meurtrie, a besoin de la lumière que chacun de vous possède, ou mieux, de la lumière que chacun de vous est !

Chers amis, je vous souhaite d’être le sel qui se répand et se dissout avec générosité pour donner saveur au Soudan du Sud avec le goût fraternel de l’Évangile ; d’être des communautés chrétiennes rayonnantes qui, comme des villes situées en hauteur, irradient une lumière de bien sur tout le monde et montrent qu’il est beau et possible de vivre la gratuité, d’avoir l’espérance, de construire tous ensemble un avenir réconcilié. Frères et sœurs, je suis avec vous et je vous souhaite de faire l’expérience de la joie de l’Évangile, la saveur et la lumière que le Seigneur, « le Dieu de la paix » (Ph 4, 9), le « Dieu de qui vient tout réconfort » (2 Co 1, 3), veut répandre sur chacun de vous.

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DERNIÈRES SALUTATIONS

Merci, cher Frère Stephen, pour ces paroles. Je salue Monsieur le Président de la République avec toutes les Autorités civiles et religieuses présentes. Je suis désormais parvenu à la fin de ce pèlerinage parmi vous et je désire exprimer ma reconnaissance pour l’accueil reçu et pour tout le travail accompli pour préparer cette visite, qui a été une visite fraternelle à trois.

Je vous suis tous reconnaissant, frères et sœurs qui êtes venus nombreux de différents lieux, beaucoup d’entre vous ont dû faire plusieurs heures, et même journées, de route ! En plus de l’affection que vous m’avez manifestée, je vous remercie pour votre foi, pour votre patience, pour tout le bien que vous faites et pour les efforts que vous offrez à Dieu sans vous décourager, sachant aller de l’avant. Au Soudan du Sud il y a une Église courageuse, apparentée avec celle du Soudan, comme nous le rappelait l’Archevêque qui a mentionné la figure de sainte Joséphine Bakhita : une grande femme qui, avec la grâce de Dieu, a transformé en espérance la souffrance endurée. Benoît XVI a écrit : « L’espérance, qui était née pour elle et qui l’avait “rachetée”, elle ne pouvait pas la garder pour elle ; cette espérance devait rejoindre beaucoup de personnes, elle devait rejoindre tout le monde » (Lett. enc. Spe salvi, n. 3). Espérance est la parole que je voudrais laisser à chacun de vous, comme un don à partager, comme une semence qui porte du fruit. Comme nous le rappelle la figure de sainte Joséphine, l’espérance, ici en particulier, est sous le signe de la femme et je voudrais remercier et bénir de façon spéciale toutes les femmes du pays.

Je voudrais associer à l’espérance une autre parole, la parole de ces jours-ci : paix. Avec mes Frères Justin et Iain, que je remercie de tout cœur, nous sommes venus ici et nous continuerons à accompagner vos pas, tous les trois ensembles, en faisant tout notre possible pour qu’ils soient des pas de paix, des pas vers la paix. Je voudrais confier ce cheminement de tout le peuple avec nous trois, ce cheminement de réconciliation et de la paix à une autre femme, notre très tendre Mère Marie, la Reine de la paix. Elle nous a accompagnés de sa présence attentive et silencieuse. Nous la prions maintenant et lui confions la cause de la paix au Soudan du Sud et sur tout le Continent africain. Confions également la paix dans le monde à la Vierge, en particulier les nombreux pays qui se trouvent en guerre, comme l’Ukraine meurtrie.

Très chers frères et sœurs, nous retournons, chacun de nous trois à son office, en vous portant encore plus dans le cœur. Je le répète : vous êtes dans nos cœurs, vous êtes dans nos cœurs, vous êtes dans le cœur des chrétiens du monde entier ! Ne perdez jamais l’espérance. Et que l’on ne perde pas l’occasion de construire la paix. Que l’espérance et la paix demeurent en vous, que l’espérance et la paix demeurent au Soudan du Sud !

source : vatican.va

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