Le reporter heureux

Médecin devenu chrétien, mettant sa culture au service de la foi naissante, Saint Luc a laissé une délicieuse œuvre écrite. L'évangéliste inspiré dresse un portrait aimable du Sauveur depuis l’enfance ; il dévoile «les entrailles de miséricorde de Dieu» et la joie transparaît dans ses récits.

Au moins une fois par mois, l’Église commémore avec fierté les Apôtres (d’André à Jude) et les Évangélistes : des témoins proches du Christ vivant. Vers la mi-octobre, la liturgie invoque Saint Luc : « Compagnon et disciple attaché à saint Paul, / partageant nuit et jour les secrets de son cœur, / fais que l’amour du Christ dans nos âmes brûle seul » (Liturgie des Heures, 18/10, Laudes, hymne).

Médecin devenu chrétien, il avait développé un sens cordial de l’humanité

Médecin devenu chrétien, mettant sa culture au service de la foi naissante, le troisième évangéliste a laissé une délicieuse œuvre écrite. Praticien en contact avec la vulnérabilité d’autrui, il avait développé un sens cordial de l’humanité ; ainsi deviendrait-il d’autant plus un témoin de la miséricorde. Comme un médicament polyvalent, l’Évangile guérit, protège et tonifie (Légende Dorée, 18 octobre).

Son patronage sur le personnel de santé lui donne une lourde responsabilité dans ces temps, qui menacent la vie faible de façon inhumaine. Les artistes l’honorent aussi, en lui attribuant la réputation de peintre.

Dans une vie dévouée à la mission, collaborateur qualifié de Saint Paul, il lui reste fidèle jusqu’au bout, dans les moments plus durs : « Luc seul est avec moi » (2 Timothée 4, 11), déclare l’Apôtre ému. Auditeur et chercheur attentif, l’évangéliste prolifique a fourni deux volumes aux écrits de la Nouvelle Alliance ; le souffle de l’Esprit, Âme de l’Église, vibre dans les péripéties des Actes des Apôtres.

« Greffier de la mansuétude du Christ » (Dante)

« Greffier de la mansuétude du Christ » (Dante, De Monarchia I, 16, 2), Luc, enrichi par l’inspiration divine, dresse un portrait aimable du Sauveur depuis l’enfance ; il dévoile « les entrailles de miséricorde de Dieu » (Luc 1, 78) et l’exultation du Cœur de Jésus (Luc 10, 21) ; il souligne la sainteté du Temple, la valeur du sacrifice et de son mémorial eucharistique ; il se penche sur l’âme de la Mère du Seigneur. La joie transparaît dans ses récits, en en inondant les pages.

 en diffusant l'Évangile, il devient ambassadeur de la joie.

En effet, sa rencontre avec l’Évangile, lui a révélé le visage miséricordieux du Sauveur ; son message l’a comblé de bonheur ; en le diffusant, il devient ambassadeur de la joie.

Cette joie de l’Évangile habite l’évangélisateur et se répand sur ses auditeurs ; elle imprime un style spontané à sa démarche, éveille l’épanouissement des consciences, bâtit la civilisation de l’amitié. « Nous parvenons à être pleinement humains quand nous permettons à Dieu de nous conduire au-delà de nous-mêmes » (pape François, exhortation La joie de l’Évangile §8).

Depuis le Mont-Saint-Michel (chapelle de l’église abbatiale) jusqu’au château de Versailles, la France l’honore avec ses trois confrères. Le Parisien Corneille van Clève fut chargé de contribuer, à Versailles, à l’ornementation de la chapelle royale ; sur la balustrade du chevet campent les quatre évangélistes : Saint Luc (1707), en pierre, porte le long rouleau de son apport aux Écritures.

« Le Fils fait homme, révélation de la beauté infinie, est extrêmement aimable, et il nous attire à lui par des liens d’amour » (Pape François)

La joie portée par l’Évangile a été mise en relief par le pape François, depuis sa première exhortation apostolique (2013). «Le Fils fait homme, révélation de la beauté infinie, est extrêmement aimable, et il nous attire à lui par des liens d’amour» (idem§167). Loin du chrétien les mines tristes ; la foi vivante n’est pas une corvée, moins encore un deuil, mais une fête de noces. L’évangélisateur, témoin de l’invisible, transmet le dynamisme de la Résurrection, plus puissante que le mal et la mort. « C’est l’annonce qui correspond à la soif d’infini présente dans chaque cœur humain ; elle possède certaines notes de joie, d’encouragement, de vitalité » (idem §165).

Chez Luc, miséricorde rime avec joie : l’enfance du Seigneur, les paraboles touchantes. Un binôme gagnant : « Toi, qui as su semer des rayons de lumière, / fais que ces grains, partout réchauffés par le Christ, / mûrissent jusqu’à remplir les greniers de la gloire » (Liturgie des Heures, idem, Office de lectures). Il témoigne de la joie du Sauveur ; le chrétien imite son style, dans la prière et la mission. Le ciel le souhaite et notre monde essoufflé en a de plus en plus besoin.

St Luc Évangéliste, détail du triomphe de St Thomas d'Aquin, fresque d'Andrea di Buonaiuto, chapelle espagnole, église Santa Maria Novella, Florence (Italie)

Abbé Fernandez