Fioretti juillet 2018

A la lumière de l'exemple de Jésus-Christ, le Pape François esquisse un portrait du disciple missionnaire

Le photogramme du divin Maître

Angelus du 22 juillet 2018 :

« “En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement.” (cf. Mc 6, v.34). Dans ces brèves phrases, l’évangéliste nous offre un flash d’une intensité singulière, en photographiant les yeux du divin Maître et son attitude. Observons les trois verbes de ce photogramme : voir, avoir compassion, enseigner. Nous pouvons les appeler les verbes du Pasteur. Le regard de Jésus n’est pas un regard neutre ou, pire, froid et détaché, parce que Jésus regarde toujours avec les yeux du cœur. Et son cœur est si tendre et plein de compassion, qu’il sait saisir les besoins, même les plus cachés, des personnes. En outre, sa compassion n’indique pas simplement une réaction émotive face à une situation de malaise des personnes, mais elle est beaucoup plus : c’est l’attitude et la prédisposition de Dieu envers l’homme et son histoire. Jésus apparaît comme la réalisation de la sollicitude et de l’attention de Dieu envers son peuple. »

Êtes-vous des jeunes ou des jeunes déjà vieux ?

Message vidéo aux participants à l’assemblée triennale des jeunes, organisée par la Conférence épiscopale des Antilles (AECYA), le 15 juillet 2018 :

« Êtes-vous des jeunes ou des jeunes déjà vieux ? Parce que si vous êtes des jeunes déjà vieux, vous ne pourrez rien faire. Vous devez être des jeunes “jeunes”. Avec toute la force de la jeunesse pour transformer. Et la première chose que vous deviez faire est de voir si vous “vous êtes installés”. Non, si vous vous êtes installés, cela ne va pas. Ceux parmi qui se sont installés doivent se bouger et commencer à se battre. Vous voulez transformer, vous voulez avancer et vous avez fait vôtres les directives de l’exhortation post-synodale sur la famille, pour faire avancer la famille […] La faire avancer aujourd’hui pour demain, c’est-à-dire dans le présent pour l’avenir. Et aujourd’hui, pour comprendre le présent, vous devez savoir la décrire, savoir la comprendre pour affronter demain. […] On ne peut pas regarder au lendemain sans regarder hier. On ne peut pas regarder l’avenir sans réfléchir sur le passé. Vous vous préparez pour transformer quelque chose que vous a été donné par vos anciens. Recevez l’histoire d’hier, recevez les traditions d’hier.

Vous avez des racines […] Tu ne peux rien faire dans le présent ni dans l’avenir si tu n’es pas enraciné dans le passé, dans ton histoire, dans ta culture, dans ta famille ; si tu n’as pas des racines bien plantées. Des racines te viendra la force pour avancer. Nous tous, et vous-mêmes, nous n’avons pas été fabriqués dans un laboratoire, nous avons cette histoire, ces racines, et ce que nous faisons, les fruits que nous portons, la beauté que nous pouvons ensuite créer, proviennent de ces racines.

Il y a un poète qui termine son grand poème par ce vers : “Ce qui a fleuri sur l’arbre vit de ce qui a été enterré”.

Les messagers du royaume de Dieu ne sont pas des managers tout-puissants, pas des fonctionnaires intraitables, pas des vedettes en tournée.

Angelus du 15 juillet 2018 :

« Le disciple missionnaire a avant tout un centre de référence, qui est la personne de Jésus. Le récit l’indique en utilisant une série de verbes qui ont Jésus pour sujet – “il les appela”, “il commença à les envoyer en mission ”, “il leur donnait autorité”, “il leur prescrivit”, “il leur disait encore”–, de sorte que le départ et l’action des Douze apparaît comme l’irradiation d’un centre, la représentation de la présence et de l’œuvre de Jésus dans leur action missionnaire. Cela manifeste combien les Apôtres n’ont rien d’eux-mêmes à annoncer, ni de capacités à démontrer, mais parlent et agissent en tant qu’ “envoyés”, messagers de Jésus.

Cet épisode évangélique nous concerne aussi, et pas seulement les prêtres, mais tous les baptisés, appelés à témoigner de l’Évangile du Christ dans les divers domaines de la vie. Et pour nous aussi cette mission n’est authentique qu’à partir de son centre immuable qu’est Jésus. Ce n’est pas une initiative des fidèles individuels ni des groupes ni non plus des grandes agrégations, mais c’est la mission de l’Église inséparablement unie à son Seigneur. Aucun chrétien n’annonce l’Évangile “à son compte”, mais seulement envoyé par l’Église qui a reçu le mandat du Christ lui-même. C’est le baptême qui nous rend missionnaires. Un baptisé qui ne sent pas le besoin d’annoncer l’Évangile, d’annoncer Jésus, n’est pas un bon chrétien.

La seconde caractéristique du style du missionnaire est, pour ainsi dire, un visage, qui consiste dans la pauvreté des moyens. Son équipement répond à un critère de “sobriété”. Les Douze, en effet, ont l’ordre de “ne rien prendre pour la route, mais seulement un bâton ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture” (v. 8). Le Maître les veut libres et légers, sans appuis et sans faveurs, seulement sûrs de l’amour de Celui qui les envoie, forts de sa parole qu’ils vont annoncer. Le bâton et les sandales sont l’équipement des pèlerins, parce que tels sont les messagers du royaume de Dieu, pas des managers tout-puissants, pas des fonctionnaires intraitables, pas des vedettes en tournée. »

Le silence du “cela a toujours été comme ça”

Homélie de la messe pour les migrants, 6 juillet 2018 :

« Que de pauvres aujourd’hui sont piétinés ! Que de petites gens sont exterminées ! Ils sont tous victimes de la culture de marginalisation qui a été plusieurs fois dénoncée. Et parmi eux je ne peux pas ne pas mentionner les migrants et les réfugiés qui continuent à frapper aux portes des nations jouissant d’un plus grand bien-être. […] “Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous procurerai le repos”. Le Seigneur promet repos et libération à tous les opprimés du monde, mais il a besoin de nous pour rendre efficace sa promesse. Il a besoin de nos yeux pour voir les besoins nos frères et sœurs. Il a besoin de nos mains pour secourir. Il a besoin de notre voix pour dénoncer les injustices commises dans le silence – parfois complice – de beaucoup.

Je devrais, en effet, parler de beaucoup de silences : le silence du sens commun, le silence du “cela a toujours été comme ça”, le silence du “nous” toujours opposé au “vous”. Le Seigneur a surtout besoin de notre cœur pour manifester l’amour miséricordieux de Dieu envers les derniers, les personnes rejetées, abandonnées, marginalisées. […] Face aux défis migratoires d’aujourd’hui, la seule réponse sensée est celle de la solidarité et de la miséricorde; une réponse qui ne fait pas trop de calculs mais qui exige un partage équitable des responsabilités, une honnête et sincère évaluation des possibilités et une gestion avisée. La politique juste est celle qui se met au service de la personne, de toutes les personnes intéressées; qui prévoit des solutions adaptées pour garantir la sécurité, le respect des droits et de la dignité de tous ; qui sait voir le bien de son propre pays en prenant en compte celui des autres pays, dans un monde toujours plus interconnecté. C’est ce monde que les jeunes regardent. »