Des sciences à la connaissance de Dieu

Parmi les nombreuses activités, le Centre Culturel Garnelles organisait cette année un cycle sur la philosophie de la nature et de la connaissance.

Jacques, vous êtes ingénieur, auteur de nombreuses innovations et brevets, et professeur dans une école d’ingénieurs. Pouvez-vous décrire le cycle en quelques mots ?

Chaque cours réunissait une douzaine d’étudiants et de jeunes professionnels en moyenne, provenant de tous horizons : physiciens, ingénieurs, mathématiciens, architectes, enseignants, juristes, financiers, cadres commerciaux... Certains sont catholiques et d’autres non.

Un support vidéo m’a aidé à me faire comprendre : croquis, photos, textes et citations. Puis, après le cours, un dîner convivial réunissait ceux qui le souhaitaient autour de pizzas.

Par ailleurs, après chacun des neuf cours, une séance de « rattrapage » permettait aux absents de ne pas décrocher, car il est vrai que les concepts exposés nécessitaient une présence continue et régulière.

Le plus intéressant pour moi sont bien sûr les réactions des auditeurs. (On peut les lire au pied de cet article).

À quel problème répond ce cycle ?

On considère souvent aujourd’hui que la modernité a fait aborder à l’humanité une ère radicalement nouvelle, où une nouvelle philosophie a fait triompher la raison de la superstition, et où les sciences ont fait triompher le progrès technologique sur la misère. Dans ce contexte, la religion et l’idée de Dieu sont fréquemment considérées comme superflues, voire nuisibles.

Simultanément, les philosophies modernes ont produit un malaise profond et suscité des questions angoissées sur le sens de la vie humaine, sur la capacité même de l’homme à connaître vraiment les autres êtres, et à agir de façon véritablement libre et responsable.

Vous avez choisi une approche historique de la question. Pour quelle raison ?

Aristote

Aujourd’hui, science et philosophie sont souvent considérées comme deux mondes à part. Il n’en était pas ainsi pour les Anciens, qui passaient naturellement de l’une à l’autre, à tel point que le même Aristote (4ème siècle av. JC) a écrit une Physique ou une Histoire des Animaux , tout comme une Éthique à Nicomaque ou une Philosophie première , appelée plus tard Métaphysique .

Maintenant, les époques antérieures à la Renaissance ont-elles quelque chose à nous dire dans le domaine scientifique ? « On juge l’arbre à son fruit. » C’est pourquoi le cycle a commencé par étudier comment les Anciens et les Médiévaux ont développé les sciences par leur observation et leur intuition, et comment ils ont inventé de nombreuses techniques pour améliorer leurs conditions de vie matérielles.

Une mutation philosophique s’est produite ensuite à partir du 14ème siècle, qui a consisté en particulier en un isolement entre science et foi chrétienne. Il en est résulté par contre une confusion entre l’ordre de la nature des choses qui nous sont extérieures, et l’ordre de la connaissance qui est dans notre intelligence.

Cette mutation a profondément influé sur les cultures modernes, aussi bien scientifiques que religieuses. Les témoignages des scientifiques acteurs des grandes découvertes modernes ont permis d’étudier l’histoire de leurs oppositions aux idéologies. Enfin, on a vu comment pour sa part le Magistère de l’Église a répondu à cette crise.

Qu’est-ce qui a le plus frappé vos auditeurs ?

Saint Thomas d'Aquin

Voici de qu’ils m’ont en dit :

« J’ai découvert l’histoire et la philosophie des sciences. Beaucoup de choses ont été dites par Aristote ; je ne le connaissais pas du tout. Que de choses impressionnantes faites dans l’Antiquité. Cela donne envie aussi d’étudier la philosophie de saint Thomas d’Aquin.

« Je n’imaginais pas que la philosophie avait une telle influence sur la physique. Au lycée, on apprend un enchaînement de formules qu’on applique ; ce ne sont que des morceaux. Dans le cycle, on comprend physiquement comment les choses marchent, tout se tient, il y a une cohérence logique de bout en bout. Et la courbure de l’espace de la relativité générale est très intrigante : un univers fini et pourtant sans limite extrême…

« Dans mon travail professionnel de recherche, on fait des hypothèses sans jamais savoir si elles sont vraies ou fausses : maintenant j’ai une approche pour aider à résoudre ce problème. Je comprends aussi certains problèmes de rapports humains dans l’entreprise.

« Aristote a démontré l’existence de Dieu par la raison, et cela « colle » avec la foi chrétienne révélée : c’est un argument très intéressant pour discuter avec les gens qui ne croient pas. On comprend mieux qu’est -ce que Dieu, question en fait préalable à celle de savoir qui est Dieu.

« Maintenant, il me faut reprendre le polycopié du cycle pour approfondir. Les concepts abordés nécessitent une réflexion personnelle et a posteriori. Il faut que je lise la Physique d’Aristote pour me faire une idée sur cette œuvre par moi-même. Et il faudra que l’on revoit cela ensemble. Cela me donne plein d’idées pour discuter avec mes amis, et d’arguments face à l’immanentisme. Il faut refaire le cycle l’année prochaine pour nos amis. »