Teresa chez nous. Un passage fugace, un souvenir profond

Elle est arrivée d’Espagne la nuit du 21 au 22 juin. Elle est partie au ciel le 22 après-midi. En moins de 24 heures elle nous a laissé le souvenir de sa joie, de son dévouement, de son sourire.

Nous avons laissé passer quelques jours, en respect pour l’émotion des témoins et des protagonistes des événements, avant de publier cet article. Le temps aussi de recevoir le grand écho que son décès a eu dans la presse espagnole et, surtout, dans les médias de Barcelone, là où elle est née et a travaillé.

Les pages de l’Opus Dei en Espagne, en espagnol et en catalan ont publié plusieurs articles sur l’accident, sur Teresa et sur l’immense fécondité de sa vie.

Elle était sous-directrice et enseignante du collège Canigó et participait à la direction d’une résidence d’étudiantes, le Colegio Mayor Bonaigua, où elle habitait. Le groupe de jeunes filles qui l’ont accompagnée dans son voyage en Côte d’Ivoire étaient des élèves qui venaient de finir l’enseignement secondaire à Canigó ou des étudiantes qui fréquentent Bonaigua. Les tweets publiés par Bonaigua sont spécialement émouvants.

Le Cardinal Secrétaire d’État, Pietro Parolin, au nom de Sa Sainteté le Pape François a envoyé, par l’intermédiaire du Chargé d’affaires de la Nonciature, l’Abbé Luca Marabese, un message de condoléances à l’abbé Abdoulaye Sissoko, Vicaire Régional de l’Opus Dei en Côte d’Ivoire, que nous traduisons au français :

Vatican, le 26 juin 2019

Révérend Père Abdoulaye Sissoko. Vicaire Régional de l’Opus Dei (Abidjan)

Ayant reçu la triste nouvelle du tragique accident de la circulation qui a mis fin à la vie de Madame Teresa Cardona alors qu’elle voyageait avec des étudiantes du collège Canigó de Barcelone pour réaliser des œuvres de solidarité et de promotion de la femme à Yamoussoukro, je souhaite faire parvenir, par votre intermédiaire, les condoléances les plus sincères du Saint Père à la famille de la défunte et aux membres de cette communauté éducative, en même temps qu’il élève de fervents suffrages pour son repos éternel.

De même, le Pape François demande par l’intercession de saint Josémaria Escrivá le prompt rétablissement de toutes les personnes qui ont été blessées et, en signe de foi et d’espérance en le Christ Ressuscité, accorde à tous le réconfort de sa bénédiction apostolique.

Cardinal Pietro Parolin

Secrétaire d’État de sa sainteté

LE TÉMOIGNAGE DE MADAME ELENA MERINO

Madame Elena Merino, Secrétaire du Conseil Régional de l’Opus Dei en Côte d’Ivoire, souligne le regard limpide de Teresa, son tempérament cordial, accueillant, reconnaissant.

Elle avait coïncidé avec le groupe qui était venu de Barcelone à l’occasion de la messe célébrée en l’honneur de saint Josémaria le 22 juin, à la paroisse Notre Dame de l’Incarnation.

Nous résumons ici son récit des événements.

L’après-midi, le groupe venu de Barcelone est parti pour Yamoussoukro en deux cars. Les trente jeunes femmes devaient s’y consacrer à un projet de développement social. Mais Dieu en a disposé autrement : l’un des cars, celui dans lequel voyageait Teresa, a perdu le contrôle, est passé à la voie du sens Yamoussoukro vers Abidjan, et s’est précipité dans un ravin, faisant plusieurs tonneaux. Teresa est décédée immédiatement. Dix jeunes filles ont eu des contusions.

Madame Elena Merino reçoit la nouvelle par téléphone à 18 heures et part accompagnée de la directrice de Marahoué, le centre où le groupe avait passé la nuit, vers le lieu de l’accident, où elles arrivent vers 21 heures. Pendant le voyage elle a pu communiquer avec le consul d’Espagne, avec le vicaire régional de l’Opus Dei, avec les directrices de Bonaigua et de Canigó en Espagne.

Les passagers d’un car qui venait de Yamoussoukro vers Abidjan et qui a failli faire collision avec le car accidenté lorsque celui-ci traversait sans contrôle la route, ont aidé les jeunes filles accidentées à se dégager de l’épave du véhicule. Quelques-unes commentent que, lorsqu’elles ont ouvert les yeux après l’accident, elles ont découvert que leurs anges gardiens sont noirs ! Elles sont très reconnaissantes pour le dévouement et l’affection avec lesquelles elles ont été traitées par ces sauveteurs improvisés.

Les sapeurs-pompiers et la gendarmerie sont arrivés rapidement. Les blessées ont été hospitalisées à l’Hôpital Saint Jean-Baptiste de l’Ordre de Malte de Bodo, près de N’douci.

Entretemps est arrivée la docteur Rose Segla, directrice du Centre Okassou de Yamoussoukro, accompagnée d’autres personnes du même centre. Comme le dit Mme Elena Merino, il était normal que l’Opus Dei, qui est une véritable famille, se mobilise dans une pareille situation.

Le lendemain, dimanche 23, les blessées ont été autorisées à rentrer à Abidjan en voitures, sauf deux qui ont fait le voyage en deux ambulances. Elles ont été hospitalisées et mises en observation à la clinique Farah, à Marcory. Le même 23 au soir, toutes ont été libérées et ont rejoint le groupe au centre Marahoué, excepté trois. Le lundi 24 la clinique a pu confirmer que les trois autres qui avaient été retenues pouvaient rentrer en Espagne les jours suivants.

Avant que le groupe ne parte pour l’Espagne, en fin d’après-midi, une messe a été concélébrée à l’oratoire de Marahoué par les abbés Sissoko et Sanchez, Vicaire régional et vicaire secrétaire de l’Opus Dei en Côte d’ivoire, accompagnés de l’abbé Pujol, qui était venu de Barcelone en tant qu’aumônier du groupe. Cent cinquante personnes étaient présentes ; par manque d’espace à l’oratoire, une partie a suivi la messe par vidéo, depuis une salle adjacente.

Ce même jour, 24 juin, étaient arrivés de Barcelone Javier, frère de Teresa et deux directrices du collège Canigó. Les trois sont repartis le lendemain.

Après la messe, les jeunes filles ont raconté au frère de Teresa des détails de l’accident et de la manière dont elles avaient été soutenues par toutes les personnes qui ont participé d’une façon ou d’une autre aux événements. Le frère de Teresa était rassuré, réconforté et assez ému.

Après le dîner, le groupe est parti pour l’aéroport. Était remarquable l’affection que ces jeunes filles avaient pour Teresa et comment elles ont vécu le drame avec vision surnaturelle, en acceptant la volonté de Dieu, même avec une joie sereine qu’elles se transmettaient mutuellement.

Il restait encore un

moment de douleur et d’émotion intenses : la levée du corps de Teresa, le mardi

25 au matin, à IVOSEP. Ceux et celles qui étaient venus de Barcelone, le consul

d’Espagne et ses collaborateurs, de nombreuses personnes de l’Œuvre et amis qui

sont venues soutenir le les directrices de l’Opus Dei en Côte d’Ivoire et le

frère de la défunte, qui a été très touché par les marques d’affection et de

solidarité.

LE TÉMOIGNAGE DE LA DOCTEUR ROSE SEGLA

La Docteur Rose Segla travaille au Centre Médico-Social Walé ; elle est la directrice du Centre Okassou de Yamoussoukro, qui était chargé d’accueillir le groupe de volontaires pendant leur séjour chez nous.

Elle raconte comment elles avaient préparé l’arrivée du groupe avec un grand enthousiasme. Teresa et un autre groupe semblable étaient déjà venus l’année dernière et avaient laissé un souvenir excellent.

Mais le soir avançait et l’expédition n’arrivait pas… À l’heure du dîner, un appel de la directrice de Marahoué lui apprend qu’il y avait eu un accident sur la route et la prie de partir avec une autre numéraire du centre vers N’douci pour aller à l’hôpital qui venait d’accueillir les blessées. C’est déjà en voiture, pendant qu’elles priaient, qu’elles ont appris par un nouvel appel téléphonique que Teresa était décédée.

Elle a passé la nuit entre l’hôpital, avec les blessées, et la morgue de Tiassalé, où le corps de Teresa avait été déposé.

Elle souligne la sérénité des blessées et le dévouement des autorités locales et espagnoles qui ont facilité les démarches pour pouvoir transférer le corps à Abidjan le lendemain : tout a été réglé en une nuit, et une nuit entre un samedi et un dimanche.

Des agents de la gendarmerie sont venus le dimanche matin pour prendre la déclaration des blessées. Toutes ont tenu à souligner le comportement admirable du chauffeur, qui les avait aidées à sortir du car et qui était très affecté en les voyant blessées.

Le médecin de l’hôpital a donné l’autorisation pour qu’elles puissent faire le voyage jusqu’à Abidjan. L’expédition, composée de trois voitures et deux ambulances, l’une de l’Hôpital Saint Jean-Baptiste de Bodo, l’autre du Centre Médico-Social de Yamoussoukro, était accompagné par le Directeur Départemental de la Santé.

Les blessées étaient attendues à la clinique Farah, de Marcory pour être examinées. L’abbé Sanchez et l’abbé Pujol sont venus pour leur donner la Communion et pour s’intéresser à leur état de santé. Les jeunes filles étaient très reconnaissantes. Après les examens, trois d’entre elles sont restées hospitalisées pour des examens complémentaires ; la docteur Segla et deux autres dames sont restées avec elles ; les autres sont allées à Marahoué où elles ont rejoint le groupe qui avait voyagé dans le car qui n’a pas fait d’accident.

Tout cela dit,la docteur montre à quel point l’Œuvre est une famille. Le dévouement des directrices (celles qui étaient sur place et celles qui collaboraient depuis « l’arrière-garde ») était évident ; il fallait s’occuper de beaucoup de choses : la communication avec les familles, le déplacement des blessées, les démarches administratives, avec les difficultés de la présence de deux langues et la distance entre Abidjan et Yamoussoukro… Et tout vécu avec simplicité, discrétion, efficacité, en gardant toujours le sourire et en transmettant un climat de paix.

Les détails que les jeunes filles racontaient de ces dernières heures qu’elles avaient passées avec Teresa montraient sa simplicité, sa piété, son désir de rendre la vie agréable aux autres, sa joie permanente. De l’avis de Dr Segla, la sérénité des jeunes filles était aussi un reflet de la sainteté simple de Teresa, « la sainteté du saint de la porte d’à côté », comme dit le Pape.

Un autre point qu’elle souligne est le voyage éclair (à peine douze heures) des deux directrices du collège qui sont venues pour soutenir leurs élèves et leur tenir compagnie.

La conclusion de son témoignage : « nous pleurons parce que Teresa nous a quittées de façon brutale et inattendue, mais nous ne perdons pas la joie parce que nous sommes convaincues qu’elle est au Ciel et que, là où elle est, elle aidera davantage ces jeunes filles pour lesquelles elle a donné sa vie et aidera davantage la Côte d’Ivoire qu’elle aimait tant.

Juan Cardona, un autre frère de Teresa, a publié un article dans« La Vanguardia » de Barcelone. Deux paragraphes de son témoignage peuvent servir pour clore ce compte-rendu (la traduction est nôtre) :

On dit que le visage est le reflet de l’âme. Dans le cas de Teresa, son visage était un sourire énorme, celui qui a captivé ces jours-ci des milliers de personnes du monde entier, qui l’ont connue par les médias de communication. Nous qui l’avons bien connue, nous savons ce qu’il y avait derrière ce sourire : une vie de service aux autres, mue par son grand amour de Dieu et des personnes les plus indigentes.

Sa profonde confiance en Dieu a été le fil conducteur de sa vie : dans la formation des adolescents, dans l’attention à leur famille, dans l’affection avec laquelle elle s’occupait de ses parents et dans sa vie de tous les jours. De là jaillissaient son humilité, sa générosité et sa joie, avec lesquelles elle a entraîné tant de personnes, toujours de façon anonyme et sans attirer l’attention, comme une de plus parmi d’autres.