Le parfum de la Reine

l’Église proclame solennellement la « royauté universelle » de Notre Dame, fêtée dans l’octave de l’Assomption. Reine du monde, Reine du Roi céleste, Reine et mère de miséricorde, Reine du très saint rosaire, Reine de la paix, Reine de la famille.... autant d'invocations qui semblent toujours insuffisantes pour honorer la Mère de Dieu et notre Mère.

Détail du Couronnement de la Sainte Vierge. Andrea della Robbia, XV ème siècle

Tout le soin de la Trinité transparaît dans Le couronnement de la Vierge, une œuvre de maturité du Picard Enguerrand Quarton (1454) destinée à la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon. Des mains et des ailes, en divin doigté, déposent l’insigne royal sur les tempes de Marie.

La royauté du Fils, loin d’être oisive, rachète, sanctifie et amène à la gloire. Près de lui, Marie agit : appelée à engendrer l’héritier éternel de David (Luc 1, 32-33), elle présente aux Mages « le Roi nouveau-né » (Matthieu 2, 2) ; après la gloire messianique à Cana, elle veille sur le Roi transpercé (Jean 19, 25).

Le manteau royal de Marie a été tissé avec les fibres de sa fidélité.

Le manteau royal de Marie a été tissé avec les fibres de sa fidélité. «Réjouis-toi, Reine du monde, Souveraine de tes fidèles» (Hymne Acathiste). La glorieuse Mère de Dieu, associé à la résurrection du Seigneur, participe à son Royaume d’amour.

Les docteurs ont approfondi cette conviction sûre : « elle est devenue reine de toutes les créatures » (saint Jean de Damas, La foi orthodoxe 4, 15). Marie, « reine du roi céleste » (sainte Claire d’Assise, Lettres), est au sommet de l’Église, comme « Reine et Mère de miséricorde ». La liturgie chante ce double titre.

La foi a été rendue visible par l’art, déjà dans les reliefs des sarcophages paléochrétiens ; les mosaïques somptueuses des basiliques ont présenté Notre Dame dans un trône ou au-dessus des rois terrestres. Son couronnement par Dieu le Père apparaît déjà au 6e siècle, dans la basilique de Porec, (Croatie). Reine pour collaborer au royaume de liberté et de vie instauré par son Fils.

Basilique de Porec (Croatie) - Josep Renalias, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Dans l’abside de Sainte-Marie Majeure, la vaste mosaïque de Jacques Torriti (Rome, 1295) montre le geste amoureux du Seigneur.

À partir de l’an 1600, de nombreuses images ont bénéficié du rite du couronnement. Comme aboutissement d’un fort courant au 20e siècle, Pie XII (encyclique Fulgens corona, 11/10/1954) en institua la mémoire ; l’Église proclame solennellement la « royauté universelle » (Lumen Gentium, §59) de Notre Dame, fêtée dans l’octave de l’Assomption.

La dévotion populaire l’acclame à loisir. À l’origine, les litanies de Lorette énonçaient huit titres ; les papes, depuis le 19e siècle, en ont rajouté d’autres, suite aux définitions dogmatiques (Pie IX, Pie XII) ou dans l’urgence pour la prière du rosaire (Léon XIII), pour la paix (Benoît XV) et le soutien de la famille (Jean-Paul II). Marie règne par la vitalité d’une âme sainte, à l’unisson du Cœur du Bon Pasteur. La Reine élevée au-dessus des cieux stimule l’espérance de gloire, en nous rapprochant des sources du salut. Comme Reine du rosaire, Marie gouverne son peuple qui, par cette prière, glorifie la Trinité et édifie l’Église. La Reine de la paix a été invoquée dès la Grande Guerre, en pleine confiance dans une heure d’affliction extrême (Benoît XV, Lettre, 5/05/1917). Reine de la famille, communauté porteuse d’amour humain et divin entre parents et enfants, Notre Dame rassure : « L'avenir de l'humanité passe à travers la famille » (Jean-Paul II, Exhortation sur la Famille, 1980 §86).

La Reine des anges les éclaire sur l’Incarnation et les pousse à protéger les membres du Christ contre l’enfer (Apocalypse 12, 7). Marie règne sur les patriarches qui l’ont attendue : la Nouvelle Ève, plus croyante et généreuse qu’Abraham (Catéchisme §144), trône au-dessus de chaque maillon de la lignée messianique. Remplie d’esprit prophétique à la Visitation (Origène, Homélies sur Luc §8), Marie devient Reine des prophètes et des prophétesses de l’histoire du salut.

Dans la Nouvelle Alliance, elle est aussi Reine des apôtres de son Fils et messagère fidèle pour la première génération chrétienne. « Plus que martyre » (saint Bernard, Sermon pour l’octave de l’Assomption §8), la Reine des martyrs conforte ceux qui imitent l’holocauste de Jésus, « source et modèle de tout martyre » (Liturgie des Heures, commun des martyrs). La Reine bienheureuse excelle sur « une nuée de témoins » (Hébreux 12, 1) : les confesseurs, qui ont enduré des difficultés pour garder le trésor de la foi ; les vierges, laïques ou consacrées, qui se sont montrés dignes de l’Époux divin (Psaume 45, 15) ; tous les saints et saintes, y compris les plus ignorés, qui ont mûri au long de l’histoire.

Même les enfants pécheurs osent contribuer à sa royauté de miséricorde. « Et moi, la Mère de Dieu, qui est aussi ma Mère, je la couronne de mes misères purifiées, parce que je ne possède ni pierres précieuses ni vertus » (saint Josémaria, Forge §285).

Abbé Fernandez