La Mère au sommet

La fête de l'Assomption de la Sainte Vierge au Ciel suscite la ferveur de ses enfants depuis les temps apostoliques, et donne lieu à des expressions de piété populaire, des chefs-d'œuvre artistiques, et une définition dogmatique acclamée par des milliers de personnes. Le pape en attendait des fruits copieux pour la gloire de Dieu, le salut des hommes et l’unité des chrétiens.

maître autel de la cathédrale Notre Dame de Chartres (France)

« Le Seigneur me sauvera pour son Royaume céleste. À lui la gloire dans les siècles ! Amen ! » (2 Timothée 4, 18). Au-dessus de la terre, des airs et des astres, la servante de Galilée plonge dans le giron de la Trinité Bienheureuse. Créature exceptionnelle au-dessous de Dieu, Marie quitte cette « vallée de larmes » sans angoisse, car elle a vécu ancrée dans les biens d’en haut, pendant son pèlerinage.

A Jérusalem, une communauté orthodoxe tient une procession entre le Cénacle et le Tombeau de Marie, en transportant une statue de la Vierge endormie.

Après son doux sommeil, Notre Dame éprouvera un saint réveil : «Désormais rien ne s'interpose entre la Mère et le Fils !» (St Jean de Damas Homélies sur la Dormition, 3 §5). Fille auguste, Mère et Épouse, Notre Dame partage le royaume de l’Héritier éternel. Tout autour se resserrent les anges et les justes. Jules Massenet, à la fin de son oratorio La Vierge (1880, d'après le livret de Charles Grandmougin), dote d’une mélodie éthérée l’air de la soprano : « Ô torrents de lumière, / D’harmonie et d’amour, / De paix et de beauté » (L’extase de la Vierge).

Toute la vie de Marie s’éclaire sous la perspective de sa gloire. Son « oui » permanent brille de façon irréversible.

Toute la vie de Marie s’éclaire sous la perspective de sa gloire : les silences, les larmes, les blessures. Son « oui » permanent brille de façon irréversible. La persévérance au quotidien a forgé son piédestal saint.

« Toutes les générations me diront bienheureuse » (Luc 1, 48). Cette intuition mariale est devenue « une prophétie pour toute l’histoire de l’Église. La citation de ces paroles par l’évangéliste présuppose que la glorification de Marie existait déjà à l’époque de saint Luc » (Benoît XVI, Homélie, 15/08/2008). La gloire corporelle de Marie est l’objet de la plus ancienne fête mariale ; à partir de la liturgie, cette réalité s’insère dans la Tradition et la foi. Saint Bernard, par l’avalanche mariale de sa prédication, inspire les artistes. Abbayes, basiliques et sanctuaires rivalisent pour chanter la splendeur royale de Notre Dame. Une sculpture grandiose (1772) de l’académicien Charles-Antoine Bridan préside le maître autel de la cathédrale Notre Dame de Chartres. Le sens de la foi populaire, accru depuis le 19e siècle, a poussé le magistère à mettre en relief cette vérité d’espérance.

Pie XII énonce le dogme de l'Assomption (1950)
« C'est un dogme divinement révélé que Marie, l'Immaculée Mère de Dieu toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en âme et en corps à la gloire céleste »

Pie XII, à la Toussaint de l’an 1950, énonça le dogme à Rome, acclamé par 600 mille fidèles, dont plusieurs centaines d’évêques du monde entier. La déclaration a été soigneusement filmée. Ce mercredi radieux de l’année sainte, dès 9 heures du matin, les fidèles, accourus des quatre coins monde, remplissaient la place Saint-Pierre. Après le Veni Creator, le pape lit en latin, de sa voix vivace : « C'est un dogme divinement révélé que Marie, l'Immaculée Mère de Dieu toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en âme et en corps à la gloire céleste » (constitution Munificentissimus Deus, 1950). Une messe pontificale s’ensuivit à l’intérieur, devant 50 mille personnes. Les noms des 608 évêques présents furent gravés sur des plaques de marbre à l’entrée du narthex. Sur le champ, ce privilège fut inséré dans les litanies de Lorette (Décret Ingenti populi, 31/10/1950), implorant l’intercession de son amour royal.

« Elle a un cœur aussi large que celui de Dieu, un cœur si grand que toute la création peut entrer dans ce cœur » (Benoît XVI)

Le pape en attendait des fruits copieux pour la gloire de Dieu, le salut des hommes et l’unité des chrétiens. La gloire de l’Assomption rend la Mère « conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs, victorieux du péché et de la mort » (Lumen Gentium §59). Ce don est « une participation singulière à la Résurrection de son Fils et une anticipation de la résurrection des chrétiens » (Catéchisme §966). Depuis, sa gloire anticipe la nôtre. Servante devenue Reine, elle soutient le déploiement de la miséricorde éternelle. Auprès de Dieu, son âme se dilate : « Elle a un cœur aussi large que celui de Dieu, un cœur si grand que toute la création peut entrer dans ce cœur » (Benoît XVI, ibidem). La « Reine élevée aux cieux » renforce l’Église, ravive l’évangélisation.

" Marie lutte avec nous dans le combat contre les forces du mal." (Pape François)

Dans la bataille contre l’impiété, la Mère élevée aux cieux attire vers le haut : elle stimule l’espérance priante, la foi dans les sacrements, les œuvres de miséricorde. Par sa fidélité sont terrassés les dragons prédateurs (Apocalypse 12, 9). « Marie lutte avec nous dans le combat contre les forces du mal. La prière avec Marie, en particulier le Rosaire, a aussi cette dimension ‘agonistique’, qui soutient dans la bataille contre le malin et ses complices » (pape François, Homélie, 15/08/2013).

La Mère glorieuse est un guide sûre vers le bonheur, que la force de la grâce nous garantit dans le clair-obscur de la foi : « cette complexité peut être traversée par le nerf de l’amour de Dieu, par ce câble, robuste et indestructible, qui relie notre vie sur terre à la vie définitive dans la Patrie » (saint Josémaria, Quand le Christ passe §177).

Une flamme d’amour éternel te dérobe à la terre éphémère : Viens, Bien-Aimée !, la Trinité t’attend.

Abbé Fernandez