En 1987, Thierry intègre l’École Navale avec un objectif clair : servir à bord de sous-marins. Affecté à l’issue de sa formation en tant qu’officier mécanicien, il débute une carrière au cours de laquelle, pendant 29 ans, il alternera des périodes d’affectation à terre et des missions embarquées à bord de sous-marins à propulsion diesel puis nucléaire. «Lors de ces missions en mer, nous pouvions, avec mes camarades, rester immergés une dizaine de semaines sans remonter en surface. Des périodes parfois éprouvantes que je n’aurais certainement pas traversées de la même manière si je n’avais pas eu la foi », se souvient-il.
La foi redécouverte
Pourtant cette foi, Thierry ne l’a pas toujours eue. Baptisé enfant, mais ayant grandi dans une famille peu pratiquante, il s’est longtemps défini comme un cartésien dans la vie duquel Dieu n’avait que peu de place. « Pire, j’avais tendance à considérer les croyants comme des personnes irrationnelles », reconnaît-il. C’est au cours de ses études, au contact d’amis engagés dans une vie de foi sincère, solide qu’il commence à s’interroger, à lire les Évangiles et à aller à la Messe régulièrement. Un cheminement spirituel au cours duquel il découvre les écrits de Saint Josémaria et décide de rejoindre l’Opus Dei comme surnuméraire. « Cette foi, redécouverte alors que j’entrais dans l’âge adulte, m’a offert un socle solide dans ma vie personnelle, lorsque je suis devenu père de famille, mais aussi dans ma vie professionnelle de sous-marinier ».
Vivre sa foi… en profondeur !
Comment en effet vivre sa foi dans le huis clos du sous-marin, où l’intimité est réduite et où tous les jours se ressemblent ? Thierry explique que c’est justement là, dans cet environnement contraint, qu’il a eu la chance de toucher du doigt la force de l’abandon en Dieu. «Concrètement, avec les quelques 5 à 10% de croyants qui se trouvaient à bord, nous organisions des assemblées dominicales avec des lectures et des homélies enregistrées par l’aumônier. Ce n’était pas grand-chose, mais c’était là des moments précieux. Personnellement, je veillais par ailleurs à maintenir des temps de prière et d’examen de conscience quotidiens », précise-t-il. Des rendez-vous spirituels qui, se souvient-il, l’ont énormément aidé à structurer ses journées et à trouver la paix quand le poids des jours commençait à se faire sentir.
À l’école de Saint Josémaria
Sa force, dans les moments difficiles, il l’a également puisée dans l’exemple de Saint Josémaria et notamment dans un épisode de la vie de ce dernier qui l’a profondément marqué : lorsque, pendant la guerre civile espagnole, Saint Josémaria a dû se réfugier dans la légation du Honduras. « Avec quelques autres, il y vivait dans des conditions de promiscuité extrême et dans un certain désœuvrement. Pourtant, il a su transformer cette période en opportunité en entretenant une vie spirituelle active, en enseignant, en priant, en apprenant des langues. Même si les circonstances sont différentes, dans un sous-marin on vit un peu la même chose : on ne sort pas, les jours se ressemblent, il faut endurer. M’inspirer de son exemple m’a aidé à rester actif, à maintenir mes pratiques de piété, à ne pas céder au désœuvrement et à vivre l’espérance », explique Thierry.
La force de l’espérance
« J’aime bien cette phrase de Bernanos qui dit que l’espérance est un désespoir surmonté ». Loin de s’apparenter à un optimisme naïf ou superficiel, l’espérance est ainsi avant tout pour Thierry une disposition intérieure à accueillir avec sérénité un avenir que Dieu illumine. « Cela ne veut pas dire que tout est facile mais que, même quand les circonstances pèsent, Dieu est là à nos côtés à chaque instant, et cela change tout, y compris notre rapport aux autres, car une espérance vécue sincèrement est une espérance qui se transmet ».
En effet, comme le rappelle Thierry, les longues heures de quart partagées à veiller avec les collègues étaient souvent l’occasion d’échanges profonds, sur des sujets existentiels et notamment sur la foi. Des échanges qui apaisent et qui créent des liens. « Je me souviens par exemple d’un collègue très anticlérical lorsque je l’ai rencontré qui, au fil du temps et des discussions, a changé de regard, jusqu’à demander le baptême et se marier religieusement quelques années plus tard. Comme quoi, il ne faut jamais désespérer ! », plaisante-t-il. Au-delà de l’anecdote, Thierry précise que vivre l’espérance l’a aidé à envisager sa mission d’officier comme une mission de service. « J’ai toujours eu à cœur de prendre soin de mes subordonnés pour les aider à donner le meilleur d’eux-mêmes, à voir grand et large, en relativisant la portée et la gravité des difficultés, même lorsqu’elles sont bien réelles », conclut-il.