Promouvoir la dignité de chaque personne

À l'occasion de la révision des lois de bioéthique en France et de la publication de l'instruction Dignitiatis Personae, Clotilde médecin clinicienne et membre de l’Opus Dei nous fait part de son expérience et de ses réflexions.

L’Église vient de publier une instruction « Dignitatis personae » qui sera très utile pour le débat qui va s’ouvrir début 2009 en France au sujet des révisions de lois bioéthique. L’avez-vous lue ? Les textes publiés par l’Église sur ces sujets sont-ils importants pour vous ?

Oui, cette instruction fait le point sur les nouvelles questions éthiques qui se posent avec le développement des technologies touchant la procréation et les cellules souches en particulier. Ces techniques offrent des possibilités inimaginables et de vrais espoirs thérapeutiques, mais avec des risques aussi importants de commettre des injustices envers certaines catégories d’êtres humains. Les médecins et biologistes essaient de réfléchir à cela, c’est l’objet des lois de bioéthiques qui vont aussi être réexaminées en France. Savoir ce que dit l’Église est crucial, car on sait que son avis est totalement désintéressé, qu’elle cherche la justice et le bien de toutes les personnes, surtout celles qui ne peuvent pas faire entendre leur voix, comme les enfants à naître, les personnes handicapées mentales, les vieillards, etc…Travaillant pour les personnes handicapées mentales, j’y suis particulièrement sensible.

J’ai trouvé cette instruction très belle, car elle nous rappelle que chaque être humain est vraiment unique, irremplaçable, dès le début de sa vie. On ne peut donc pas raisonner d’abord en terme de pourcentage d’efficacité de telle ou telle technique d’assistance à la procréation, ou de thérapie cellulaire, car derrière, il y a des êtres humains, avec une égale dignité et qui ont les mêmes droits fondamentaux, que l’on soit un embryon, un malade, un parent ou un chercheur.

Quels sont selon vous le enjeux de l’enseignement de l’Église ? Comment les vivez-vous concrètement dans votre travail et vos recherches actuelles ?

L’enjeu fondamental de l’enseignement de l’Église, c’est la dignité inconditionnelle de chaque personne humaine, au-delà de toutes les catégories: âge, sexe, santé, niveau intellectuel, etc…Certaines de ces techniques nouvelles sont dangereuses, et même mortelles pour certains êtres humains, et elles banalisent une forme de discrimination et de domination injuste de certains hommes sur d’autres.

La stérilité et les maladies héréditaires sont des grandes souffrances ; l’enseignement de l’Église, c’est toujours à la fois un appel à reconnaître la très grande valeur de chaque personne, et donc à ne pas lui nuire (ce qui est aussi un principe médical de base !), et en même temps un appel à s’engager au service des personnes et leur familles qui sont touchées par ces souffrances : on ne peut pas laisser les gens seuls dans ces épreuves ; je pense que c’est très important pour les parents des enfants handicapés mentaux que nous voyons en consultation de savoir que même si on ne guérit pas telle maladie génétique, les médecins vont donner les meilleurs soins à leur enfant sans arrière-pensée, et qu’on continue à chercher, même si la recherche est longue et ardue.

Vous êtes également engagée dans l’Opus Dei. Votre vocation dans cette institution vous soutient-elle pour vivre les exigences de votre métier ?

Je trouve que le fondateur de l’Opus Dei a imité de façon particulièrement frappante, et émouvante pour le médecin que je suis, l’amour du Christ pour les malades : ils ont eu certainement une des premières places dans son cœur et dans sa vie : jeune prêtre, il a passé des années à visiter des malades pauvres, incurables et contagieux (la tuberculose n’était pas curable) dans les hôpitaux surpeuplés et vétustes du Madrid des années 30. Il leur apportait non seulement une assistance spirituelle à toute heure du jour et de la nuit, mais il les servait aussi avec joie jusque dans les détails très matériels (couper les ongles, vider les crachoirs, etc…). Il a appris aux fidèles de l'Opus Dei à faire de même : soigner les malades avec le plus grand soin des détails matériels, la plus grande rigueur professionnelle, et la plus grande affection et délicatesse : parce que chaque personne est unique, créée et aimée par Dieu, et mérite le meilleur, surtout quand elle est affaiblie par la maladie, dépendante, souffrante.

C’est une grande exigence ! Mais on comprend que c’est comme cela qu’on doit traiter chaque personne, car c’est comme ça qu’on voudrait qu’on nous soigne.

Votre formation dans l’Opus Dei vous aide-t-elle à comprendre les enseignements de l’Église ?

On ne comprend pas toujours tout d’un coup, car certaines situations médicales sont si douloureuses qu’on peut être tenté de trouver des accommodements ! Mais c’est vrai que j’ai appris à faire confiance à l’Église, parce que ses conseils et avertissements, ce n’est pas l’avis de telle personne, ou tel Comité mais une lumière que Dieu nous donne pour être vraiment heureux. D’un simple point de vue humain, on voit que l’Église catholique est peut-être le seul lieu au monde où la vie humaine est défendue et protégée de manière inconditionnelle, ce qui est rassurant ! Et elle est, depuis 2000 ans qu’elle existe, « experte en humanité », car le fond des problèmes humains ne change pas vraiment, même si les techniques évoluent. Avec l’expérience, on constate aussi qu’en demandant de ne pas utiliser certaines techniques, ce qui peut paraître dur à première vue, non seulement l'Église nous garde de commettre des injustices, mais elle nous protège de désillusions et de souffrances plus grandes parfois que celles qu’on veut combattre.

On présente assez souvent l’enseignement de l’Église de façon négative, caricaturale et rétrograde ; la formation reçue dans l’Opus Dei aide aussi à comprendre le caractère toujours positif de cet enseignement : Saint Josémaria disait : « il ne s’agit pas d’être contre quoi que ce soit ; il s’agit de trouver des solutions positives… ». C’est un appel à s’engager avec les gens qui souffrent, pour essayer de trouver des bonnes solutions. En fait, je crois que les exigences morales font toujours progresser la médecine.