Opus Dei / Da Vinci, une communication réussie

Dans un dossier sur la communication de crise, la revue SERVITEUR interroge Arnaud Gency sur la façon dont l'Opus Dei en France a réagi à la sortie du film "Da Vinci Code".

Arnaud Gency

Face au succès planétaire du Da Vinci Code, l’Opus Dei s’est interrogé sur l’attitude à adopter. Pour contrer les affirmations mensongères du roman et faire découvrir la réalité de l’Œuvre, l’Opus Dei a mis en place une véritable stratégie de communication à l’échelle internationale. Arnaud Gency, Directeur du service Information-Communication de l’Opus Dei en France revient sur les moments clés de cet événement hors du commun.

SERVITEUR : Comment l’Opus Dei a-t-il réagi en réalisant le succès du Da Vinci Code ?

Arnaud Gency : Nous n’avions pas imaginé que ce roman aurait un tel succès ! Face à l’évidence, Juan Manuel Mora – Directeur du département Communication de l’Opus Dei – a convoqué à Rome les responsables de la communication pour élaborer une stratégie. Trois possibilités s’offraient à nous : celle du silence, celle de l’action en justice pour diffamation, et celle de la communication. C’est le prélat de l’Opus Dei qui a tranché et décidé de proposer à l’ensemble de l’Œuvre de réagir à ce film par la communication.

S : Dans quelle mesure peut-on dire que l’on était en situation de « crise » ?

A.G. : Tout simplement parce que le roman et le film présentent une image faussée du christianisme. Ils affectent les chrétiens, et plus spécifiquement les catholiques, ainsi que l’Opus Dei. L’autre élément important était celui du temps. Il a fallu réagir très vite. Une fois le film sorti (le 17 mai), nous n’étions plus du tout d’actualité ; donc, du jour au lendemain, plus du tout sollicités par les médias !

S : Une fois le diagnostic établi, quels objectifs vous êtes vous fixés ?

A.G. : Nous avons identifié deux objectifs principaux. Nous souhaitions demander respectueusement à Sony que par une décision libre, et non en vertu de pressions ou de menaces, il évite d’offenser les chrétiens. Nous voulions également saisir l’opportunité de la sortie du film et profiter de ce « moment d’exposition » pour communiquer largement sur la réalité du Christ et de l’Eglise. Il s’agissait véritablement d’un appel à l’apostolat, à la mission.

S : Estimez-vous que ces objectifs ont été atteints ?

A.G. : Sony n’a pas souhaité nous rencontrer personnellement et n’a pas accédé à notre demande de prévoir au début du film un écriteau « disclaimer » ou avertissement. Leur « réponse » a été indirecte. En effet, les chrétiens s’étant mobilisés en masse aux USA, Sony a craint le boycott. Nous avons su qu’il avait fait appel à des conseillers en image et pris des mesures pour ne pas être mis au ban par les consommateurs… Le deuxième objectif a donné lieu à une opération géante d’apostolat. Nous avons opté pour la transparence et privilégié le témoignage et la rencontre. Plusieurs centres ont ouvert leurs portes aux journalistes et les membres de l’Opus Dei ont pu témoigner de ce qu’ils y vivaient. Chaque fois qu’un journaliste me le demandait, j’ai fait en sorte qu’il puisse établir des contacts, rencontrer des personnes de l’Œuvre disponibles et avoir accès à l’information dont il avait besoin.

S. : On comprend bien ce choix de transparence. Pourquoi avoir pendant si longtemps subi une image « noire » sans réagir ?

A.G. : Pendant longtemps nous avons privilégié (selon l’esprit de notre fondateur Saint Josémaria Escriva) une attitude silencieuse de charité et de discrétion. Introduire des journalistes dans nos centres (comme nous l’avons expérimenté à plusieurs reprises), c’était encourager un voyeurisme très désagréable pour nous. Puis nous avons réalisé que la société dépendait énormément des médias et que tout silence était interprété comme une dissimulation. Ces rumeurs et ces attaques ne se tairaient donc pas seules... Nous avons alors commencé à être plus transparents. L’enquête approfondie menée par John Allen au sein de l’Œuvre pour son livre Opus Dei, au-delà des mythes** contribue à assainir notre image, tout comme le livre de Patrice de Plunkett, Opus Dei, enquête sur le « monstre »***.

S. : Que retirez-vous de cette expérience à titre personnel ?

A.G. : Ces périodes de communication de crise sont épuisantes ! Il faut être à 100% tout le temps de la crise, et du jour au lendemain plus rien ! Il faut anticiper cette période plus calme car une fois « l’orage » passé on risque la déprime. J’avais déjà vécu une période très intense au moment de la canonisation de Saint Josémaria Escriva en 2002, ce qui m’a permis d’aborder la « vague du Da Vinci » plus sereinement. Sur le plan professionnel, j’ai beaucoup appris sur la façon de recevoir les journalistes, de leur répondre, de « bien passer » à la télé ou à la radio. Face à ce type d’événement, il faut allier les qualités techniques à la prière… 

* SERVITEUR est le journal des bénévoles et des salariés des institutions chrétiennes. Il fait découvrir la diversité des institutions chrétiennes et donne des pistes concrètes pour renforcer son professionnalisme. Cette revue est publiée par Ecclésia RH; plate-forme de services en gestion des Ressources Humaines destinée à l’univers confessionnel (www.ecclesia-rh.com).

 

** traduction française : Opus Dei. Un regard objectif sur les mythes et les réalités de la puissance la plus mystérieuse de l’Eglise catholique, de John L. Allen. Editions Stanké

*** Presses de la Renaissance

    Claire Van Parys, Serviteur, octobre 2006