- Aller à la racine de nos actions
- Nous parlons de ce que nous portons dans le cœur
- Bâtir sur le rocher qu’est le Christ
UN BON NOMBRE d’images que Jésus utilise dans sa prédication sont tirées d’expériences courantes de la vie quotidienne, aussi sont-elles très expressives pour transmettre puissamment son enseignement. De la sorte, les paroles du Maître se gravaient facilement dans la mémoire de ceux qui l’écoutaient ; de retour chez eux, ils s’en souvenaient probablement et les répétaient ensuite parmi leurs amis. Aujourd’hui, l’Église nous offre deux de ces images : celle de l’arbre portant de bons ou de mauvais fruits, et celle de la maison bâtie sur le roc ou sur le sable.
« Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces » (Lc 6, 43-44). Le fruit vient de l’intérieur de l’arbre, des racines, de la sève qui arrose le tronc et les branches. Par cette comparaison, Jésus nous invite à regarder à l’intérieur de notre cœur pour découvrir les véritables motivations de nos actions. C’est précisément là, dans nos dispositions les plus profondes, que nous pouvons le mieux connaître les raisons de telle ou telle réaction.
« Notre prochain voit ce que nous faisons, mais il ne voit pas pourquoi nous le faisons, seul Dieu est notre témoin […]. Je ne peux pas lire dans votre cœur, disait saint Augustin, mais Dieu qui sonde le cœur sait ce qu’il y a dans l’homme » [1]. La noblesse de notre cœur est la clé pour déterminer le bien qui existe dans notre vie. Un regard superficiel ou extérieur, qui ne reste que dans le « j’ai fait ceci » ou « je n’ai pas fait cela », ne trouve pas toujours ce qui nous motive vraiment. Nous devons creuser davantage pour découvrir les racines du bien ou du mal, avec la tranquillité d’esprit de savoir que Dieu nous connaît parfaitement et nous accompagne dans cette tâche.
DANS LE LANGAGE de la Sainte Écriture, le cœur est le lieu des décisions ; c’est là que se forgent silencieusement nos actions. Le cœur étant le siège de notre affectivité, c’est là que nos sentiments cristallisent ; et, précisément pour cette raison, c’est le lieu où convergent l’extérieur et l’intérieur. Le cœur ressent, mais précisément parce que ce sentiment se réfère à quelque chose d’extérieur, il s’ouvre à un processus de connaissance et de compréhension : c’est le noyau le plus profond de la personne. C’est pourquoi Jésus dit : « L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais » (Lc 6, 45).
À la lumière de ces paroles du Christ, nous pouvons demander au Seigneur, comme l’a fait saint Josémaria, « qu’il nous accorde un cœur bon, capable de sentir s’éveiller en lui la compassion à l’égard des peines des créatures » [2], capable d’aimer et de choisir le bien dans notre vie et de le favoriser dans celle de ceux qui nous entourent. « Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit », disons-nous avec le psalmiste (Ps 50,12). Ce cœur nouveau, qui est fait de chair et non de pierre (cf. Ez 36, 26), est avant tout un don, un don de Dieu. Mais, en même temps, nous devons être attentifs à corriger notre orientation lorsque nous constatons que nous nous écartons du bien, à redresser avec humilité nos intentions moins droites.
Une façon concrète de nous examiner peut être de nous rappeler les sujets les plus fréquents de nos conversations, car, comme Jésus l’ajoute, « ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur » (v. 45). Quelle sagesse et quel portrait précis de notre vie nous offre cette phrase du Seigneur ! Lorsque nos paroles sont généralement bienveillantes, cela signifie que notre cœur est plein de bonté, et que celle-ci ressort, donnant lumière et espoir. Si, au contraire, la plainte ou le reproche viennent facilement, peut-être manquons-nous de joie et de liberté intérieure, ou peut-être une certaine amertume s’est-elle déposée dans notre cœur. Nos conversations nous donnent des indices pour découvrir comment va notre cœur : voilà une façon pratique possible de nous examiner.
« QUICONQUE vient à moi, écoute mes paroles et les met en pratique, je vais vous montrer à qui il ressemble. Il ressemble à celui qui construit une maison. Il a creusé très profond et il a posé les fondations sur le roc. Quand est venue l’inondation, le torrent s’est précipité sur cette maison, mais il n’a pas pu l’ébranler parce qu’elle était bien construite » (Lc 6, 47-48). Dans cette comparaison, Jésus transmet peut-être une expérience qu’il a vue ou vécue de première main : le futur d’un bâtiment dépend de ses fondations. La maison ne résistera aux intempéries de la nature que si ses piliers reposent sur un roc solide. En revanche, si pour des raisons de commodité ou de trop grande hâte, la maison n’a pas été bâtie sur un terrain solide, la ruine viendra à la moindre difficulté.
« Que signifie construire la maison sur le roc ? Construire sur le roc signifie, avant tout, construire sur le Christ et avec le Christ. […] Cela signifie construire avec quelqu’un qui, nous connaissant mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes, nous dit : “Tu as du prix à mes yeux, tu as de la valeur et je t’aime” (Is 43,4). Cela signifie construire avec quelqu’un qui est toujours fidèle, même si nous échouons dans la fidélité, car il ne peut pas se renier lui-même (cf. 2 Tim 2, 13). Cela signifie construire avec quelqu’un qui se penche constamment sur le cœur blessé de l’homme et dit : “Je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus” (cf. Jn 8,11). Cela signifie construire avec quelqu’un qui, du haut de la croix, tend les bras pour répéter pour l’éternité : “Je donne ma vie pour toi, homme, parce que je t’aime” » [3].
Jésus nous propose un itinéraire en trois étapes : venir à lui, l’écouter et vivre de ses paroles. Nous pouvons faire appel à l’aide de la Vierge Marie dans ce cheminement : comme elle, nous voulons construire notre maison sur le roc, afin que le Verbe incarné puisse y habiter ; comme notre Mère, nous voulons garder la Parole de Dieu dans nos cœurs afin qu’elle imprègne toute notre vie, de nos dispositions les plus profondes à nos actions extérieures.
[1]. Saint Augustin, Sermon, n° 179.
[2]. Saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 167.
[3]. Benoît XVI, Rencontre avec des jeunes, 27 mai 2006.