L’épopée de l’espérance

Les Mages, guidés par l’étoile jusqu’à Bethléem, ouvrent la voie vers ce Dieu lumineux, qui se laisse trouver par ceux qui le cherchent avec un cœur sincère. La science fut pour les mages le prélude de la foi.

Une pluie meurtrière d’obus, tombée sur la Bibliothèque de Strasbourg en 1870, anéantit le précieux manuscrit alsacien de Herrade de Landsberg, abbesse de Hohenburg (au mont Sainte-Odile), intitulé Le jardin des délices (XIIe siècle). Heureusement des copies ont sauvé une partie de ses 300 enluminures (©Gallica) : plusieurs montrent, avec vivacité de formes et couleurs, la visite des « rois mages » à l’Enfant Jésus : les savants scrutent le firmament, interrogent Hérode, se prosternent devant le Sauveur, sont avertis par l’ange et choisissent une voie dérobée pour rentrer au pays.

Ces savants avaient dans le cœur, comme jadis Abraham, la conviction d’un Dieu vivant. Passionnés par la création, ils avaient entrevu le Créateur souverain. « Nous ne sommes plus esclaves de l'univers et de ses lois, nous sommes libres. Dans l'antiquité, une telle conscience a déterminé les esprits sincères qui étaient en recherche. Le ciel n'est pas vide. La vie n'est pas un simple produit des lois et des causalités de la matière, mais, en tout et au-dessus de tout, il y a une volonté personnelle » (Benoît XVI, Sauvés par l’espérance §5).

« La vie n'est pas un simple produit des lois et des causalités de la matière, mais, en tout et au-dessus de tout, il y a une volonté personnelle » (Benoît XVI)

Leur science n’était pas une ambition orgueilleuse mais une recherche humble, qu’ils voulaient mettre au service de leurs frères ; les fatigues de l’observation minutieuse, les calculs et les registres des données, les efforts pour tirer des conclusions… tout était orienté à la gloire de Dieu et au service de leur proches. Le labeur de l’intelligence était ouvert à la vérité, à la beauté du crée et au bien de l’humanité. Dieu n’a pas oublié de récompenser ses efforts. Une lueur inattendue devint signe du Créateur.

Dieu est lumineux et il peut être trouvé aussi par ceux qui le cherchent avec un cœur sincère.

L’étoile se percha en pleine nuit sur la voûte céleste. Les spécialistes l’observèrent étonnés. Silencieux, l’astre de l’orient devint éloquent. Il apporta une inspiration puissante, venue du Seigneur qui gouverne les cieux. « L’homme religieux cherche à reconnaître les signes de Dieu dans tout le mouvement du cosmos. Dieu est lumineux et il peut être trouvé aussi par ceux qui le cherchent avec un cœur sincère. L’image de cette recherche se trouve dans les Mages, guidés par l’étoile jusqu’à Bethléem (Matthieu 2, 1-12). Pour eux, la lumière de Dieu s’est montrée comme chemin » (pape François, La lumière de la foi §35).

Éclairée par la foi, la raison reflète, comme un miroir, la Sagesse des origines

Cet indice visible, appuyé par les traditions juives et l’inspiration intérieure, devint preuve. Les yeux et les cœurs s’éclairèrent : Dieu révèle un Roi qui s’est rapproché de la terre. La science fut pour les mages le prélude de la foi, comme un contrepoint harmonieux. « La lumière humaine ne se dissout pas dans l’immensité lumineuse de Dieu, comme si elle était une étoile engloutie par l’aube, mais elle devient plus brillante » (ibidem). Éclairée par la foi, la raison reflète, comme un miroir, la Sagesse des origines ; la volonté est attirée par un aimant décisif.

L’étoile, comme un premier évangile, déclenche une épopée de foi : les étrangers se savent appelés sur terre par le Roi divin et ils le cherchent avec sérieux. En route vers la Judée lointaine, le dur pèlerinage vaut bien sa peine. L’année jubilaire convoque les « pèlerins de l’espérance » à se mettre en route vers le Sauveur. Une quête de sa miséricorde, mise en mouvement par l’espérance du pardon radical ; l’indulgence plénière proposée par l’Eglise, en vertu des mérites du Christ, est à la portée de tous.

La vie du chrétien est pèlerinage en quête du visage du Roi. « Une foi comme celle des Rois Mages : la conviction que ni le désert, ni les tempêtes, ni la tranquillité des oasis ne nous empêcheront de parvenir à ce Bethléem éternel qu'est la vie définitive avec Dieu » (saint Josémaria, Quand le Christ passe §32). Le chemin commencé par la foi, se déploie dans l’espérance qui ne déçoit personne. Malgré les obstacles, la certitude guide sans faille vers la maison de Dieu.

Abbé Fernandez