"Vous êtes la lumière du monde " (Mt 5, 14).
Chers frères et sœurs :
En écoutant ces paroles du Christ adressées aux disciples et qui nous ont été annoncées aujourd'hui, la peur nous a presque saisis. Nous aimerions répondre immédiatement au Maître : c’est Toi qui est la lumière du monde ! De fait, nous pensons à ce qu'Il a dit de Lui-même : "Je suis la lumière du monde... celui qui me suit... aura la lumière de la vie " (Jn 8, 12). Cependant, cette page de l'Évangile nous rappelle que le Christ nous dit que, nous aussi, nous sommes lumière dans le monde, parce que nous l'avons reçue de Lui, qui est venu dans le monde non seulement pour "être la lumière", mais pour "donner la lumière", pour la communiquer à l’intelligence et au cœur de ceux qui croient en Lui. C'est précisément ce que Jésus attend de nous lorsqu'il dit : "Vous êtes la lumière du monde". Et il ajoute : "On ne peut pas cacher une ville perchée au sommet d'une montagne. On n'allume pas non plus une lampe pour la mettre sous un boisseau, mais pour la mettre sur un chandelier qui éclaire tous ceux qui sont dans la maison " (Mt 5,14-15).
Nous avons donc une tâche à accomplir. Nous avons une responsabilité pour le don reçu : la responsabilité de la lumière qui nous a été transmise. Nous ne pouvons pas nous l'approprier et la garder pour nous seuls. Nous sommes appelés à la communiquer aux autres, à la donner ; nous devons la faire briller "devant les hommes" (v. 16).
La bienheureuse Guadalupe était consciente de cette vérité. Elle est pour nous un modèle pour savoir comment montrer cette lumière qu'est le Christ et comment la transmettre à nos frères. Nous sommes devant une femme dont la vie n'a été éclairée que par la fidélité à l'Evangile. Personnalité riche et perspicace, elle a été une lumière pour ceux qu'elle a rencontrés tout au long de sa vie, faisant preuve de courage et de joie de vivre, fruit de son abandon à Dieu, à la volonté duquel elle s'est conformée jour après jour, et dont la découverte a fait d'elle un témoin courageux pour annoncer la parole de Dieu. La source de la fécondité de sa vie chrétienne a été son union intime et constante avec le Christ. Depuis qu’elle était jeune fille, son dialogue avec Dieu était continuel, en particulier à travers une vie sacramentelle intense et des temps de recueillement prolongés : la Sainte Messe et la confession étaient les piliers de sa vie spirituelle. La récitation du chapelet, récitée avec une grande dévotion, était le signe évident de son lien profond avec la Mère de Dieu, à l'intercession de laquelle elle avait l’habitude de se confier. Guadalupe a parcouru un chemin de prière complète et mûre, qui l'a conduite à expérimenter d'une manière profonde et mystique la présence du Seigneur et son amour miséricordieux. En effet, de la contemplation du Mystère pascal jaillissait la lumière de la vérité qui guidait ses pas. La même lumière l'a transformée en une "lampe" placée "dans le chandelier et qui éclaire tous ceux qui sont dans la maison" (v. 15).
La croix n'a pas tardé à faire irruption dans sa vie. Dans la terrible période de la guerre civile, elle accepta avec une force héroïque, fruit d'une foi, d'une espérance et d'une charité également héroïques, l'exécution tragique de son père, les dangers du conflit armé, l’éloignement de Madrid, la pauvreté et l'interruption de ses études. Au milieu de tant de déserts spirituels et matériels, a eu lieu la rencontre qui allait bouleverser son existence. Touchée par la « grâce » qu'elle a expérimentée lors d'une messe dominicale, elle a senti le désir de rencontrer quelqu'un qui puisse l'aider à trouver des réponses plus profondes à ses besoins spirituels, et c'est ainsi que, à travers un ami, elle est entrée en contact avec le fondateur de l'Opus Dei. La rencontre a été un pas décisif vers une vie de don total à Dieu. Incorporée à l'Œuvre, elle s'est montrée disponible, avec enthousiasme et générosité, pour communiquer à tous et partout la joie de la découverte de la "perle précieuse", celle de l'Évangile, et elle a commencé à développer un apostolat intense dans différents lieux, renforçant facilement et partout les liens d'amitié avec les jeunes, qui ont été édifiés en voyant sa foi, sa piété, sa charité et sa joie saine et contagieuse. Elle avait déjà compris que l'union avec Dieu ne pouvait se limiter aux moments de prière dans une chapelle, mais que toute la journée se présentait comme une occasion d'intensifier ses rapports avec le Seigneur. Une de ses caractéristiques spirituelles était de transformer tout ce qu'elle faisait en prière. A cet égard, elle aimait à répéter qu'il fallait "marcher les pieds sur terre, mais toujours regarder vers le ciel, afin de voir plus clairement ce qui se passe à côté de nous" (Informatio, Sec. II, Documented Biography, p. 46).
Lorsque le fondateur, Escrivá de Balaguer, lui demanda si elle était prête à aller au Mexique pour implanter l'Œuvre, elle accepta immédiatement et avec joie. Elle n'avait d'autre intérêt que d'être un instrument docile entre les mains de Dieu. Afin de surmonter des difficultés familiales compréhensibles et de se préparer spirituellement pour accomplir tout ce que Dieu lui demandait, elle a eu recours à Notre Dame de Guadalupe. Au Mexique, son travail apostolique était fondé sur l'amour de Dieu, qui se traduisait par une vie de piété et d'abandon entre ses mains et par un zèle missionnaire ; elle se préoccupait avant tout de la bonne formation des nouvelles vocations ; elle insistait sur la nécessité de persévérer ; son esprit de prière, de sobriété et de pénitence étaient édifiants ; il était évident qu'elle travaillait seulement pour la gloire de Dieu et pour l'expansion de son Royaume.
Destinée à Rome, avec des responsabilités de gouvernement, elle était obéissante, humble et joyeuse comme toujours, se consacrant au travail de bureau et à la prière. Après son retour en Espagne, elle a repris les tâches d’enseignement et de formation des jeunes de l’Œuvre. C’était le moment d’un engagement décidé, constant, généreux et joyeux pour vivre l’Evangile, de manière chaque fois plus radicale. C'était une réponse consciente à l'amour de Dieu, dont elle se sentait revêtue, surtout dans les moments les plus tragiques de son existence, avec la résolution d'être sainte et, suivant la spiritualité de l'Opus Dei, animée par un fort désir d'impliquer le plus grand nombre possible de frères et sœurs dans la même aventure.
La bienheureuse Guadalupe a su être, en toutes circonstances, un don pour les autres, en prenant soin de la formation des étudiantes et en se consacrant à la recherche scientifique afin de promouvoir le progrès de l'humanité. De plus, son cœur était toujours ouvert aux besoins de son prochain, ce qui se traduisait par une attitude d'accueil et de compréhension. Elle s'est révélée être une femme forte en toutes circonstances. Sa force d’âme était particulièrement évidente dans les difficultés, dans l'accomplissement de nouvelles œuvres apostoliques, dans l'évangélisation aux périphéries et, surtout, dans le fait de savoir accepter patiemment les souffrances physiques qui ont sérieusement conditionné sa vie quotidienne. Elle a su tout accepter sans réserve et sans lamentations, transformant la maladie en une offrande précieuse au Très-Haut et en une occasion d'union profonde avec le Crucifié.
La nouvelle bienheureuse nous communique à nous, chrétiens d'aujourd'hui, qu'il est possible d'harmoniser la prière et l’action, la contemplation et le travail, selon un style de vie qui nous conduit à avoir confiance en Dieu et à sentir que nous sommes une expression de sa volonté, qui doit être vécue en tout temps. En outre, elle nous enseigne que posséder la capacité d'écoute et une attitude toujours joyeuse, même dans les situations les plus douloureuses, est beau et attirant. María Guadalupe se présente ainsi sous nos yeux comme le modèle d'une femme chrétienne toujours engagée là où le dessein de Dieu l'a voulu, surtout dans la vie sociale et la recherche scientifique. En définitive, elle a été un don pour toute l'Église et c'est un précieux exemple à suivre.
Sa richesse de foi, d'espérance et de charité est une admirable démonstration de ce que le Concile Vatican II a affirmé sur l'appel de tous les fidèles à la sainteté, précisant que chacun poursuit ce but "en suivant sa propre voie" (Lumen gentium, 41). Cette indication du Concile trouve aujourd'hui une réalisation accomplie avec la béatification de cette femme. Nous avons recours à sa prière et à son intercession pour être toujours meilleurs témoins de la lumière du Christ et des lampes qui illuminent les ténèbres de notre temps.
Oui, invoquons-la : Bienheureuse Guadalupe, prie pour nous !