Comment se traduit votre appartenance à l'Opus Dei dans votre vie de tous les jours ?
Ma vocation dans ma vie de tous les jours se traduit par différentes attitudes et manières de percevoir les personnes ou les situations. J'essaie de traduire dans ma vie quotidienne l'esprit de l'Opus Dei dont l'un des piliers est la filiation divine. Par exemple en tant que professeur enseignant dans une banlieue populaire de Lyon, je rencontre de nombreux élèves qui connaissent de réelles difficultés : tentative de suicide, mal être, sans-papiers, famille éclatée ou dictant le comportement comme le mariage forcé...
Ce sont des situations qui sont très touchantes et à chaque fois que j'en rencontre une, je prie pour l’élève et si j'en ai l'occasion je le lui dis. Lors des contrôles, les élèves sont plus calmes et je peux en profiter pour parler à Dieu de leur situation...
N’est-ce pas compliqué d’enseigner aujourd’hui dans une banlieue difficile ? Comment votre foi et votre vocation vous aident-elles dans votre mission d’enseignement ?
Les élèves de banlieue ont besoin de plus d'aide et d'encadrement que les autres. Les situations familiales sont plus difficiles et les parents se reposent un peu sur nous pour donner des repères à leurs enfants. Cette charge qui pèse sur nos épaules est très fatigante et occupe beaucoup de notre temps d'enseignement. Il arrive que des professeurs craquent ou abandonnent cet aspect de leur métier, mais alors ce n'est plus possible de faire cours.
Pour ma part, je me dis que c'est ici que Dieu m'a placée et que je vais me sanctifier avec toutes ces contraintes. Les élèves demandent des repères. Il faut leur en donner et être constant dans ce que l'on dit ou fait.
L'esprit de l'Opus Dei m'aide puisque les repères dont je vous parle sont de "petites choses" : dire bonjour, laisser sa chaise et sa table propres, parler poliment, être honnête, accepter la punition si on a fait une bêtise... Cela à chaque heure et tout au long de l'année. J'essaie aussi d'être attentionnée avec les élèves. Quand l'un d'eux a été absent, je lui demande des nouvelles quand il revient... Rien d'extraordinaire, et de nombreux professeurs le font mais pour moi, c'est mon chemin de chrétienne qui m'aide à me rapprocher des autres et de Dieu.
Le Pape Benoit XVI relayé en cela par le Prélat de l’Opus Dei, met l’accent sur la nécessité pour les chrétiens de s’engager dans l’évangélisation. Vous développez en ce domaine des initiatives originales ; pouvez-vous nous en parler ?
Ce qui est bien, chez les élèves de banlieue c'est qu'une fois qu'ils vous connaissent et qu'ils ont vu ce que vous aviez dans le ventre - ils vous testent « un max » pendant les deux premières années - ils vous font vraiment confiance. C'est cela que j'apprécie. On peut parler de beaucoup de choses avec eux et ils sont toujours très naturels.
Du coup je profite de ces relations de confiance pour leur parler de la vie et notamment des relations filles/garçons dans tous ses aspects. Je fais ça à l'occasion de la « journée de la femme » où avec la documentaliste, nous accrochons des panneaux d'une exposition réalisée par une association de défense de la femme. Ma collègue se charge de leur expliquer ce que dit la loi à propos, du viol, du mariage forcé... Et moi, je développe plus l'aspect relation fille/garçon au quotidien.
Ces cours concernent pour l'instant les élèves de 3ème. Nous mettons les filles ensemble et les garçons dans un autre groupe, pour que la parole soit la plus libre possible. Nous abordons les thèmes du respect de son corps et de sa valeur, des manières d'être avec les garçons, de la cohabitation... Bref il n'y a aucun tabou et je donne mon avis en toute simplicité. Les élèves sont au début très intimidés parce que je suis leur professeur et que ces questions sont tabou dans leur famille... Les garçons, pour me déstabiliser au début de la séance, emploient des mots très crus et vulgaires mais comme je réponds dans leur langage, la discussion peut avoir lieu !
Le programme officiel prévoit que ces cours durent une semaine mais bien souvent les élèves poursuivent encore une ou deux heures en classe. Je fais tout cela pour mes élèves et les adultes du collège qui, curieux, s'installent discrètement au fond du CDI, quand j'aborde des sujets sur la sexualité. C'est l'occasion d'avoir également des discussions avec les profs.
Comment réussissez-vous à » passer un message » aux jeunes de banlieue avec lesquels vous travaillez ?
Beaucoup de mes cours sont une occasion pour parler des valeurs de la vie, de la vérité, des religions, de Dieu, de l'Église. Pour les élèves de 5ème, on visite des églises et je leur explique les sacrements des catholiques. Le sacrement de réconciliation les marque beaucoup, surtout le confessionnal car ils en voient dans les films. Ils se rendent compte que les catholiques existent encore en 2008 ! Bref, les programmes d'histoire, géographie et éducation civique sont plein de richesses. C'est à moi de me creuser la tête pour en tirer le meilleur pour les élèves