DIRECTION SPIRITUELLE

1. Dans l’Église comme famille des enfants de Dieu dans le Christ. 2. Vers la sainteté. 3. Liberté et responsabilité.

1. Dans l’Église comme famille des enfants de Dieu dans le Christ.
2. Vers la sainteté.

3. Liberté et responsabilité.

La direction spirituelle est comprise comme l’ensemble des aides que les fidèles reçoivent sur leur chemin vers la sainteté chrétienne. Parmi ses nombreuses modalités, il y en a une, collective, qui est exercée par le Pape et les autres évêques à travers des lettres pastorales, des exhortations, des homélies, etc., et les prêtres lorsqu’ils prêchent la Parole de Dieu. Le sens le plus courant, cependant, est celui de la direction spirituelle personnelle, qui est celle qui est transmise individuellement, de personne à personne, avec des orientations et des conseils. Saint Josémaria l’a exercée pendant des années et avec toutes sortes de gens. Il consacre le deuxième chapitre de Chemin à ce sujet, et y revient en parlant de la sincérité et d’autres vertus (cf. AD 15-17 & 50-88). À de nombreuses reprises, lorsqu’il aborde le sujet, il se réfère à la mission de l’Opus Dei, qui offre « fondamentalement, une direction spirituelle à ses fidèles et aux autres personnes qui la demandent » (Echevarría, Lettre pastorale, 2-X-2011, no 15). En même temps, il développe des idées parlantes pour comprendre la direction spirituelle dans toute l’Église.

Saint Josémaria voit en celui qui exerce une direction spirituelle personnelle un « instrument » de Dieu qui est celui qui donne la croissance (cf. 1 Co 3, 7-9). C’est l’Esprit Saint qui « doit te sanctifier » (C 57) : « Le modèle est Jésus-Christ ; celui qui modèle est le Saint-Esprit, par la grâce » (Lettre 8-VIII-1956 ,no 37 : AGP, série A.3, 94-1-2). La terminologie « accompagnement spirituel », qui s’est répandue au XXe siècle, reflète cette primauté de la grâce, bien que saint Josémaria ait continué à utiliser le terme traditionnel. « Il faut beaucoup d’obéissance à son directeur et beaucoup de docilité à la grâce. — Car si on ne laisse pas agir la grâce de Dieu et le directeur, jamais n’apparaîtra la sculpture, l’effigie de Jésus, que devient le saint » (C 56). Cette grâce est une participation à la vie de Jésus-Christ qui, dans l’Eucharistie « fait de nous cor unum et anima una (Ac 4, 32), un seul cœur et une seule âme ; qui fait de nous une famille, l'Église » (Entretiens 123).

Saint Josémaria comprend la direction spirituelle dans le cadre de l’Église en tant que famille des enfants de Dieu, sous la perspective de l’appel universel à la sainteté. Parmi ses caractéristiques essentielles figure celle de la promotion de la liberté et de la responsabilité personnelles, en vue de la croissance authentique de la personnalité.

1. Dans l’Église comme famille des enfants de Dieu dans le Christ

La considération de l’Église en tant que famille est l’une des clés de l’interprétation de la doctrine de saint Josémaria sur la direction spirituelle personnelle des âmes et entraîne certaines conséquences nées de son expérience. En tant que jeune prêtre, il développait une activité pastorale centrée sur l’attention portée aux premiers fidèles de l’Opus Dei et à la jeunesse en général : il s’agissait de discussions et de conversations de direction spirituelle, en dehors de la confession. Il qualifiait ces entretiens de « confidence » et commentait qu’ils étaient nés spontanément, sans effort « avec le naturel avec lequel coule une source ». Dans cette atmosphère de fraternité chrétienne, de famille, en aimant les personnes avec ce cœur proverbial de père et de mère qui le caractérisait, il aidait chacun à chercher, à trouver et à aimer le Christ (cf. C 382). Saint Josémaria ajoutait que cela ne s’était pas développé dans l’Opus Dei sans une assistance particulière de l’Esprit Saint, en tant que phénomène à la fois existentiel et charismatique, cohérent avec la réalité de l’Œuvre en tant que « famille d'enfants de Dieu en son Église » (Entretiens 113), où se transmet un esprit de sanctification du travail professionnel et des activités de la vie quotidienne. Bien sûr, sa doctrine sur la direction spirituelle se rattache à ce qu’il avait appris et vécu au séminaire et, dans un sens plus large, à la tradition de l’Église, mais en la faisant revivre selon son expérience personnelle, lorsqu’il en parle tant à propos des fidèles de l’Opus Dei qu’à propos des chrétiens de toutes sortes.

Le mot « direction » connote dans ses écrits une fonction d’orientation et de conseil, puisqu’il n’appartient pas au régime de gouvernement, mais à un autre ordre : celui de fraternité. En effet, tout ce qui implique « d’aider une autre âme à la soutenir dans ses luttes, de l’habituer aux pratiques de la prière et de la pénitence et à l’accomplissement de ses devoirs d’état comme un bon père et une mère chrétienne le font avec leurs enfants ; ou un ami noble avec ses compagnons ou une jeune chrétienne avec ses amies », peut être lié à la direction spirituelle (AH, p. 153). L’autorité de celui qui exerce la direction spirituelle n’implique pas une action de nature hiérarchique, ni un pouvoir, mais un exercice de fraternité chrétienne et de paternité.

Il est approprié pour le chrétien de fréquenter les sacrements, en particulier la Pénitence et l’Eucharistie ; et la vie de l’Église montre que la confession se prolonge dans la direction spirituelle. Certes, dans la Pénitence, ou lié à ce sacrement, dont il est ministre, le prêtre, en plus de l’absolution sacramentelle, peut – et parfois même doit – donner une direction spirituelle (cf. RP, no 32). Et il le fait aussi à bien d’autres moments : l’histoire de l’Église est remplie de prêtres qui ont été de grands directeurs d’âmes. En fait, dans Chemin, les points 61 et 66-75 du chapitre « Direction » se réfèrent au prêtre.

Mais il n’y a pas que les prêtres qui peuvent exercer une direction spirituelle. Les religieux qui ne sont pas prêtres et les religieuses l’ont toujours exercé au sein de leurs communautés et avec d’autres personnes. Dans son étude juridico-historique sur l’abbesse de Las Huelgas (Burgos), saint Josémaria souligne comment, à plusieurs reprises, des personnes qui n’avaient pas le sacerdoce ministériel ont exercé une direction spirituelle, et à d’autres moments, il fait allusion à saint Ignace de Loyola et à saint Philippe de Neri, également avant leur ordination. « L’histoire de la spiritualité chrétienne montre aussi que cette fonction de « directeur spirituel » n’est pas l’attribut exclusif des prêtres. Elle correspond aussi à tous ceux qui participent d’une manière ou d’une autre à l’éducation chrétienne des baptisés », écrit Thils (1965, p. 537) qui donne comme exemple les parents et les éducateurs en général, qui peuvent et doivent être des conseillers moraux des enfants ou de ceux qui leur ont été confiés.

Les laïcs sont, en effet, « rendus participants de la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ » (AA, 2). Le Catéchisme de l’Église Catholique rappelle précisément cette réalité en ce qui concerne la direction spirituelle : « L’Esprit Saint donne à certains fidèles des dons de sagesse, de foi et de discernement » (no 269 ; cf. nos 1435, 2695). Exercer la direction spirituelle d’autres personnes est l’un des moyens par lesquels les laïcs peuvent exercer leur sacerdoce commun, qui permet « d’aider les hommes dans leur route vers Dieu, par le témoignage de la parole et de l'exemple, par la prière et par l'expiation » (QCP 120).

La direction spirituelle est donc une réalité avec un fondement baptismal, comme un développement du fait d’avoir reçu le baptême, et un apostolat concret. On peut, en effet, lire en l’appliquant à la direction spirituelle (en introduisant les nuances et les accommodements appropriés) ce que saint Josémaria écrit au sujet de l’apostolat d’amitié et de confidence ; un apostolat qui, chez le laïc, présuppose un témoignage de vie chrétienne donné naturellement à travers les situations ordinaires de l’existence : « En nous voyant égaux à eux en toute chose, les autres se sentiront invités à nous demander : “ Comment s'explique votre joie ? D'où tirez-vous des forces pour vaincre égoïsme et commodité ? Qui vous apprend cette compréhension, cette bonne entente pleine de franchise, cet esprit de service et ce don de vous-même aux autres ? C'est alors le moment de leur découvrir le secret divin de l'expérience chrétienne, de leur parler de Dieu, du Christ, du Saint-Esprit, de Marie. C'est le moment d'essayer de transmettre, à travers notre pauvre langage, la folie de l'amour de Dieu que la grâce a répandu dans nos cœurs » (QCP 148).

Tout cela implique, bien sûr, que celui qui assume la tâche de diriger spirituellement une personne réunisse les dues conditions de maturité spirituelle, de prudence, de discrétion, d’affabilité, etc., et de formation, car dans la direction spirituelle, il ne s’agit pas de conseiller à partir de ses propres expériences et opinions, mais de la foi de l’Église. C’est ce sur quoi saint Josémaria mettait en garde avec un texte fort qui faisait allusion à un cas extrême : « Par-dessus les conseils privés, il y a la loi de Dieu, qui est contenue dans la Sainte Écriture et que le magistère de l'Église — assisté par l'Esprit Saint — conserve et nous propose. Lorsque les conseils particuliers contredisent la parole de Dieu telle que nous l'enseigne le magistère, il faut s'écarter fermement de ces opinions erronées » (Entretiens 93).

2. Vers la sainteté

« Pour aller vers le Seigneur, nous avons toujours besoin d'un guide, d'un dialogue. Nous ne pouvons pas le faire seulement avec nos réflexions. Et cela est également le sens du caractère ecclésial de notre foi de trouver ce guide » (Benoît XVI, Discours, Audience générale, 16-IX-2009 ; cf. aussi PDV, n. 40). Le Pontife romain recueille ici une longue expérience de l’Église, ratifiée par le message de nombreux saints, tels que saint Jérôme, saint Augustin, saint Basile, saint Jean de la Croix et sainte Thérèse. Saint Josémaria affirme également l’importance de la direction spirituelle sur le chemin vers la sainteté. Il compare sa fonction à celle d’un architecte qui dirige la construction des bâtiments (cf. C 60). « J’insiste maintenant auprès de vous pour que vous vous laissiez aider, guider, par un directeur de conscience, auquel vous confierez tous vos projets saints et les problèmes quotidiens qui affectent votre vie intérieure, les échecs que vous essuyez et toutes vos victoires » (AD 15). En effet, « notre propre jugement est mauvais conseiller, mauvais pilote, s’il s’agit de diriger l’âme à travers les bourrasques et les tempêtes, parmi les écueils de la vie intérieure » (C 59). La prudence et l’humilité, commente-t-il, en s’appuyant chez saint Thomas d’Aquin, conduisent à « demander conseil, juger correctement et décider» (AD 86).

Le rôle du « maître » spirituel (C 59) est de seconder l’œuvre de l’Esprit Saint dans l’âme et de donner la paix, en vue du don de soi et de la fécondité apostolique (cf. C 62). Pour cela, il est nécessaire d’enseigner à s’introduire dans l’Évangile, dans lequel « tout, chacun des points relatés, a été recueilli dans le moindre détail, pour que tu l’incarnes dans les circonstances concrètes de ton existence » (F 754). La direction spirituelle aide à découvrir ce que l’Evangile dit à chaque âme et à réagir par une réponse de don de soi « Et (…) demeure valable pour tous – affirme Benoît XVI – (…) l'invitation à avoir recours aux conseils d'un bon père spirituel, capable d'accompagner chacun dans la connaissance profonde de soi, et de le conduire à l'union avec le Seigneur, afin que son existence se conforme toujours plus à l'Évangile » (Benoît XVI, Discours, Audience générale, 16-IX-2009). Une direction spirituelle bien reçue nous conduit à confronter notre propre vie au Christ et à son message d’amour (cf. Jn 13, 34), et à voir, à la lumière de l’Écriture et en comptant sur l’action de l’Esprit Saint, la main de Dieu dans notre propre existence. Les perspectives christologiques et pneumatologiques de la direction spirituelle présupposent qu’il s’agit « d’un travail mystagogique, c’est-à-dire non seulement ascétique ou éthico-moral, mais théologal, d’approche du mystère de Dieu et de la réponse aimante à son appel » (Illanes,1997, p. 71).

« La fonction du directeur spirituel », enseigne saint Josémaria, « est d’ouvrir des horizons, d’aider à la formation de critères, de signaler les obstacles, d’indiquer les moyens appropriés pour les surmonter, de corriger les déformations ou les déviations de la marche, de toujours encourager : sans jamais perdre le point de vue surnaturel, qui est une affirmation optimiste, car tout chrétien peut dire qu’il peut tout faire avec l’aide divine (cf. Ph 4, 13) » (Lettre 8-VIII-1956), no 37 : AGP, série A.3, 94-1-2). Avec la croissance de la foi, de l’espérance et de la charité, on aide à traiter Dieu personnellement et continuellement, en suivant un plan de vie, que saint Josémaria a toujours considéré comme un élément important de la vie spirituelle (cf. C 76-78). De cette façon, la prière (vocale et mentale), la confession fréquente, la participation à l’Eucharistie – le véritable centre de la vie chrétienne – la familiarité avec l’Écriture Sainte, conduisent à approfondir le sens de l’existence et la valeur du sacrifice, et à s’améliorer dans la capacité à s’examiner et à faire de l’apostolat.

Saint Josémaria conseille de toujours traiter, dans la direction spirituelle, trois points nécessaires au véritable progrès spirituel : la foi, la pureté et la vocation(cf. S 84 ; AD 187). En plus de refléter son expérience des âmes, peut-être cette trilogie peut-elle être reliée à ce que nous disent les Actes des Apôtres, décrivant la vie et l’assiduité des premiers chrétiens « à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2, 42). La foi renvoie à la doctrine apostolique (cf. Entretiens 73). La pureté est liée au Pain eucharistique : la communion fréquente protège le trésor de chasteté (Cf. Statuta, 84). La prière, réponse à la Parole de Dieu qui appelle, est essentielle pour être fidèle à sa vocation (Cf. F 297 & 789).

« Notre foi et notre vocation de chrétiens déterminent entièrement, et pas en partie seulement, notre existence » (QCP 46) ; il est donc question de relation à la vie familiale, au travail, au repos, à la vie sociale, à la politique, etc. Bien que la direction spirituelle n’ait pas pour matière immédiate les domaines dans lesquels le chrétien jouit d’une autonomie personnelle, elle doit néanmoins – en évitant toute interférence dans tout ce qui ne lui est pas propre – offrir des lumières et des conseils afin que chacun, avec liberté et responsabilité, sûr dans la foi et la morale catholiques, prenne les décisions qu’il juge appropriées en connaissance de cause et en laissant la lumière de Dieu illuminer toute sa vie. Dans cette perspective, la direction spirituelle vise à promouvoir « l’unité de vie » (Cf. QCP 10; GS, 43) qui nous conduit à chercher et à aimer Dieu en tout, et à vivre toute notre existence avec conscience de la mission que la vocation chrétienne implique. La direction spirituelle doit aspirer, en bref, à accompagner le processus de croissance de chaque chrétien dans sa condition de fils ou de fille de Dieu le Père dans le Christ par l’Esprit ; en aidant à découvrir avec joie la figure et l’amour du Christ et ce qu’exige le fait de le suivre.

En d’autres termes, la direction spirituelle invite à faire fructifier les talents (cf. Mt 25, 14 et suiv.). Et par conséquent elle doit consister « plus qu’à éliminer les défauts, à acquérir des vertus » (Lettre 8-VIII-1956, no. 49 : Burkhart - López, II, 2011, p. 155). De cette façon, on aide la personne à atteindre la pleine harmonie dans les différents aspects du comportement et à développer librement sa personnalité humaine et chrétienne.

3. Liberté et responsabilité

Saint Josémaria a toujours répété que « dans la direction spirituelle, on doit éviter tout personnalisme » (Lettre 8-VIII-1956, no 39 : AGP, série A.3, 94-1-2). Et avec des mots encore plus forts, peu de temps avant, il avait dit : « Personne n’est directeur spirituel propriétaire. L’âme n’appartient qu’à Dieu » (ibid., no 38).

La direction spirituelle, qui présuppose la libre manifestation, de la part de ceux qui la reçoivent, de l’état de leur âme et des dispositions intérieures par rapport au progrès spirituel, exige – et saint Josémaria le souligne – un respect exquis tant de l’intimité de la personne que de sa liberté. « Le rôle du directeur spirituel est d’aider l’âme à vouloir accomplir la volonté de Dieu – à en avoir envie. Ne commandez pas, conseillez » (ibid., no 38). Le directeur doit non seulement donner une opinion « désintéressée et droite » (AD 86), mais il doit la donner d’une manière qui respecte la personnalité de celui qu’il conseille, sans supplanter sa liberté et donc sa responsabilité. Comme l’écrit saint Thomas d’Aquin, « les enfants de Dieu sont animés par l’Esprit Saint librement, par amour ; pas servilement, par peur » (Somme contre les gentils, IV, 22). Un concept que saint Josémaria condense ainsi : « c’est seulement en aimant que nous parvenons à la liberté la plus pleine » (AD 38). La personne humaine est un mystère : « Dans chaque âme, il y a un fond délicat, dans lequel seul Dieu peut pénétrer » (Lettre 8-VIII-1956, no 3 : AGP, série A.3, 94-1-2). Et c’est à chacun de seconder les inspirations qu’il reçoit de l’Esprit Saint, pasteur de nos âmes (cf. QCP 174). Tout cela doit être gardé à l’esprit par ceux qui assument la tâche de diriger les âmes, sans imposer de critères ou de goûts personnels mais, en même temps, sans cesser de rappeler, quand la situation l’exige, la doctrine de l’Église, ou d’offrir des lumières qui aident la personne à discerner avec objectivité ce que Dieu lui demande.

C’est pourquoi saint Josémaria conçoit le travail de « pasteur d'âmes comme une tâche visant à situer chacun en face de toutes les exigences de sa vie, en l'aidant à découvrir ce que Dieu lui demande concrètement, sans mettre aucune limite à cette sainte indépendance et à cette bienheureuse responsabilité individuelle qui sont les caractéristiques d'une conscience chrétienne. Cette façon d'agir et cet esprit sont fondés sur le respect de la transcendance de la vérité révélée, et sur l'amour de la liberté de la créature humaine. Je pourrais ajouter qu'ils se fondent aussi sur la certitude de l'indétermination de l'histoire, ouverte à de multiples possibilités, que Dieu n'a pas voulu fermer » (QCP 99).

Il note également que « pour atteindre à la plénitude de la vie chrétienne dans la profession ou dans le métier que chacun exerce, les membres de l'Œuvre doivent être formés de manière à savoir administrer leur propre liberté : en présence de Dieu, avec une piété sincère, et une doctrine sûre » (Entretiens 53). Par conséquent, en éclairant l’intelligence, la direction spirituelle renforce la liberté, qui dépend de la vérité et demande de la force. « La vraie finesse et la vraie charité exigent d’atteindre la moelle, même si cela coûte » (AVP, II, p. 320) : toujours avec délicatesse et en respectant les rythmes propres à chaque personne. Saint Josémaria conduisait les âmes comme sur un plan incliné, et était donc compréhensif et, en même temps, exigeant : « C’est une maladresse insigne pour le Directeur de se contenter d’une âme qu’elle donne quatre, alors qu’elle peut donner douze » (AVP, I, p. 566 ; cf. AVP, III, p. 441). D’autre part, il enseignait habituellement que quiconque ouvre son âme, même en dehors du sacrement de Pénitence, doit être rétribué par la réserve que toute personne noble garde à l’égard de ceux qui sont venus à elle et qui lui ont fait confiance.

En nous plaçant maintenant dans la position de celui qui aspire au progrès dans sa vie intérieure, il est nécessaire de se rappeler que « l'humilité, c'est la vérité sur le chemin de la lutte ascétique » (S 259). Et que l’une des manifestations les plus importantes de l’humilité est la sincérité, qui doit parfois être une « sincérité sauvage » (F 127), c’est-à-dire une manifestation de ce qui est dans l’âme, sans décors ni mièvreries (cf. C 64-65 ; S 323-336 ; AD 15-17). La direction spirituelle doit avoir les traits de la confidence (Cf. C 64), qui est fondée sur la confiance. Par conséquent, tout comme la direction doit se faire sans « contraindre personne (...), en respectant chaque âme telle qu’elle est, avec ses caractéristiques personnelles » (AD 249), celui qui la reçoit doit laisser « agir la grâce de Dieu et le directeur », puisque, si elle n’est pas reçue de cette façon, « jamais n’apparaîtra la sculpture, l’effigie de Jésus, que devient le saint » (C 56). Cela exige une certaine régularité dans les conversations, que saint Josémaria associe à l’humilité (cf. S 270).

La direction spirituelle demande qu’on soit docile à la parole entendue que, devant Dieu, l’on reconnaît comme une lumière de l’Esprit Saint. On peut donc parler d’obéissance à la direction spirituelle, mais en gardant à l’esprit que l’obéissance n’est pas un concept univoque (cf. S.Th., II-II, q. 104). Dans la direction spirituelle, on ne tient pas compte des conseils d’une autre personne parce qu’on y est obligé ou parce qu’on admet sa plus grande expérience ou connaissance, mais parce qu’on se rend compte qu’à travers ses paroles, Dieu nous éclaire et nous conseille. Il nous appartient ensuite de peser ce qu’on a entendu et de décider d’une résolution qui, certes, a été éclairée par le conseil, mais qui découle de nos délibérations et de notre volonté.

La liberté, assumée en tant que choix du bien, est inséparable de la responsabilité personnelle qui lui est liée. « Le conseil d'un autre chrétien et spécialement celui d'un prêtre — en matière de foi ou de morale — est une aide puissante pour reconnaître ce que Dieu attend de nous dans une circonstance déterminée ; mais le conseil n'élimine pas la responsabilité personnelle : c'est à nous, à chacun d'entre nous, qu'il appartient de décider finalement, et nous aurons à rendre compte personnellement à Dieu de nos décisions » (Entretiens 93). C’est ainsi que la direction spirituelle forge des personnes authentiquement humaines. Elle ne fabrique pas « des créatures dépourvues de jugement propre et qui se limitent à exécuter matériellement ce qu'un autre leur dit ; au contraire, la direction spirituelle doit tendre à former des personnes au jugement sain. Et le jugement suppose de la maturité, des convictions fermes, une connaissance suffisante de la doctrine, un esprit plein de délicatesse, l'éducation de la volonté » (ibid.).

Chacun est tel qu’il est, et chacun doit être traité comme Dieu l’a fait et comme Dieu le conduit. Omnibus omnia factus sum, ut omnes facerem salvos (1 Cor 9,22), il faut se faire tout à tous. Il n’y a pas de panacées. Il faut éduquer, consacrer à chaque âme le temps dont elle a besoin, avec la patience d’un moine du Moyen Âge pour faire les miniatures – page à page – d’un codex ; faire mûrir les personnes, former la conscience, que chacun ressente sa liberté personnelle et la responsabilité qui en découle » (Lettre 8-VIII-1956, no 38 : AGP, série A.3, 94-1-2). De cette façon, la direction spirituelle, dans un contexte d’amitié et de relation avec Dieu, guide, rend optimiste, ouvre à l’espérance, élargit les horizons et contribue à ce que l’âme soit capable de grandes choses.

Thèmes connexes : Liberté ; Responsabilité ; Sainteté.

Bibliographie : AVP, I et III passim ; Jean-Paul II Exhort. Ap. Reconciliatio et Paenitentia, 1984 ; Louis Bouyer, « Conscience », dans Dictionnaire théologique, Tournai, Desclée de Brouwer, 1990 ; Ernst Burkhart - Javier López Vie quotidienne et sainteté dans l’enseignement de saint Josémaria. Étude de théologie spirituelle, II, Madrid, Rialp, 2011 ; Francisco Fernández-Carvajal Pour se rendre au port. Le sens de l’aide spirituelle, Madrid, Palabra, 2010 ; Javier Echevarría, Lettre pastorale, 2-X-2011, Romana. Bulletin de la Prélature de la Sainte-Croix et de l’Opus Dei,53 (2011), pp. 255-262 ; José Luis Illanes, « La théologie comme élément conformateur de la direction spirituelle », dans Pedro Rodríguez (dir.) Théologie et spiritualité dans la formation des futurs prêtres, Pamplona, EUNSA, 1997 ; Antonio Livi « Direction spirituelle », dans GER, VIII, pp. 3-5 ; Gabriel de Sainte-Marie-Madeleine, « Direction spirituelle : justification théologique », in DSp, III, 1957, col. 1183 ; Gustave Thils Sainteté chrétienne. Compendium de Théologie ascétique Salamanque, Ediciones Sígueme, 1965.

Guillaume Derville