Des pas sur la neige

Cela peut surprendre qu’un détail apparemment si petit — des pas sur la neige— ait pu suffire pour qu’un adolescence prenne une aussi grande décision: livrer entièrement sa vie à Dieu. Mais il s’agit du langage de Dieu pour appeler les hommes et des réponses, des signes de la foi, d’âmes généreuses qui cherchent Dieu sincèrement.

Cela peut surprendre qu’un détail apparemment si petit — des pas sur la neige— ait pu suffire pour qu’un adolescence prenne une aussi grande décision: livrer entièrement sa vie à Dieu. Mais il s’agit du langage de Dieu pour appeler les hommes et des réponses, des signes de la foi, d’âmes généreuses qui cherchent Dieu sincèrement.

Vers la fin de 1914, peu à près de début de la guerre mondiale, les Escriva durent déménager à Logrono parce que leur affaire familiale avait fait faillite.

Don José avait quarante-huit ans lorsqu’il repris tout à zéro. Il y trouva un poste de vendeur de confiance dans une boutique de tissus. Ce fut éprouvant pour tous, Josémaria y compris. C’était un adolescent qui poursuivit ses études secondaires. Un bon élève, avec d’excellents résultats et qui rêvait d’être architecte.

Le mercredi 9 janvier 1918, Josémaria fête ses seize ans. La ville de Logroño se trouvait depuis quinze jours prise dans une forte tempête de neige. Le thermomètre restait en dessous de zéro. Les rues, les arbres, les maisons étaient recouverts d’un manteau de neige surréaliste. Personne ne sortait de chez lui, si ce n’est pour des nécessités impérieuses. Un Noël nostalgique, en somme.

José Escriva avait trouvé du travail à Logroño, comme employé d’une entreprise semblable à celle qu’il avait possédée. Et la famille était venue s’installer dans cette ville. Abandonner Barbastro n’avait été facile pour aucun d’entre eux, moins encore pour Josémaria, parvenu au seuil de l’adolescence.

Or, voilà qu’un jour où le jeune homme était absorbé à regarder la neige, ses yeux découvrirent les traces que des pieds nus, à l’allure solennelle, avaient laissées dans la rue. Il comprit vite que c’étaient les pas d’un carme, arrivé depuis peu dans la ville. Il se mit à réfléchir : si d’autres consentent tant de sacrifices pour Dieu et pour le prochain, ne serais-je pas capable de lui offrir quelque chose ? C’est une pensée qui ne l’a plus jamais quitté.

Avec Carmen, sa sœur et Santiago, son frère

« Malgré moi, le Seigneur m’a préparé peu à peu, par des faits apparemment anodins, dont il se servait pour insinuer dans mon âme une inquiétude divine. C’est pour cela que j’ai parfaitement compris l’amour, à la fois tellement humain et tellement divin, de Thérèse de l’Enfant-Jésus, qui s’émeut en voyant dépasser d’un livre une image de la main blessée du Rédempteur. Il m’est arrivé, à moi aussi, des choses de ce genre, qui m’ont remué et conduit à la communion quotidienne, à la purification, à la confession... et à la pénitence. »

L’« inquiétude divine » n’est pas seulement un sentiment spirituel ou un vague désir de prendre la foi au sérieux. « Je commençai à pressentir l’Amour, à me rendre compte que le cœur me demandait quelque chose de grand, qui relèverait de l’ordre de l’amour[. Je ne savais pas ce que Dieu attendait de moi. Mais c’était, de toute évidence, une élection. »

Il décide de devenir prêtre

Que faire ? Prier, certes. Demander au Seigneur d’éclairer son cœur. Josémaria commença alors à utiliser comme oraison jaculatoire les mots de l’aveugle de l’Évangile : Domine, ut videam ! Seigneur, fais que je voie ce que tu veux de moi. La vie du lycéen poursuivait son cours normal. Josémaria avait commencé le baccalauréat, l’école primaire et secondaire, alors unifiées, quand il habitait encore Barbastro : il y fréquentait l’institut des scolopes, ou frères des Écoles pies. À Logroño, il s’était inscrit à l’école publique et allait étudier l’après-midi au Collège Saint-Antoine. Il était un excellent élève, aux bulletins brillants. Il rêvait de devenir architecte.

Mais comment concilier ce projet avec l’appel de Dieu ? Si au moins il avait pu savoir ce qu’était cet appel ? Il n’hésite cependant pas à répondre oui. Un « oui » à tout ce que Dieu lui demandera. Il se dit qu’il serait plus disponible et utile à cette vocation encore inconnue s’il devenait prêtre.

« Un beau jour, j’ai dit à mon père que je voulais devenir prêtre : c’est la seule fois que je l’ai vu pleurer. Il avait d’autres projets en tête, mais il ne s’est pas rebellé. Il m’a dit : Mon fils, penses-y bien. Les prêtres doivent être saints… Il est dur de ne pas avoir de maison, de foyer, de ne pas avoir d’amour sur terre. Penses-y encore un peu, mais je ne m’y opposerai pas. »

Il lui conseilla d’en parler à un prêtre, qui reçut le jeune homme avec joie et confirma au père la vocation de son fils. Josémaria était sur le point de terminer ses études secondaires. Et puisqu’il avait renoncé désormais à la faculté d’architecture, son père lui conseilla de s’inscrire en droit et de rendre compatibles ses études civiles avec ses engagements au séminaire.

Le Seigneur se servit de l’exemple paternel pour mettre dans le cœur de Josémaria une conviction qu’il transmit à tout le monde jusqu’à sa mort : « Si Dieu demande à des parents leurs enfants, ce n’est pas un sacrifice pour eux ; pas plus que ce n’est un sacrifice que de le suivre pour ceux que Dieu appelle. Bien au contraire, c’est un honneur immense, un motif de grand, de saint orgueil, le signe d’une prédilection, d’une affection toute particulière que Dieu a manifestée à un moment donné, mais qui était dans son esprit de toute éternité ».