Vicente, étudiant en ingénierie, est l'un des promoteurs de « Manos que Cuidan » (Des mains qui prennent soin), un projet social né en réponse à une réalité souvent invisible : la situation des aidants de personnes handicapées et/ou âgées au Chili.
Alors que la plupart des initiatives sociales s'adressent aux personnes confrontées à la maladie ou à la dépendance, rares sont celles qui s'intéressent à ceux qui les soutiennent jour après jour : les aidants.
Vicente, comment le projet a-t-il vu le jour ?
69 % des aidants souffrent d'une surcharge physique et émotionnelle grave, et 87 % d'entre eux effectuent des tâches de soins 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sans repos. Ce fut le point de basculement
L'idée a pris forme en août 2024, lorsque nous avons décidé de participer au Congrès universitaire UNIV au Chili, un événement où les étudiants présentent des projets ayant un impact social. Le thème du congrès de 2025 était « Citoyens du monde », nous voulions donc apporter une contribution humaine et sociale, mais nous ne savions pas encore clairement quelle problématique aborder. C'est ainsi qu'après plusieurs réunions avec la Fondation Teletón, nous avons entamé une recherche approfondie qui nous a conduit à des chiffres alarmants : 69 % des aidants souffrent d'une surcharge physique et émotionnelle grave, et 87 % d'entre eux effectuent des tâches de soins 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sans repos. Ce fut le point de basculement : nous avons décidé de concentrer tous nos efforts sur les aidants.
Après avoir interrogé des professionnels et des experts, nous avons défini l'objectif de notre initiative : offrir un accompagnement complet et un soutien continu aux aidants de personnes dépendantes. Dans cette optique, nous avons présenté notre projet à UNIV Chili, où il a été sélectionné comme projet national gagnant, ce qui nous a donné l'opportunité de le représenter au Congrès international UNIV FORUM à Rome, en Italie, qui s'est tenu le 15 avril 2025.

Comment avez-vous mis cela en pratique ?
Après cette première étape, nous avons dû relever le défi de mettre en œuvre un plan pilote qui nous permettrait de présenter des résultats concrets en avril. Nous avons contacté la Fondation Las Rosas, qui a accueilli notre proposition avec enthousiasme et s'est engagée à nous soutenir. Elle nous a mis en contact avec Egnis Ubillo, responsable de la santé et du soutien psychosocial de la fondation, qui est devenue une alliée essentielle pour structurer et mettre en œuvre le plan.
Les ressources financières étant limitées, nous avons également sollicité la collaboration de la Residence Universitaire Alborada, où nous vivons, et nous nous sommes joints à leurs travaux d'été dans la communauté de Cajón (Temuco), organisés dans le cadre d'une autre initiative sociale appelée Operativos Llaima. Grâce à eux, nous avons pu bénéficier de repas, de transport, de bénévoles et d'un hébergement.
C'est ainsi que le 3 janvier 2025, notre expérience sur le terrain a commencé. Nous avons effectué des visites à domicile préalablement coordonnées avec le CESFAM (Centre de santé familiale) du village de Cajón, afin de mieux connaître la réalité des aidants locaux. Cette expérience nous a amenés à étendre notre action à la commune de Vilcún, l'une des plus vulnérables du pays, où nous avons établi une collaboration stratégique avec le groupe « Abrazo Solidario », (Embrassade solidaire) autre acteur clé dans la mise en œuvre de notre projet.
Au cours de la phase pilote, plus de 20 familles ont été touchées, y compris les aidants et les personnes dépendantes. Forts de cette expérience et avec le soutien continu de la Fondation Las Rosas, nous avons conçu une nouvelle étape du projet : trois opérations cliniques et psychoéducatives, menées en mars, avril et mai, qui ont bénéficié à 30 familles dont certains membres sont en situation de dépendance sévère.
Chaque opération a été menée par une équipe interdisciplinaire composée de professionnels de l'infirmerie, de la kinésithérapie, de l'ergothérapie et d'autres professionnels chargés de la coordination générale. En avril, le Dr Alejandro Ceriani, médecin gériatre, s'est joint à l'équipe pour apporter des soins spécialisés aux personnes âgées de plus de 60 ans

Après cette expérience « sur le terrain », vous avez présenté votre projet à Rome. Racontez-nous comment cela s'est passé.
Forts de ce soutien et de ces preuves, nous avons présenté « Manos que Cuidan » lors du congrès international UNIV FORUM à Rome, où nous avons été récompensés pour la durabilité, l'innovation et la profondeur de notre projet. Enfin, nous avons été désignés lauréats internationaux du congrès, ce qui a renforcé notre conviction quant à l'urgence et à la pertinence du soutien aux aidants dans nos systèmes sociaux.
Nous sommes actuellement dans une phase de planification afin de garantir la durabilité à long terme de cette initiative, en renforçant nos partenariats avec la Fondation Las Rosas et le groupe Abrazo Solidario de Vilcún, et en évaluant de nouvelles zones d'intervention.
Pourriez-vous nous expliquer plus en détail le projet ?
Le projet « Manos que Cuidan » s'articule en deux phases principales : la première est celle du diagnostic et de l'accompagnement humain. Au cours de cette phase, un groupe de bénévoles se rend dans des zones rurales pour connaître la réalité des aidants et de leurs familles, leur apporter un accompagnement humain, discuter de leurs besoins, de leur histoire et leur offrir un espace de dialogue personnel et spirituel.Vient ensuite la phase d'intervention professionnelle, au cours de laquelle des opérations mensuelles sont menées par la Fondation Las Rosas, avec une équipe de spécialistes qui rend visite aux familles identifiées. Des soins cliniques, une psychoéducation et une formation aux techniques de soins sont dispensés aux aidants, améliorant ainsi leur bien-être et celui de leurs proches.

Le thème de la rencontre – « Citoyens de notre monde » – a donné l'occasion à Mgr Ocáriz d'encourager les jeunes à « prier beaucoup pour tant de personnes qui souffrent dans le monde : guerres, tremblements de terre, malheurs dont on entend parler dans les médias et beaucoup d'autres dont on ne sait rien ». Il a rappelé, en s'inspirant des paroles de saint Paul, que « le monde entier est à nous. Tout est à nous et nous pouvons aider en tout. Lorsque vous entendez parler d'une guerre, dites une prière, cela vaut beaucoup ».