Décret d’introduction de la cause de canonisation de Josémaria Escriva. 19 février 1981

Le 19 février 1981, le card. Poletti, vicaire du pape pour le diocèse de Rome, publia le décret d’introduction de la cause de canonisation du fondateur de l’Opus Dei. Ce décret établit que la séance d’ouverture du procès à Rome aurait lieu le 12 mai de cette année-là.

Le 19 février 1981, le card. Poletti, vicaire du pape pour le diocèse de Rome, publia le décret d’introduction de la cause de canonisation du fondateur de l’Opus Dei. Ce décret établit que la séance d’ouverture du procès à Rome aurait lieu le 12 mai de cette année-là.

Le concile œcuménique Vatican II « avec une insistance pressante, a exhorté tous les fidèles, de toute condition ou niveau, à atteindre la plénitude de la vie chrétienne et la perfection de la charité. Cette invitation pressante à la sainteté peut être considérée comme l’élément le plus caractéristique de tout le magistère du concile et, pour ainsi dire, son but ultime » (Motu proprio Sanctitas clarior, 19 mars 1969).

Pour avoir proclamé la vocation universelle à la sainteté depuis qu’il fonda l’Opus Dei en 1928, mgr Josémaria Escriva de Balaguer a été unanimement reconnu comme un précurseur du concile précisément en ce qui est le noyau fondamental de son magistère, si fécond pour la vie de l’Église.

Le serviteur de Dieu est né le 9 janvier 1902 à Barbastro (Espagne), dans une famille aux ferventes racines chrétiennes. Dès sa jeunesse, il s’est distingué par l’acuité de son intelligence et par son caractère ferme et aimable. Vers quinze ans, il a, pour la première fois, le pressentiment de l’appel du Seigneur à une mission que le serviteur de Dieu ignorait encore. Pour se préparer pleinement à la volonté divine, il décida de devenir prêtre, et cultiva une vie de piété et d’intense pénitence. Après avoir suivi les études au séminaire de Logroño, d’abord, puis au séminaire de saint François de Paul et à l’université pontificale de Saragosse, il fut ordonné prêtre le 28 mars 1925, à Saragosse.

En 1927, il s’installa à Madrid où il put exercer un vaste apostolat parmi les malades, les nécessiteux et les enfants. Il fut aumônier de la Fondation des malades de 1927 à 1931. En 1931 il devint aumônier de la Fondation sainte Isabelle, dont il fut nommé recteur en 1934. Le 2 octobre 1928, pendant des exercices spirituels, le Seigneur lui fit voir clairement ce qu’il n’avait fait que pressentir jusqu’alors. Le serviteur de Dieu fonda l’Opus Dei. Toujours mu par le Seigneur, le 14 février 1930, il fonda la section féminine de l’Opus Dei. Un nouveau chemin venait de s’ouvrir dans l’Église, visant à promouvoir, parmi des gens de toutes les classes sociales, la recherche de la sainteté et l’exercice de l’apostolat, au moyen de la sanctification du travail ordinaire, au milieu du monde et sans changement d’état.

Dès le départ, avec la bénédiction et les encouragements de l’ordinaire du lieu, le serviteur de Dieu se consacra entièrement à cette mission et le Seigneur le bénit avec des fruits abondants.

Durant la guerre civile espagnole, sans se soucier des dangers qui le menaçaient, il ne négligea pas son intense activité sacerdotale. À la fin de la guerre, il revint à Madrid, d’où il put donner un grand élan au travail de l’Œuvre en Espagne : en dépit du manque de tout moyen, il ouvrit de nouveaux centres dans de nombreuses villes et il prépara l’expansion au-delà de la péninsule ibérique.

Beaucoup de prêtres et de laïcs cherchaient la direction spirituelle du serviteur de Dieu. À la demande des évêques et des pères provinciaux des différents ordres et congrégations religieux, il prêcha un grand nombre d’exercices spirituels à des prêtres et à des religieux, en plus de ceux qu’il dirigeait aux laïcs. Avec son apostolat, il suscita beaucoup de vocations de tout type.

Le 14 février 1943, mgr Escriva fonda, dans l’Opus Dei, la Société sacerdotale de la Sainte Croix, rendant ainsi possible l’ordination sacerdotale de quelques membres laïcs de l’Opus Dei, avec une totale disponibilité pour assister spirituellement les autres membres et les activités apostoliques promues par lŒuvre. De son vivant, pratiquement un millier de professionnels de l’Œuvre (médecins, avocats, ingénieurs, journalistes, etc.) sont devenus prêtres en abandonnant un avenir professionnel prometteur pour se vouer entièrement à leur ministère sacerdotal.

En 1946, le serviteur de Dieu s’installa à Rome où il fixa son domicile définitif. En 1947, il obtint le decretum laudis du saint-siège pour l’Opus Dei qui, le 16 juin 1950, reçut l’approbation définitive en tant qu’institution de droit pontifical. En même temps, l’Association des coopérateurs de l’Opus Dei fut approuvée, elle pouvait y accueillir aussi des personnes non catholiques.

De Rome, mgr Escriva encouragea et guida la diffusion de l’Opus Dei partout dans le monde, en mettant toute son énergie au service d’une solide formation doctrinale, ascétique et apostolique de ses filles et de ses fils. Le dévouement du fondateur à sa mission fut en tout temps exemplaire : infatigable au travail et, poussé par son zèle, il entreprit des voyages très pénibles et fatigants en Europe et en Amérique, à des périodes où il était gravement malade. En dépit d’étroitesses financières permanentes, il ne se découragea jamais et mit en route les instruments apostoliques voulus, aussi bien à Rome qu’ailleurs.

Son zèle s’est cristallisé en une vaste gamme d’initiatives apostoliques qui, comme une mer sans rivage, se sont répandues dans les cinq continents, dans tous les secteurs où le besoin de la vérité du Christ éclairant l’effort de tout homme devient pressant : des centres de formation professionnelle, des écoles primaires et secondaires ; des universités (mgr Escriva avait fondé les universités de Navarre en Espagne, de Piura, au Pérou dont il était Grand Chancelier) ; des dispensaires médicaux ; des clubs pour la formation de la jeunesse ; des foyers pour employées de maison, pour paysans, pour étudiants ; des centres culturels, des établissements techniques spécialisés, des écoles rurales, etc.

Les enseignements du serviteur de Dieu ont ouvert un nouveau chapitre dans l’histoire de la spiritualité. Ses ouvrages ont atteint une diffusion significative : il suffit de considérer que le seul livre de Chemin connaît un tirage de trois millions d’exemplaires, avec des traductions en 34 langues. D’autres ouvrages connaissaient des chiffres semblables : Saint Rosaire, Entretiens avec mgr Escriva de Balaguer, Quand le Christ passe, Amis de Dieu.

Le serviteur de Dieu était docteur en Droit et en Théologie ; il avait été nommé prélat domestique de sa sainteté, consulteur de la commission pontificale pour l’interprétation du code de droit canonique et académicien d’honneur de l’Académie de théologie de Rome.

À Rome, le 26 juin 1975, à midi, il fut victime d’une crise cardiaque inattendue. Il mourut après avoir reçu, déjà inconscient, l’absolution et l’onction des malades qu’il avait toujours ardemment souhaitées. Il avait donné à ses fils des indications précises à ce propos. Ce jour-là, d’après la confidence qu’il avait faite à quatre membres de l’Œuvre, il avait renouvelé l’offrande de sa vie personnelle pour l’Église et pour le pape durant la célébration de la sainte messe, quatre heures avant sa mort.

À la mort du serviteur de Dieu, l’Opus Dei, répandu sur les cinq continents, comptait avec plus de 60.000 membres, représentants de 80 nationalités. La racine d’une telle fécondité tient à l’actualité du message spirituel du fondateur de l’Opus Dei et en même temps, à l’exemple vivant du serviteur de Dieu lui-même. En proclamant l’appel à la sainteté à travers les occupations quotidiennes, il apprit que toute acte humain est sanctifiable, sanctifiant et sanctificateur et contribue à l’édification du peuple de Dieu.

En enseignant que tous se doivent de chercher la sainteté dans le cadre de leur vie ordinaire, mgr Escriva préconisa que le travail doit être considéré comme l’instrument et le cadre de la sanctification. De ce fait, tout en soulignant l’importance d’atteindre la plus grande perfection possible dans l’accomplissement des devoirs temporels, il insistait sur la nécessité de les réaliser en union à Dieu moyennant la grâce et dans une piété vivante et sincère. D’où son attachement à mettre en relief la primauté des sacrements dans l’édification d’une existence authentiquement chrétienne, et à encourager les âmes à la pratique de l’oraison.

À la base de la spiritualité du serviteur de Dieu, l’on trouve une profonde perception du mystère de Jésus, Dieu parfait et homme parfait, qui dans une unité de vie enlace harmonieusement le divin et l’humain. Dans sa vie personnelle, il a montré cette fusion intime de la contemplation et l’action, de la vie intérieure et l’activité quotidienne. Les vertus surnaturelles étaient unies à ses vertus humaines et faisaient de lui l’exemple d’une sainteté tissée de simplicité et de naturel, construite sur la fidélité dans les petites choses. Il vivait profondément le sens de la filiation divine, qui se manifestait dans un abandon confiant en Dieu le Père, en la primauté de la prière sur l’effort humain qui pouvait ainsi devenir un travail fait avec Dieu et pour Dieu, dans un ardent amour à l’Humanité du Christ, dans une dévotion tendre et forte à la Sainte Vierge, à saint Joseph et aux saints anges gardiens, dans un esprit surnaturellement optimiste, à la joie contagieuse.

Avec cette unité de vie, le serviteur de Dieu ne considéra pas l’apostolat comme une activité de plus parmi tant d’autres, ni comme une mission réservée à quelques experts en affaires ecclésiastiques, mais comme un devoir constant concernant tout fidèle, compte tenu des grâces reçues au baptême et à la confirmation et successivement développées par les autres sacrements, à vivre en toute circonstance.

Ces enseignements-là parmi d’autres, — et l’on pense ici à sa façon de considérer la sainte messe comme le centre et la racine de la vie intérieure, à tout l’amour dont il entoura le sacrement de l’Eucharistie, et toute la liturgie —, ont été la source de bienfaits indéniables chez les prêtres aussi, pour lesquels, la doctrine prêchée par le serviteur de Dieu, est une source de fruits d’une portée insoupçonnée.

Mgr Escriva vécut son propre ministère comme un service désintéressé à l’Église et apprit à ses enfants, répartis dans le monde, à agir dans une ferme union avec la hiérarchie ordinaire et dans une fidélité absolue au magistère, de sorte que, dans tous les diocèses où l’Opus Dei travaille, la fidélité au pontife romain et la loyauté à la hiérarchie sont des caractéristiques notoires.

L’amour de la vraie liberté, principe si cher à la mentalité contemporaine, joue un rôle déterminant dans le message de mgr Escriva. Il a surtout insisté sur la liberté dans les questions d’ordre temporel, indispensable à l’action des chrétiens dans le monde. Il a voulu que la liberté soit toujours exercée dans la responsabilité et dans le respect des normes établies par la foi et la morale, selon les enseignements du magistère de l’Église. Il a scrupuleusement respecté les options légitimes de tous les chrétiens en matière discutable. Il a ainsi défendu une propriété inaliénable de la vocation séculière chrétienne et sauvegardé la finalité exclusivement surnaturelle de l’Opus Dei.

On doit tout spécialement souligner l’attrait que la spiritualité du serviteur de Dieu exerce sur les intellectuels : des étudiants, des professeurs, des professionnels des branches les plus variés, notent la grande force d’un message dans lequel la vie intérieure et l’attachement à atteindre une compétence professionnelle sérieuse, sont deux aspects également nécessaires dans le cheminement vers Dieu. De même, des employés, des paysans, des ouvriers, parents et enfants, hommes et femmes, toutes les composantes de la société civile — les gens de la rue, monsieur tout le monde, comme disait mgr Escriva — trouvent dans cet esprit l’aide pour découvrir le dessein divin de salut qui gît dans les plus petites réalités de la vie. La figure de ce prêtre est ainsi d’une actualité pérenne et devient le point de référence d’où la lumière de l’apostolat chrétien rayonne sur la société de tous les temps.

Ceci est confirmé par l’étendue de la renommée de sainteté qui l’auréolait déjà de son vivant, étayée par de nombreux témoignages, très autorisés. Depuis que le Seigneur l’a rappelé à lui, cette renommée n’a fait que se répandre, avec une spontanéité significative. Le saint-père a reçu des milliers de lettres — de personnalités éminentes et de gens tout simples —, lui demandant d’ouvrir la cause de béatification et canonisation du serviteur de Dieu. Parmi ces lettres, nous tenons à mentionner celle de la conférence épiscopale du Lazio, qui exprime sa reconnaissance pour la fécondité du travail sacerdotal de mgr Escriva à Rome. Des personnes de toutes les couches de la société, des nationalités les plus diverses, témoignent du cumul de faveurs, grandes ou petites, spirituelles et matérielles, obtenues du ciel par le recours à l’intercession du serviteur de Dieu. La crypte de l’oratoire de Sainte-Marie-de-la-Paix, au siège central de l’Opus Dei, où reposent les restes mortels du fondateur, est le but d’un pèlerinage ininterrompu de fidèles qui comptent sur sa médiation auprès de Dieu pour lui confier tous leurs besoins ou qui viennent le remercier pour les bienfaits obtenus.

Face à cette réalité, le président général de l’Opus Dei, le révérend mgr Alvaro del Portillo, a nommé postulateur de la cause de béatification et canonisation du serviteur de Dieu Josémaria Escriva de Balaguer, le révérend Flavio Capucci, dont la charge fut officiellement reconnue le 4 février 1978. À la demande du postulateur, persuadés des bienfaits que l’accueil de notre demande entraînera pour la Sainte Église, en date du 15 mars 1980, nous avons élevé au siège apostolique, l’instance de concession du Nihil obstat pour l’introduction de cette cause, en y adjoignant les documents requis par le motu propio Sanctitas clarior.

Après une étude attentive de la documentation, la sainte congrégation pour les causes des saints, dans son congrès ordinaire du 30 janvier 1981, a accordé le Nihil obstat afin que la cause soit introduite. Le saint-père Jean Paul II, le 15 février 1981, a ratifié et confirmé la décision de la sainte congrégation.En vertu de ce qui est exposé et des facultés qui nous reviennent d’après le code de droit canonique et du motu propio Sanctitas clarior, NOUS DÉCRÉTONS l’introduction canonique de la cause de béatification et canonisation du serviteur de Dieu Josémaria Escriva de Balaguer, prêtre, fondateur de l’Opus Dei, et l’instruction du procès canonique correspondant en date du 12 mai 1981.

Ugo cardinal Poletti. Vicaire generalRome, le 19 février 1981