9 janvier : Anniversaire du fondateur de l'Opus Dei

Nous fêtons le 9 janvier 2009 le 107e anniversaire du fondateur de l'Opus Dei. Nous vous proposons à cette occasion un extrait d'une homélie qu'il a prononcée en 1967, sur le campus de l'Université de Navarre, dans laquelle il explique la sanctification du travail. Regardez également la chaine de vidéos consacrée à saint Josémaria sur Youtube.

Je n'ai cessé de l'enseigner en utilisant des paroles de la Sainte Écriture : le monde n'est pas mauvais, puisqu'il est sorti des mains de Dieu, puisqu'il est sa création, puisque Yahvé l'a contemplé et a vu qu'il était bon (Cf. Gn 1, 7 et s.). C'est nous, les hommes, qui le rendons laid et mauvais, par nos péchés et nos infidélités. N'en doutez pas, mes enfants : toute forme d'évasion hors des honnêtes réalités quotidiennes est pour vous, hommes et femmes de ce monde, à l'opposé de la volonté de Dieu.

Tout au contraire, vous devez maintenant comprendre — avec une clarté nouvelle — que Dieu vous appelle à le servir dans et à partir des tâches civiles, matérielles, séculières de la vie humaine : c'est dans un laboratoire, dans la salle d'opération d'un hôpital, à la caserne, dans une chaire d'université, à l'usine, à l'atelier, aux champs, dans le foyer familial et au sein de l'immense panorama du travail, c'est là que Dieu nous attend chaque jour. Sachez-le bien : il y a quelque chose de saint, de divin, qui se cache dans les situations les plus ordinaires et c'est à chacun d'entre vous qu'il appartient de le découvrir.

J'avais l'habitude de dire à ces étudiants et à ces ouvriers, qui se joignaient à moi vers les années trente, qu'ils devaient savoir matérialiser la vie spirituelle. Je voulais de la sorte éloigner d'eux la tentation, si fréquente alors comme aujourd'hui, de mener une espèce de double vie : d'un côté la vie intérieure, la vie de relation avec Dieu; de l'autre, une vie distincte et à part, la vie familiale, professionnelle, sociale, pleine de petites réalités terrestres.

Non, mes enfants ! non, il ne peut y avoir de double vie, nous ne pouvons être pareils aux schizophrènes si nous voulons être chrétiens; il n'y a qu'une seule vie, faite de chair et d'esprit et c'est cette vie-là qui doit être — corps et âme — sainte et pleine de Dieu : ce Dieu invisible, nous le découvrons dans les choses les plus visibles et les plus matérielles.

Il n'y a pas d'autre chemin, mes enfants : ou nous savons trouver le Seigneur dans notre vie ordinaire, ou nous ne le trouverons jamais. Voilà pourquoi je puis vous dire que notre époque a besoin qu'on restitue, à la matière et aux situations qui semblent les plus banales, leur sens noble et originel, qu'on les mette au service du Royaume de Dieu, qu'on les spiritualise, en en faisant le moyen et l'occasion de notre rencontre continuelle avec Jésus-Christ.

Le sens authentique du christianisme — qui professe la résurrection de toute chair — s'affronte toujours, comme il est logique, avec la désincarnation , sans crainte d'être taxé de matérialisme. Il est donc permis de parler d'un matérialisme chrétien qui s'oppose audacieusement aux matérialismes fermés à l'esprit. Que sont les sacrements — empreintes de l'Incarnation du Verbe, comme l'affirmaient les anciens — sinon la manifestation la plus claire de ce chemin que Dieu a choisi pour nous sanctifier et nous mener au ciel ? Ne voyez-vous pas que chaque sacrement témoigne de l'amour de Dieu, dans toute sa force créatrice et rédemptrice, qui nous est concédé à l'aide de moyens matériels ? Qu'est l'Eucharistie — imminente déjà — sinon le Corps et le Sang adorables de notre Rédempteur, qui nous sont offerts à travers l'humble matière de ce monde — le vin et le pain —, à travers les éléments de la nature, cultivés par l'homme (Cf.Concile Vatican II, constitution pastorale Gaudium et Spes, 38) , ainsi qu'a voulu le rappeler le dernier concile oecuménique ?

L'on comprend, mes enfants, que l'Apôtre pouvait écrire : tout est à vous; mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu (1 Co 3, 22-23) . Il s'agit d'un mouvement ascendant que le Saint-Esprit, partout présent en nos coeurs, entend provoquer dans le monde : à partir de la terre, jusqu'à la gloire du Seigneur. Et pour qu'il fût clair que même ce qui semble le plus prosaïque était inclus dans ce mouvement, saint Paul écrivait également : soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, et quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu (1 Co 10, 31) .

Cette doctrine de la Sainte Écriture qui est, comme vous le savez, au centre même de l'esprit de l'Opus Dei, doit vous mener à réaliser votre travail avec perfection, à aimer Dieu et les hommes en faisant avec amour les petites choses habituelles de la journée, découvrant ainsi ce quelque chose de divin qui se trouve enfermé dans les détails. Comme ils viennent à propos ces vers du poète castillan : Tout doucement, tournez bien les lettres : Bien faire les choses

Est plus important que de les faire

(Despacito, y buena letra : / el hacer las cosas bien / importa más que el hacerlas. A. Machado. Poesías completas, CLXI. — Proverbios y cantares, XXIV, Espasa Calpe. Madrid, 1940.)) .

Je vous assure, mes enfants, que lorsqu'un chrétien accomplit avec amour les actions quotidiennes les moins transcendantes, ce qu'il fait déborde de transcendance divine. Voilà pourquoi je vous ai dit, répété et ressassé inlassablement, que la vocation chrétienne consiste à convertir en alexandrins la prose de chaque jour. Sur la ligne de l'horizon, mes enfants, le ciel et le terre semblent se rejoindre. Mais non, là où ils s'unissent, en réalité, c'est dans vos coeurs, lorsque vous vivez saintement la vie ordinaire

Vivre saintement la vie ordinaire, vous disais-je à l'instant. Et par ces mots, j'entends le programme tout entier de vos préoccupations quotidiennes. Laissez donc les rêves, les faux idéalismes, les fantaisies, en un mot, ce que j'ai coutume d'appeler la mystique du si — ah ! si je ne m'étais pas marié, ah ! si je n'avais pas cette profession, ah ! si j'avais une meilleure santé, ah ! si j'étais jeune, ah ! si j'étais vieux ! — et, en revanche, tenez-vous-en à la réalité la plus matérielle et la plus immédiate, car c'est là que se trouve le Seigneur : Voyez mes mains et mes pieds, dit Jésus ressuscité : C'est bien moi ! Touchez-moi et rendez-vous compte qu'un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'en ai (Lc 24, 39) .

Ils sont multiples, les aspects du milieu séculier où vous évoluez, qu'éclairent ces vérités. Pensez, par exemple, à l'ensemble de vos activités en tant que citoyens dans la vie civile. Un homme qui sait que le monde — et non seulement l'église — est son lieu de rencontre avec le Christ, aime ce monde, tâche d'acquérir une bonne préparation intellectuelle et professionnelle, établit en toute liberté ses propres jugements sur les problèmes du milieu où il évolue; et, par conséquent, il prend ses propres décisions, lesquelles, parce qu'elles sont les décisions d'un chrétien, procèdent en outre d'une réflexion personnelle, qui tente humblement de saisir la volonté de Dieu dans les détails, petits et grands, de la vie.