Trois mots pour une relance

Trois nouvelles invocations seront insérées dans les « Litanies de Lorette », dédiées à la Vierge Marie : "Mère de miséricorde", "Mère de l’espérance", et "Réconfort des migrants", par décision du Pape François. En voici un commentaire fait par l'auteur de l'e-book : "Les Litanies de Lorette"

Trois fleurs fraîches enrichissent désormais la guirlande des litanies de Lorette. Aucun pape n’a fait autant. La décision pontificale est une réponse sage pour ces moments critiques. La dévotion mariale est symbolisée, dans les armoiries du pape François, par l’étoile du matin ; dans le combat contre le mal, elle se déploie comme un étendard qui présage victoire. Un « parfum de vie » (2 Corinthiens 2, 16), que les enfants aspirent dans le giron de leur Mère.

Illustration : B. Buon, relief en pierre (1450) pour l’Ecole de la Miséricorde St-Marc, de Venise (au Musée Victoria, Londres).

Les litanies du rosaire ont grandi au fil de la contemplation et de l’action : tantôt comme nouvelles nuances sur les qualités et la mission de Notre Dame ; tantôt par des besoins pressants dans le pèlerinage du Peuple de Dieu. Les papes ont recommandé cette dévotion, qui rapproche du Christ et de la louange céleste. De temps en temps, l’Eglise éprouve le besoin d’en rajouter. Cette année 2020, les défis à la survie, au travail, à la vie familiale ou à la célébration des sacrements ont éveillé le désir de mettre à contribution la Sainte Vierge. Le Saint Esprit y pousse.

Les nouveaux compliments déclarent la miséricorde de Marie, son élan d’espérance et sa puissance de réconfort. La Congrégation pour le Culte divin, par le décret de samedi dernier, a tenu à préciser la place des formules ajoutées : les deux premières sont insérées dans le cadre de la maternité spirituelle : « Mère de Miséricorde » (Mater Misericordiae), après « Mère de l’Eglise » ; et « Mère de l’espérance » (Mater Spei), après « Mère de la grâce » ; la troisième invocation, « Réconfort des migrants » (Solacium migrantium), est placée après « Refuge des pécheurs », parmi les intercession de secours qui précèdent les titres de royauté.

L’expression « Mère de Miséricorde » fait surface dans l’antienne médiévale Salve Regina, qui a inspiré les dévots et les artistes. Saint Jean-Paul II mit à l’honneur ce rôle dès sa deuxième encyclique, sur le Père de toute Miséricorde : la Vierge Marie a accueilli le Fils de Dieu, qui est la Miséricorde en Personne, elle a contribué ensuite à le manifester au monde, et s’est associée sans réserve à la rédemption. Dans les temps de prolifération du mal, Marie est un rempart contre « le mystère de l’iniquité » (2 Thessaloniciens 2, 7), un doux bouclier dans la lutte.

La Sagesse divine est évoquée, dans certains témoins de l’Ancien Testament, comme « Mère de la sainte espérance » (Ben-Sirac 24, 17). La Sagesse aimante garantit le pardon et la grâce. Les experts en miséricorde sont aussi des témoins d’espérance. La Liturgie n’a pas hésité à appliquer telle fonction à celle qui, avant l’Incarnation du Verbe, a incarné l’espérance d’Israël. Notre Dame corrige ainsi présomption et essoufflements ; fait entrer dans l’espérance de la fidélité et de la gloire. De même, dans les moments de détresse matérielle en raison de la maladie, du chômage ou des impasses affectives, l’espérance divine peut nous tremper par les caresses de la Mère.

Le drame des réfugiés qui, parmi d’autres fléaux, touche un nombre important de familles, interpelle la conscience des gouvernants et des citoyens. Dans une culture du mépris, la détresse est souvent escamotée. De fait, les « fils d’Eve, exilés dans cette vallée de larmes », partagent, sur le plan spirituel, l’état d’« étrangers et voyageurs sur la terre » (Hébreux 11, 13). Un regard sensible, envers les démunis, ne saurait manquer de la part de celle qui a connu les aléas de l’exil dans les dunes du désert. « Lors de la fuite en Égypte, l’Enfant Jésus fait l’expérience, avec ses parents, de la condition tragique de personne déplacée et de réfugié, caractérisée par la peur, l’incertitude, les désagréments » (pape François, Message, 2020).

La symphonie mariale s’enrichit avec des nouveaux accords. Le pape a fixé la partition ; à nous de l’interpréter avec l’art de notre amour filial.

Abbé Antoine Fernandez