Prenons soin de notre maison commune, encyclique du pape François

Cette deuxième encyclique du pape, datée du 24 mai, en la solennité de la Pentecôte, a été publiée hier. Voici une approche du document.

Cette deuxième encyclique du pape, datée du 24 mai, en la solennité de la Pentecôte, a été publiée hier. Voici une approche du document à télécharger intégralement en pdf.

Darren Johnson, <i>Working Environment</i>

« Quel genre de monde voulons-nous laisser à ceux qui nous succèdent, aux enfants qui grandissent ? » (n.160) Cette question est au cœur de « Laudato si », deuxième encyclique du pape François sur le soin de notre maison commune, publiée ce matin à la Salle du Synode, au Vatican.

Pour le saint-père « cette question ne concerne pas seulement l'environnement en tant que tel puisqu'on ne saurait se la poser de façon fragmentaire ». En effet, elle nous encourage à nous interroger sur le sens de l'existence et sur la valeur de la vie sociale : « Pourquoi sommes-nous en ce monde ? Pourquoi sommes nous en vie ? Pourquoi travaillons-nous et nous battons-nous ? Pourquoi cette terre a-t-elle besoin de nous ? ». «Si nous ne nous posons pas ces questions de fond, dit le pape, je doute que nos préoccupations écologiques puissent déboucher sur des résultats importants ». Le titre du document reprend l'invocation de saint François d'Assise dans son « Cantique des créatures » et rappelle que la terre, notre maison commune, « est aussi comme une sœur avec laquelle nous partageons notre existence et comme une mère, toute belle, qui nous accueille dans ses bras » (n.1)

Non à la culture du rejet

Nous constatons aujourd'hui que cette terre, maltraitée et saccagée, lance un cri (n.2) et que sa clameur rejoint tous les abandonnés du monde, les rejetés de la société. Aussi, le pape François invite-t-il à les écouter, à les appeler tous et chacun à une « conversion écologique » et en reprenant cette expression de saint Jean-Paul II, il appelle à « changer de cap » en relevant le défi urgent et beau du « soin de notre maison commune ». En même temps, le pape François reconnaît « que l'on perçoit une sensibilité croissante concernant l'environnement et le soin de la nature et une préoccupation grandissante, sincère et déchirante, pour ce qui se passe dans notre planète » (n. 19), ouverte à ce regard d'espoir qui éclaire toute l'encyclique qui nous adresse à tous un message clair et plein d'espérance : L'humanité est encore en mesure de contribuer à la construction de notre maison commune » (n.13) et de travailler à la cuture de la rencontre et de la solidarité.

Wanderlass, <i>Gabajillion of sardines</i>

Le soin de la Création nous concerne tous

Le pape François s'adresse, bien évidemment aux fidèles catholiques en reprenant les paroles de saint Jean-Paul II : « « les chrétiens, notamment, savent que leurs devoirs à l’intérieur de la création et leurs devoirs à l’égard de la nature et du Créateur font partie intégrante de leur foi » (n.64), ceci dit, il se « propose spécialement d’entrer en dialogue avec tous au sujet de notre maison commune.» (n. 3): ce dialogue traverse tout le texte et c'est au chapitre 5 qu'il devient un instrument pour faire face aux problèmes et les résoudre. Dès le départ, le saint-père rappelle aussi que « d'autres Églises et d'autres Communautés chrétiennes, tout comme d'autres religions, ont profondément travaillé sur ce sujet en apportant leur précieuse réflexion » sur le thème de l'écologie (n.7). À plusieurs reprises, le pape remercie les protagonistes de cet effort, aussi bien les individus que les associations ou les institutions, en reconnaissant que « la réflexion d'innombrables scientifiques, philosophes, théologiens et organisations sociales a enrichi la pensée de l'Église sur ces questions-la» (n.7). Il invite tout le monde à reconnaître « la richesse que les religions peuvent apporter à une écologie intégrale et au total développement du genre humain » (n. 62)

Structure de l'encyclique

Cette structure, évoquée au n. 15, comprend six chapitres. À partir de l'écoute de la situation que l'état actuel de la connaissance scientifique nous livre aujourd'hui (ch.1 ), il a recours à la lumière de la Bible et de la tradition judéo-chrétienne (ch. 2) pour détecter que les racines du problème (ch.3) se trouvent dans la technocratie et le repli auto-référentiel excessif de l'être humain. La proposition de l'encyclique (ch. 4) est celle d'une « écologie intégrale qui intègre clairement les dimensions humaines et sociales » (137), inséparablement liées à la situation environnementale.

Kevin Jaako, <i>Wheat fields</i>

Dans cette optique-là, le pape François propose (ch.5) d'entreprendre un dialogue honnête à tous les niveaux de la vie sociale qui facilite des processus de prise transparente de décisions. Il rappelle au ch. 6 qu'aucun projet ne saurait être efficace s'il n'est pas inspiré par une conscience formée et responsable, qui puisse suggèrer des principes pour travailler dans ce sens au niveau d'une éducation, spirituelle, ecclésiale, politique et théologique

À la fin du texte l'on trouve deux prières : l'une à partager avec tous ceux qui croient en « un Dieu créateur tout-puissant » (n. 246) et l'autre, proposée, au rythme du leitmotiv « Laudato si » qui ouvre et ferme l'encyclique, à ceux qui professent leur foi en Jésus-Christ.

Axes thématiques

Le texte est construit autour de plusieurs axes thématiques, envisagés sous divers points de vue et qui lui donnent une forte cohérence interne : « Le lien intime entre les pauvres et la fragilité de la planète, la conviction que dans le monde tout se tient, la critique du nouveau paradigme et des formes de pouvoir qui découlent de la technologie, l'invitation à chercher d'autres façons de comprendre l'économie et le progrès, la valeur personnelle de toute créature, le sens humain de l'écologie, le besoin de débats sincères et honnêtes, la grave responsabilité de la politique internationale et locale, la culture du rejet et la proposition d'un nouveau style de vie. » (n. 16).

Clé de lecture

Les événements récents, à rapprocher de la publication de cette encyclique, ont provoqué des attentes diverses concernant surtout les aspects liés aux politiques environnementales qui sont aujourd'hui sur le tapis.

Certes, l'encyclique du pape François est à même d'avoir un retentissement sur les choix importants et urgents à faire dans ce domaine. Ceci dit, on ne doit pas reléguer à la deuxième place la nature magistérielle, pastorale et spirituelle de ce document dont l'ampleur, la profondeur et le message ne sauraient être réduits au domaine des décisions des politiques environnementales.

Aussi, il est important de « situer » l'encyclique dans son propre contexte, celui de la réalité de la foi qui, comme nous le rappelle le livre de la Genèse, croit que Dieu créateur a fait de l'homme le gardien de la création pour qu'il conserve et qu'il rénove la maison commune.