Méditation sur la paix

À l'occasion de la "journée internationale de la paix" (21 septembre) nous publions à nouveau cette réflexion sur la paix à partir de ces thèmes : heureux les artisans de la paix ; aider par le réalisme de notre prière et forger la paix à partir de la famille.

- Heureux les artisans de paix

- Aider par le réalisme de notre prière

- Forger la paix à partir de la famille


    « VOYANT les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait : […] “Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu” » (Mt 5, 1-2.9). Dans l’Évangile selon saint Matthieu, le Seigneur, avant de confirmer ses paroles par des prodiges, nous enseigne avec les béatitudes le chemin vers le bonheur sur la terre et au ciel. Le chemin, aussi surprenant que cela puisse paraître, n’est autre que d’être pauvre en esprit, de se préoccuper de la douleur des autres, de rechercher la justice, d’avoir un cœur pur, de ne pas rendre le mal pour le mal… Et aussi d’être quelqu’un qui construit la paix.

    Saint Paul VI, au milieu des années 1970, a déclaré que « malheureusement, alors que l’expérience tragique de la dernière guerre mondiale recule dans le domaine de la mémoire, nous devons enregistrer une résurgence de l’esprit de dispute entre les nations » [1]. Saint Jean Paul II, constatant une atmosphère similaire, soulignait à la fin de l’année 1989 que « la mémoire vigilante du passé doit rendre nos contemporains attentifs aux abus toujours possibles dans l’usage de la liberté que la génération de ce temps a conquise au prix de tant de sacrifices. Le fragile équilibre de la paix, poursuit-il, pourrait être compromis si les consciences s’éveillaient à des maux tels que la haine raciale, le mépris des étrangers, la ségrégation des malades ou des personnes âgées, l’exclusion des pauvres ou le recours à la violence privée et collective » [2]. Et de nos jours, le pape François, tenant compte à la fois des conflits dans diverses parties du monde et de l’interdépendance toujours plus grande entre les pays, a affirmé que l’on pouvait parler d’une « guerre mondiale en morceaux » [3]. Dans ce contexte, comment donner une vie aux paroles de paix que Jésus a adressées à ses disciples ? Comment être ces artisans de paix qui cherchent à atteindre la béatitude ?

    « Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix » (Is 52, 7), dit le prophète Isaïe, en se référant au Christ et, en lui, à nous tous qui voulons suivre son chemin. Face à l’impuissance et à l’incompréhension que peut générer la violence, nous sommes appelés à être des semeurs d’espoir. « La réalisation de la paix dépend dans une large mesure de la reconnaissance que, en Dieu, nous sommes une seule famille humaine […]. La paix n’est pas un rêve, ce n’est pas une utopie : la paix est possible » [4], a encouragé Benoît XVI. Dans son discours sur les béatitudes, Jésus lie la paix à la filiation : « Ou bien nous sommes frères, ou bien tout s’écroule » [5].


    « PAIX, vérité, unité, justice. Comme il semble difficile parfois de surmonter les barrières qui s’opposent à la bonne entente entre les hommes. Et pourtant nous, les chrétiens, nous sommes appelés à réaliser ce grand miracle de la fraternité » [6], disait saint Josémaria. Depuis les temps les plus reculés, Dieu a voulu nous révéler la tristesse qui naît de la violence entre ses enfants. « Où est ton frère ? » (Gn 4, 9), demande-t-il à Caïn dans le livre de la Genèse ; c’est une question qui résonne à travers les siècles, nous rappelant la tâche de prendre soin de ceux qui nous accompagnent sur cette terre. Ce « miracle de la fraternité » attend notre coopération, notre engagement positif, car nous pouvons tous aider d’une manière ou d’une autre. Tout d’abord, Dieu compte sur nos prières ; si nous regardons bien, à la sainte messe nous prions sans cesse pour la paix.

    Il est logique que, sachant que nous sommes les enfants d’un même Père, nous nous intéressions à ce qui se passe dans le monde entier. Vivre la communion des saints nous fait vivre le destin de beaucoup d’autres gens comme nous. Dans un monde interconnecté et presque immédiat, il est compréhensible de vouloir toujours savoir ce qui se passe, d’être attentif aux médias qui nous rapprochent de ces lieux. Cependant, il peut arriver que « la vitesse à laquelle les informations se succèdent dépasse notre capacité de réflexion et de jugement […]. Le monde de la communication peut nous aider à grandir ou, au contraire, nous désorienter » [7]. Dans ce contexte, nous avons la responsabilité d’apprendre à être bien informé et pas seulement de manière superficielle, sans faire violence à la réalité, il peut aussi être bon d’être attentif à un éventuel trouble en voulant tout savoir en temps réel, ou avoir le plus de détails possibles. Le prélat de l’Opus Dei, se référant au métier de la communication, soulignait que seul « un communicateur serein sera capable d’infuser le sens chrétien dans le flux inévitablement rapide de l’opinion publique » [8] De même, seul un consommateur serein de nouvelles sera capable d’assimiler les informations avec un sens chrétien.

    « La compréhension commence lorsque nous essayons de voir des personnes concrètes et non des « foules » au centre de toute relation de communication, même si ces gens ne sont pas physiquement présents. Nous ne les voyons pas, mais ils sont là, dans toute leur dignité, surtout lorsqu’ils sont les plus vulnérables » [9] Cet équilibre dans la dénonciation des conflits peut être atteint si nous vivons le réalisme qui nous donne une vie de prière et de charité envers nos proches ; un réalisme forgé dans le silence et dans la vie concrète, qui pousse notre désir de servir, ici et maintenant, au sein de notre famille et de notre profession. La vie contemplative nous amène à nous préoccuper de ce que nous pouvons réellement changer : d’abord en nous-mêmes, puis dans notre environnement, pour tout remplir de paix.


    « NE RENDEZ à personne le mal pour le mal, dit saint Paul aux Romains. Mais cherchez à faire le bien aux yeux de tous les hommes. S’il est possible, autant qu’il est en votre pouvoir, vivez en paix avec tous les hommes » (Rm 12, 17-18). Notre aspiration à la paix dans tant de régions du monde peut être une bonne impulsion pour faire de même dans notre environnement. Peut-être avons-nous nous aussi nos propres petites batailles domestiques, ou des querelles avec des gens que nous voyons tous les jours. La sagesse du peuple juif avait un dicton : « Gloire à l’homme qui évite un procès ! Tous les insensés s’y précipitent ! » (Pr 20, 3), et cela est vrai tant au niveau politique qu’au niveau domestique. Saint Jean Paul II, que l’on a appelé le pape de la famille, a compris que c’est précisément dans cet environnement que peut être semé un avenir de paix pour le monde : « Les jeunes enfants apprennent très tôt à connaître la vie. Ils observent et imitent la manière dont les adultes agissent. Ils apprennent rapidement l’amour et le respect des autres, mais ils assimilent aussi rapidement les poisons de la violence et de la haine. L’expérience qu’ils ont vécue dans la famille, poursuivait le pape polonais, conditionnera fortement les attitudes qu’ils adopteront à l’âge adulte. Par conséquent, si la famille est le premier lieu où ils s’ouvrent au monde, elle doit être pour eux la première école de la paix » [10].

    « À l’intérieur de nous-mêmes nous trouvons aussi bien la paix que la guerre » [11], écrivait saint Josémaria. « Si la source d’où jaillit la violence se trouve dans le cœur des hommes, alors il est essentiel de parcourir le chemin de la non-violence d’abord au cœur de la famille […]. La famille est l’espace indispensable où les époux, les parents et les enfants, les frères et les sœurs apprennent à communiquer et à s’occuper les uns des autres de manière désintéressée, et où les désaccords ou même les conflits doivent être surmontés non par la force, mais par le dialogue, le respect, la recherche du bien de l’autre, la miséricorde et le pardon. Du cœur de la famille, la joie se répand dans le monde et rayonne dans toute la société » [12]. Le fondateur de l’Opus Dei, dans sa recherche de la paix, s’est tourné vers Marie ; en elle nous pouvons trouver, tout d’abord, notre paix intérieure et, en gravissant l’échelle, la paix dans notre environnement, dans notre travail, dans notre ville. « Sainte Marie est la Reine de la paix : l’Église la prie sous ce vocable. C’est pourquoi, lorsque le trouble agite ton âme, ton milieu familial ou professionnel, ou encore la vie en société, les relations entre les peuples, ne cesse pas de l’acclamer sous ce titre : Regina pacis, ora pro nobis ! — Reine de la paix, priez pour nous ! As-tu au moins essayé, quand la tranquillité vient à te manquer ?… — Tu seras surpris de son efficacité immédiate » [13]         


    [1]. Saint Paul VI, Message, 1er janvier 1974.

    [2]. Saint Jean Paul II, Lettre apostolique, 27 août 1989.

    [3]. Pape François, Fratelli tutti, n° 259.

    [4]. Benoît XVI, Message 1er janvier 2013.

    [5]. Pape François, Vidéo-message, 4 février 2022.

    [6]. Saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 157.

    [7]. Pape François, Message, 1er juin 2014.

    [8]. Mgr Fernando Ocariz, Discours, 19 avril 2018.

    [9].Ibid.

    [10]. Saint Jean Paul II, Message, 1er janvier 1996.

    [11]. Saint Josémaria, Sillon, n° 852.

    [12]. Pape François, Message, 1er janvier 2017.

    [13]. Saint Josémaria, Sillon, n° 874.

    Andrés Cárdenas