Le Christ, miroir de nos fragilités

Audio du Prélat de l’Opus Dei sur la Passion du Seigneur, publié en 2020, où il contemple le Christ, torturé, fragile aux yeux des hommes : « Ecce Homo »

Traduction des réflexions de Mgr Fernando Ocariz, prélat de l’Opus Dei, en préparation de la Semaine Sainte

La liturgie du Vendredi Saint nous place directement devant le grand mystère de la Croix de Jésus-Christ.

Dans l'Évangile, nous contemplons le Seigneur à Gethsémani, fait prisonnier par une cohorte dirigée par Judas ; nous le voyons conduit devant le grand prêtre Caïphe et, après avoir été interrogé, recevoir une gifle injuste.

Puis, en présence de Pilate, le peuple crie : « Crucifie-le, crucifie-le ! » (Jn 19, 6) ; Jésus est ensuite flagellé et couronné d'épines.

Le matin du Vendredi Saint, Pilate présente le Christ, torturé et humilié, devant le peuple, en disant : Ecce Homo « voici l'homme » (Jn 19,5). Quelques heures plus tard, il sera crucifié.

Dans un célèbre tableau du Titien - l'Ecce homo - on peut voir Jésus, détruit en tant qu'homme, mais qui révèle néanmoins sa divinité et sa beauté. Dieu a voulu se rendre visible également dans la vulnérabilité.

Ecce homo (Titien) 1547 ; Musée du Prado (Madrid - Espagne)

Dans la souffrance et peut-être l'obscurité de tant de personnes qui souffrent dans le monde (maintenant aussi à cause de la pandémie de coronavirus), nous pouvons contempler le Christ flagellé et couronné d'épines. Saint Jean-Paul II le contemplait ainsi : « Il est l'homme, l'homme tout entier, chaque homme, dans son être unique et irremplaçable, créé et racheté par Dieu (...) Ecce homo ... ! ».

Il est vrai que nous souffrons ensemble, et il y a tellement de preuves de solidarité qui le montrent, mais finalement la douleur est ressentie par chacun, seul avec Dieu.

La solitude de Jésus montré au peuple nous rappelle ces malades qui, en raison de l'isolement de ces jours-ci, meurent sans pouvoir dire au revoir à leurs familles et ceux qui souffrent seuls de la maladie. Jésus devant le peuple ressent également la solitude. Son cri sur la Croix (« Pourquoi m'as-tu abandonné ? »), a peut-être commencé plus tôt dans le silence serein de l'Ecce Homo.

Le Christ présenté par Pilate au peuple est aussi une icône de la dignité humaine maltraitée. Il y a une mystérieuse présence de Dieu dans la souffrance de chaque personne. Chez l'innocent qui souffre d'une catastrophe naturelle ou d'une injustice humaine, mais aussi chez nous quand nous souffrons à cause de nous-mêmes, principalement à cause de nos péchés. Demandons à Dieu de nous aider, de nous sauver. Il porte toutes les conséquences des péchés des hommes. Il est notre espérance.

Jésus, blessé et doux, est aussi comme un miroir dans lequel nous nous regardons. Le Dieu qui est amour se manifeste dans les blessures du Christ souffrant.

Une présence particulière de Dieu accompagne également ceux qui se donnent aux autres de manière désintéressée, car « là où se trouvent la charité et l'amour, il y a Dieu » : Ubi caritas et amor, Deus ibi est ! Nous avons vu tant de femmes et d'hommes, qui sont comme ces bons samaritains, des figures de Jésus, dans les hôpitaux, les maisons de retraite, les familles. Nous voyons que l'individualisme et l'utilitarisme n'ont pas le dernier mot. Dans une société apparemment autosuffisante, l'Esprit de Dieu bat dans le cœur de nombreuses personnes. D'une manière ou d'une autre, Dieu est toujours présent dans l'histoire et il la féconde à nouveau avec amour.

La figure de l'Ecce Homo peut également nous aider à prendre conscience que nous sommes fragiles et souvent impuissants face à de nombreux événements, comme le Pape nous le rappelait depuis cette place Saint-Pierre vide en nous parlant de cette tempête qui révèle notre fragilité. Reconnaître cette vérité sur nous-mêmes peut nous aider à reconfigurer notre relation avec Dieu et avec les autres.

L'Évangile continue : Jésus porte le bois, il est dépouillé de ses vêtements et, apparemment, aussi de sa dignité. Au moment de la crucifixion, le Seigneur prononce ces paroles d'un psaume : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » (Mt 27,46).

Pourquoi toute cette souffrance ? Pourquoi la Croix ?

Bien que nous ne puissions pas le comprendre pleinement, la crucifixion nous révèle que là où il ne semble y avoir que de la faiblesse, Dieu manifeste sa puissance illimitée ; là où nous voyons l'échec, la défaite, l'incompréhension et la haine, c'est précisément là que Jésus nous révèle la grande puissance de Dieu : transformer la Croix en une expression d'amour et de victoire.

Dans l'épître aux Hébreux, nous lisons que sur le bois, nous trouvons « le trône de la grâce, pour obtenir miséricorde » (Hébreux 4 :16).

Ce fut l'expérience de l'un de ceux qui furent exécutés à côté du Christ au Calvaire. Le « bon larron » expérimente comment la Croix de Jésus devient le lieu où il se sait pardonné et aimé : « Aujourd'hui même tu seras avec moi au Paradis », lui dit le Seigneur (Lc 23, 43). Sur la Croix, nous entendons prononcer le mot « Paradis ».

Croix et Paradis. D'instrument de torture, de violence et de mépris, la Croix devient un moyen de salut, un symbole d'espérance ; elle est devenue une manifestation de l'amour infini et miséricordieux de Dieu. Saint Josémaria explique que sur le chemin de la Croix, nous voyons comment le Christ « se rend à la mort avec la pleine liberté de l'Amour ». Regarder le Crucifié, c'est contempler notre espérance.

Nous pouvons également la contempler en prenant un crucifix dans nos mains pour simplement regarder le Seigneur. Le pape François nous a invités à « nous laisser regarder par lui au moment où il donne sa vie pour nous et nous attire vers lui. Le Crucifix ne parle pas de défaite, d'échec ; paradoxalement, il nous parle d'une mort qui est vie, qui engendre la vie, parce qu'il parle d'amour, parce qu'il est l'Amour de Dieu incarné, et l'Amour ne meurt pas, et même il vainc le mal et la mort. Celui qui se laisse regarder par Jésus crucifié est recréé, il devient une « nouvelle créature ».

En ces temps, quelle espérance peut nous donner le regard sur le Crucifix! Il peut s'agir de ce Crucifix que nous avons dans notre chambre ou dans une autre partie de la maison. Arrêtons-nous en silence, montrons-lui nos blessures intérieures, notre fatigue, nos soucis et mettons-les entre ses mains.

De cette façon, nous expérimenterons le pouvoir transformateur de l'Amour de Dieu, qui sur la Croix embrasse les faibles et les remplit d'espoir. Et nous deviendrons aussi un signe concret de l'amour de Dieu : dans nos familles, avec nos amis, dans tous les environnements dans lesquels nous évoluons ... Dans chacun de ces « lieux » nous pouvons être un signe concret d'espoir, si nous rejoignons Jésus sur la Croix et si nous ouvrons avec Lui nos bras aux autres.

Rendons grâces de manière spéciale ce Vendredi Saint pour la miséricorde divine qui vient à nous dans le sacrement de Pénitence. Précisément en cette période de prière et de pénitence plus intenses du Carême et de Pâques, de nombreuses personnes à travers le monde ne peuvent pas s'approcher la confession.

Dans cette circonstance si particulière, le Pape nous a conseillé, il y a quelques jours, de mettre en pratique ce que dit le Catéchisme de l'Église catholique sur les actes de contrition[1] : « si tu ne trouves pas un prêtre pour te confesser, parle à Dieu, qui est ton Père, et dis-lui la vérité : « Seigneur, j'ai fait ceci, ceci, ceci ... Pardonne-moi' » et demande-lui pardon de tout ton cœur, avec un acte de douleur et cette promesse : « Je me confesserai plus tard, mais pardonne-moi maintenant. »

Le Vendredi Saint, l'Église porte son attention sur le Lignum Crucis, l'arbre de la Croix. Dans la liturgie, nous prions : « Nous adorons ta Croix, Seigneur, et nous louons et glorifions ta sainte Résurrection. À travers le bois, la joie est venue au monde ».

La Croix rayonne d'espérance sur le monde entier. Là, nous voyons le Seigneur les bras ouverts, prêt à accueillir et à guérir nos faiblesses. Et là, nous voyons aussi la Vierge Marie.

Le Titien, après l'Ecce Homo, a peint « La Vierge douloureuse avec les mains ouvertes ».

Mater Dolorosa avec les mains ouvertes (1555) ; Musée du Prado (Madrid, Espagne)

Pendant des années, les deux tableaux ont été accrochés côte à côte sur le même mur. Lorsque la souffrance apparaît dans nos vies, lorsque nous regardons Jésus, nous nous saurons également toujours accompagnés par Marie. Nous lui demandons de nous aider à rester proches de la Croix, pour donner l'espérance à ceux qui nous entourent.

[1]N° 1451 et 1452

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