Pourquoi vais-je devenir prêtre? Le Seigneur veut quelque chose; qu’est-ce donc? Et avec un latin de cuisine, je répétais : Que se fasse ce que Tu veux et que j’ignore.
« Le temps passa. Survinrent beaucoup de choses dures, terribles, que je ne vous dis pas parce que si, à moi, elles ne me causent pas de peine, vous, elles pourraient vous attrister. C’étaient des coups de hache donnés par Dieu notre Seigneur, afin de préparer, avec l’arbre, la poutre destinée, malgré sa faiblesse, à servir pour faire son Œuvre. Moi, presque sans m’en rendre compte, je répétais : Domine, ut videam ! Domine, ut sit ! J’ignorais ce dont il s’agissait, mais j’avançais, j’avançais. »
Il était entré au séminaire Saint-Charles, de Saragosse, en 1920, après avoir suivi les premières années au séminaire diocésain de Logroño, comme externe. À Saint-Charles, son comportement et ses qualités humaines lui valurent d’être nommé inspecteur par le cardinal Soldevila, qui devait être assassiné peu après par haine de la religion.
Les journées s’écoulaient à travailler et à maintenir une vie de piété intense. Josémaria se rendait tous les jours à la basilique où l’on vénère Notre-Dame du Pilier, au culte très ancien. Il se confiait à elle dans l’attente de la lumière définitive sur la volonté de Dieu. « Et moi, à moitié aveugle, attendant toujours le pourquoi. Pourquoi est-ce que je deviens prêtre ? Le Seigneur veut quelque chose, mais quoi ? Alors, dans un latin tardif, prenant à mon compte les paroles de l’aveugle de Jéricho, je répétais : Domine, ut videam ! Ut sit ! Ut sit ! Que ce soit ce que tu veux et que moi j’ignore, que cela soit. »
Sa piété se manifestait aussi par des gestes de tendresse filiale. Il racontait, par exemple : « J’ai pu un jour rester dans l’église après la fermeture des portes. Je suis allé vers la Sainte Vierge. Avec la complicité d’un de ces braves prêtres, aujourd’hui décédé, j’ai gravi les quelques marches que connaissent bien les enfants de chœur et, m’approchant, j’ai embrassé l’effigie de notre Mère. Je savais que ce n’était pas la coutume et qu’embrasser le manteau n’était permis qu’aux enfants et aux autorités. Toutefois, je suis sûr qu’il a plu à ma Mère du Pilier que je passe outre, pour une fois, aux usages en vigueur dans sa cathédrale. »
28 mars 1925, Josémaria est prêtre
Cette prière mariale correspondait à l’adoration eucharistique prolongée. Il passait beaucoup de temps dans la chapelle du séminaire. Parfois, il restait toute la nuit à prier, à une tribune supérieure. Et il consignait sur des fiches les phrases de la Sainte Écriture qu’il avait longuement méditées.
En novembre 1924, il est appelé d’urgence à Logroño : son père était mort soudainement. « Mon père mourut d’épuisement. Il avait toujours le sourire aux lèvres… » Aux souffrances des dernières années s’unissait maintenant celle-là, qui, en plus de la douleur, laissait sa famille dans une situation matérielle encore plus grave..
Alors qu’il portait encore le deuil, Josémaria fut ordonné prêtre, le 28 mars 1925, dans la chapelle du séminaire. Il célébra sa première messe à la basilique du Pilier, aux pieds de la Madone si aimée et objet de tant de supplications. Sa mère, sa sœur et quelques autres intimes étaient présents, et il offrit messe pour le repos de l’âme de son père.
À partir de ce moment là, la messe devient encore plus le centre de sa vie. C’est dans la messe qu’il devait recevoir quelques-unes des plus importantes lumières de Dieu ; c’est sur l’autel qu’il allait concentrer ses demandes, qu’il trouverait toujours sa force. C’est pourquoi, transmettant son expérience, il donnait le conseil suivant : « Un objectif pour ta lutte : que le saint Sacrifice de l’Autel devienne le centre et la racine de ta vie intérieure ; et toute ta journée rendra un culte à Dieu (prolongation de la messe que tu as entendue, préparation de la suivante) ; et un culte qui se manifestera par des oraisons jaculatoires, par des visites au Saint-Sacrement, par l’offrande de ton travail professionnel et de ta vie de famille… »