Sur la Croix, le Christ a dépouillé Satan et ses sbires, « en les traînant dans son cortège triomphal » (Colossiens 2,15). Sur l’autel, l’Église renoue avec cette geste de salut. Dans l’Eucharistie « sont rendus présents la victoire et le triomphe de sa mort » (Conc. Vatican II, Const. sur la Liturgie §6) : la passion bienheureuse, la résurrection du séjour des morts, la glorieuse ascension dans le ciel (Missel Romain, Prière Eucharistique 1, anamnèse), dans l’attente de son retour à la fin des temps.
La chair de Jésus, «vivifiante, repousse la mort»
La Fête-Dieu invite à redécouvrir « ce mystère de foi, qui renferme tous les mystères du christianisme » (Saint Josémaria, Entretiens §113). La Communion au Corps et au Sang réels du Christ, nous apporte la sainteté illimitée de son Âme et la demeure intime de sa Divinité. La chair de Jésus, « vivifiante, repousse la mort » (Saint Cyrille d’Alexandrie, Commentaire à Jean, L. IV, ch. 2).
« La sainte Eucharistie fait pénétrer chez les enfants de Dieu la nouveauté divine » (saint Josémaria)
Le donateur se fait don (Urbain IV, Bulle Transiturus, 1264) ; l’hôte devient un mets appétissant, antidote contre le péché qui guette, purification des imperfections que le cœur traîne encore, fierté d’adoration joyeuse, source de maturité. Devant la Communion, « il nous faut nous débarrasser de tout ce qui est périmé, dangereux, inutile : découragement, manque de confiance, tristesse, lâcheté. La sainte Eucharistie fait pénétrer chez les enfants de Dieu la nouveauté divine » (Saint Josémaria, Quand le Christ passe §155).
Autour de l’autel, la Trinité ne chôme pas. « Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, selon la volonté du Père et avec la puissance du Saint Esprit, tu as donné, par ta mort, la vie au monde; que ton Corps et ton Sang me délivrent de mes péchés et de tout mal; fais que je demeure fidèle à tes commandements et que jamais je ne sois séparé de toi » (Missel Romain, Liturgie de la communion). Toute la Trinité s’investit volontiers dans l’Eucharistie : la célébration du mémorial vivant et la nourriture de la Communion. L’Eucharistie divinise, pousse à la lutte contre les défauts et les tentations, guide l’évangélisation : elle est le sommet de l’agir chrétien.
Sans risque d’exagérer, la foi déclenche une marche triomphale. En écho au sage inspiré (Siracide 43, 32), Saint Thomas brode : « Tout ce qui vous est possible, osez-le, / car il est au-dessus de toute louange / et vous ne suffirez à le louer dignement » (Séquence Lauda Sion §2). À la demande du pape champenois Urbain IV, résolu à introduire la fête du Saint Sacrement dans le Patriarcat de Jérusalem et en Occident (Bulle Transiturus, 11/08 et 8/09/1264), le théologien rédigea les textes de la messe et de l’office divin.
Quarante strophes ont suffi au saint docteur pour gagner une place de choix entre les poètes latins du 13e siècle. Avec plusieurs hymnes et une séquence, auxquels on peut ajouter le poème rythmique Adoro te devote, au maximum des ressources de sa foi, il a marqué la piété catholique pour les siècles. La profondeur du théologien se déverse dans la liberté des formes poétiques : l’institution du sacrement, son contenu, ses fruits.
À la fin du Pange lingua, l’auteur reprend la liturgie céleste à la gloire de l’Agneau immolé, qui est devenu le « lion de Juda » (Apocalypse 5, 5.12) : « Au Géniteur, à l’Engendré, / notre louange et allégresse, / salut, honneur et puissance, / ainsi que toute bénédiction ; / à l'Esprit, procédant des Deux, / égale acclamation de gloire ».
L’œuvre victorieuse du salut, un parcours de combat contre le mal, se poursuit, après la Pentecôte, dans les sacrements visibles
L’Agneau de Dieu donne et reprend sa vie pour vivifier son troupeau. L’œuvre victorieuse du salut, un parcours de combat contre le mal, se poursuit, après la Pentecôte, dans les sacrements visibles : « Il fut annoncé en figure / par le sacrifice d'Isaac, / par l'immolation de l'agneau pascal, / par la manne donnée à nos pères » (Séquence Lauda Sion §22).
Durant l’exode à travers le désert, des tribus nomades voulaient barrer le passage aux Hébreux ; Moïse envoya Josué à la bataille, tandis qu’il restait en prière ; deux de ses proches soutenaient ses bras, levés vers le ciel, dans les périodes de fatigue. La Main de Dieu, à travers les mains de Moïse, remporta la victoire.
Avec une intuition déconcertante, la Bible de Saint Louis fait le lien avec les gestes de la messe. Le prêtre, tandis qu’il écrase le diable sous ses pieds, voit ses bras soutenus par le Père éternel et par le Fils, en personne, tandis que le Saint-Esprit apporte la vertu pour consacrer : « avec leur présence ils donnent au peuple la victoire contre les vices » (t. 1, Exode, f. 45: ©Moleiro, 2002). Par cette vigueur, le mal est chassé.
Le pain quotidien délivre de l’emprise de Satan, qui rôdait déjà au Cénacle, au sanhédrin et au Calvaire. Selon la louange de Notre Dame, Dieu « déploie sa puissance…, rassasie de biens les affamés » (Luc 1, 51.53). Le pain du Vainqueur offre la victoire aux humbles.