- La présence de Notre Dame auprès de la Croix de Jésus est décisive. L’évangéliste Jean souligne la nouvelle maternité de Marie sur lui-même et sur le peuple de la Nouvelle Alliance (Jean 19, 26-27).
- Les représentations de la Crucifixion, depuis le 6e siècle (à Zagba, en Syrie), montrent en effet la Mère aux pieds du Rédempteur. À l’époque de la jeunesse de Saint Louis, les artistes parisiens ont précisé, selon la tradition, cette présence féconde : comme Eve sortit du côté d’Adam endormi, ainsi l’Église est née du côté du Nouvel Adam transpercé. Aux premières loges, Marie préside à la naissance du Corps Mystique.
« Cette nouvelle maternité de Marie s'approfondit définitivement au pied de la Croix, par sa participation à l'amour rédempteur du Fils » (saint Jean-Paul II)
- Le drame de la Croix se déroule devant ce témoin d’exception : sa mère, tout près du Sauveur, « associée au sacrifice, donnant à l’immolation de la victime le consentement de son amour » (Lumen Gentium §58). La dernière Pâque, avec l’escalade irréversible de calomnies et tortures, l’a comblée de souffrances : il n’y a jamais eu de douleur pareille (Lamentations 1, 12). « Cette nouvelle maternité de Marie s'approfondit définitivement au pied de la Croix, par sa participation à l'amour rédempteur du Fils » (Saint Jean-Paul II, La Mère du Rédempteur §23).
- Saint Grégoire de Nazianze, fort de sa piété comme de sa culture profane, composa, en forme de drame classique, La Passion du Christ, où Notre Dame décrit les événements, jusqu’à la Résurrection. « Quand mon âme est inquiète et que le cœur est torturé par l’angoisse, comment le sommeil peut-il fermer mes paupières ? Mon enfant, ton meurtre est inique ! Malheur à moi pour le sort qui m’est contraire, il contredit mes espérances, même s’il est conforme aux prophéties. J’ai déjà supporté de dures épreuves depuis les tout premiers instants de ta naissance miraculeuse, mais la douleur faisait bientôt place à la joie, quand tu étais là pour dissiper mes peines ; maintenant, ma souffrance est indicible, hélas ! » (Sources Chrétiennes, n° 144 ; acte 2, versets 1818-1829).
- À partir du 13e siècle, en Toscane, la dévotion aux douleurs de la Vierge s’est diffusée puissamment dans le Peuple de Dieu. Des prières en son honneur ont été approuvées par les pasteurs. Sa mémoire a été insérée dans des calendriers liturgiques. Les représentations artistiques se multiplient ; sur le plan littéraire et musical, le Stabat Mater a nourri les esprits contemplatifs. Depuis le moyen âge tardif, le modèle de la Pietà maternelle, peint ou sculpté, a marqué la dévotion et le culte. Par la suite, le Saint-Siège autorisa une deuxième célébration, le vendredi précédant le dimanche des Rameaux. Enfin, le calendrier romain universel inséra la fête pour le mois de septembre, qui serait fixée par saint Pie X au 15 du mois.
- À la fin de 15e s., Albert Dürer reçut une commande princière pour un retable imposant : au centre, Marie médite sur le mystère de la Rédemption, en levant les yeux vers le ciel ; autour, sept panneaux offrent le détail des moments clés de ses souffrance : trois scènes de l’Enfance de Jésus et quatre de la Passion. Notre Dame prie, accepte, regarde, caresse, protège.
« Si Dieu a voulu exalter sa Mère, Marie n’en a pas moins connu durant sa vie terrestre la douleur, la fatigue, les clairs obscurs de la foi » (saint Josémaria)
Son pèlerinage de foi a bien repéré les jalons de la croix. « Si Dieu a voulu exalter sa Mère, Marie n’en a pas moins connu durant sa vie terrestre la douleur, la fatigue, les clairs obscurs de la foi » (Saint Josémaria, Quand le Christ passe, §172). Témoin privilégié des traditions d’Israël, elle a été captivée, depuis l’enfance, par la gloire du Messie à venir, mais elle a aussi été émue par les oracles du Serviteur qui expie pour son peuple. Le nom de « Jésus » exprimait déjà le heurt avec le péché du monde. Au Temple, la Vierge a écouté la prophétie d’un glaive sur son cœur ; trente ans plus tard, elle a frémi devant l’avenir de « l’Agneau de Dieu » (Jean 1, 29). À la dernière Pâque, Notre Dame était consciente de l’opposition des autorités. Elle a peut-être aperçu avec appréhension le regard fuyant de Judas et soupçonné les manœuvres des pontifes. Une escalade irréversible de calomnies et de tortures, scellées par la sentence brutale, l’a comblée de souffrances.
- « Réjouis-toi : tu donnes la force au témoignage des Martyrs ! » (Hymne Acathiste). Les prières eucharistiques nomment la Mère de Dieu avant les listes de fidèles qui ont versé leur sang. « Nous pouvons vous appeler, avec raison, plus que martyre, puisqu’en vous le sentiment de la compassion l'emporta si fort sur celui de la passion endurée par le corps » (saint Bernard, Sermon pour l’octave de l’Assomption, §14). Jésus, « source et modèle de tout martyre » (Liturgie des Heures, Commun des martyrs, Prières), appelle le chrétien à être témoin jusqu’au bout. À l’heure de notre mort, la Reine des martyrs, par la grâce de son Fils, pourra enfin nous « conduire à la palme des vainqueurs » (Mémoire de Notre Dame des Douleurs, séquence).
Le cœur du chrétien accueille la croix depuis le baptême ; il est appelé, malgré ses fragilités, à devenir un nouveau Golgotha pour hisser le rédempteur. Marie nous guide au quotidien vers ce sommet.
Illustrations : Bible de Saint Louis (1235), t. 1 f. 6 : Genèse 2, 21 © Moleiro, 2004.
A. Dürer, Polyptique de Notre Dame de sept douleurs, 1500 (panneaux dispersés ente Munich et Dresde).