Un an après le typhon Yolanda, homélie du Saint Père à l'aéroport Tacloban

Le Pape invite les philippins à regarder le Christ sur la Croix, qui nous précède et nous accompagne dans la souffrance, pour y puiser l'espérance. "Nous ne sommes pas seuls, nous avons une mère. Nous avons Jésus notre frère aîné. Nous ne sommes pas seuls. Et nous avons aussi beaucoup de frères qui, au moment de la catastrophe, sont venus nous aider. "

Dans la première lecture, nous avons entendu que nous avons un grand-prêtre capable de compatir à nos faiblesses, parce qu'il a été lui-même éprouvé en toute chose, excepté le péché (cf. Hb 4, 15). Jésus est comme nous. Jésus a vécu comme nous. Il est égal à nous en tout ; en tout excepté le péché, parce qu'il n'était pas pécheur. Mais pour être encore plus égal à nous, il s'est revêtu, il a pris sur lui nos péchés. Il s'est fait péché (cf. 2 Co 5, 21) ! C'est saint Paul que le dit, lui qui le connaissait très bien. Jésus nous précède toujours, et quand nous traversons des croix, il est déjà passé devant.

Et si aujourd'hui nous sommes rassemblés ici, quatorze mois après le passage du typhon Yolanda, c'est parce que nous avons la certitude que nous ne serons pas déçus dans la foi, parce que Jésus est passé devant. Dans sa passion, il a pris sur lui toutes nos souffrances. Et quand – permettez-moi cette confidence – quand j'ai vu, de Rome, cette catastrophe, j'ai senti que je devais venir ici. Ce jour là, j'ai décidé de faire le voyage ici. J'ai voulu venir pour être avec vous – un peu tard, me direz-vous, c'est vrai, mais je suis là.

Je suis là pour vous dire que Jésus est le Seigneur, que Jésus ne déçoit pas. L'un de vous peut me dire : « père, il m'a déçu par ce que j'ai perdu ma maison, j'ai perdu ma famille, j'ai perdu ce que j'avais, je suis malade…". C'est vrai ce que tu me dis, et je respecte tes sentiments ; mais je le vois là, cloué sur la croix, et de là, il ne nous déçoit pas ! Il a été consacré Seigneur sur ce trône, et il est passé là pour toutes nos calamités. Jésus est le Seigneur ! Et il est le Seigneur de la Croix ; il a régné là ! Pour cette raison il est capable de nous comprendre, comme nous l'avons entendu dans la première lecture : il s'est fait en tout égal à nous. C'est pourquoi nous avons un Seigneur capable de pleurer avec nous, capable de nous accompagner dans les moments les plus difficiles de la vie.

Beaucoup parmi vous ont tout perdu. Je ne sais pas quoi vous dire. Lui, si, il sait quoi vous dire ! Beaucoup parmi vous ont perdu une partie de leur famille. Restons simplement en silence, je vous accompagne par le cœur en silence…

Beaucoup parmi vous se sont demandés en regardant le Christ : " Pourquoi, Seigneur ? " Et à chacun, le Seigneur répond par le cœur. Je n'ai pas d'autres paroles à vous dire. Regardons le Christ : il est le Seigneur, et il nous comprend parce qu'il est passé par toutes les épreuves qui nous ont frappés.

Et avec Lui, crucifié, il y avait la mère. Nous sommes comme cet enfant qui est là-bas : dans les moments de douleur, de peine, dans les moments où nous ne comprenons rien, dans les moments où nous voulons nous révolter, il nous faut seulement tendre la main et nous accrocher à sa jupe et lui dire : " Maman ! ". Comme un enfant qui dit : " Maman ! " lorsqu'il a peur. C'est peut-être la seule parole qui peut exprimer ce que nous éprouvons dans ces moments sombres : " Mère ! Maman ! "

Faisons ensemble un moment de silence. Regardons le Seigneur : il peut nous comprendre parce qu'il est passé par toutes ces choses. Et regardons notre Mère, et, comme l'enfant qui est là-bas, accrochons-nous à sa jupe et disons-lui de tout notre cœur : " Mère ! " En silence, faisons cette prière, que chacun lui dise ce qu'il sent…

[Silence]

Nous ne sommes pas seuls, nous avons une mère. Nous avons Jésus notre frère aîné. Nous ne sommes pas seuls. Et nous avons aussi beaucoup de frères qui, au moment de la catastrophe, sont venus nous aider. Et ainsi, nous nous sentons davantage frères en nous aidant ; parce que nous nous sommes aidés les uns les autres.

C'est tout ce que j'ai envie de vous dire. Pardonnez-moi si je n'ai pas d'autres paroles. Mais soyez sûrs que Jésus ne déçoit pas. Soyez sûrs que l'amour et la tendresse de notre Mère ne déçoivent pas. Et, accrochés à elle comme des enfants, et avec la force que nous donne Jésus notre frère aîné, allons de l'avant. Et marchons comme des frères. Merci !

Après la communion

Nous avons célébré la passion, la mort et la résurrection du Christ.

Jésus nous a précédés sur ce chemin et nous accompagne chaque fois que nous nous réunissons pour prier et célébrer.

Merci, Seigneur, d'être aujourd'hui avec nous. Merci, Seigneur, de partager nos souffrances. Merci, Seigneur, de nous donner l'espérance. Merci, Seigneur, pour ta grande miséricorde. Merci, Seigneur, parce que tu as voulu être comme l'un de nous. Merci, Seigneur, parce que tu es toujours plus proche de nous, également dans nos moments de croix. Merci, Seigneur, parce que tu nous donnes l'espérance. Seigneur, ne nous laisse pas voler l'espérance ! Merci, Seigneur, parce que dans les moments les plus sombres de ta vie, sur la croix, tu t'es souvenu de nous et tu nous a laissé une Mère. Merci, Seigneur, de ne pas nous avoir laissés orphelins.


Quelles paroles de consolation nous venons d'entendre ! Encore une fois, il nous a été dit que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, notre Sauveur, notre grand prêtre qui nous offre miséricorde, grâce et soutien en tout ce dont nous avons besoin (cf. He 4, 14-16). Il guérit nos blessures, pardonne nos péchés et nous appelle à être ses disciples, comme il l'a fait avec saint Matthieu (cf. Mc 2, 14). Louons-le pour son amour, sa miséricorde et sa compassion. Louons notre grand Dieu !

Je rends grâce au Seigneur Jésus parce que ce matin, nous pouvons être ensemble. Je suis venu pour être avec vous, en cette ville qui a été dévastée par le typhon Yolanda il y a quatorze mois. Je vous apporte l'amour d'un père, les prières de toute l'Église, la promesse que vous n'êtes pas oubliés tandis que vous continuez la reconstruction. Ici, la tempête la plus forte jamais enregistrée sur la planète a été vaincue par la force la plus puissante de l'univers : l'amour de Dieu. Nous sommes ici ce matin pour témoigner de cet amour, de sa capacité à transformer mort et destruction en vie et communauté. La résurrection du Christ, que nous célébrons en cette messe, est notre espérance et une réalité dont nous faisons l'expérience, même présentement. Et nous savons que la résurrection survient seulement après la croix, cette croix que vous avez portée avec foi, dignité et la force donnée par Dieu.

Nous sommes réunis avant tout afin de prier pour les personnes qui sont mortes, pour toutes celles qui sont encore dispersées et pour celles qui ont été blessées. Nous recommandons à Dieu les âmes des défunts, nos mères, nos pères, nos fils et nos filles, notre famille, nos amis et voisins. Nous avons confiance qu'en arrivant en la présence de Dieu, ils ont trouvé miséricorde et paix (cf. He 4, 16). Toutefois, beaucoup de tristesse persiste ici à cause de leur absence. Pour vous qui les avez connus et aimés – et qui les aimez encore – la douleur de les avoir perdus est réelle. Mais nous regardons vers l'avenir avec les yeux de la foi. Notre douleur est une semence qui un jour débouchera sur la joie que le Seigneur a promise à ceux qui ont cru en ses paroles : ''Heureux vous qui pleurez, parce que vous serez consolés'' (cf. Mt 5, 4).

Nous sommes rassemblés ici, en outre, afin de rendre grâce à Dieu pour son aide au temps du besoin. Il a été votre force en ces mois vraiment difficiles. Tant de vies ont été perdues, il y a eu tant de souffrance et de destruction. Cependant, nous sommes encore en mesure de nous réunir et de le remercier. Nous savons qu'il prend soin de nous ; nous savons qu'en Jésus son Fils, nous avons un grand prêtre capable de compatir (cf. He 4, 15) et de souffrir avec nous. La com-passion de Dieu, sa souffrance avec nous, donne une signification et une valeur éternelles à nos efforts. Votre désir de le remercier pour toute grâce et bénédiction, même quand vous avez tant perdu, n'est pas seulement un triomphe de la capacité de résilience et de la force du peuple philippin ; c'est aussi un signe de la bonté de Dieu, de sa proximité, de sa tendresse, de son pouvoir salvifique.

Nous rendons grâce au Dieu Très Haut également pour tout ce qui a été fait pour aider, reconstruire, assister en ces mois de besoin sans précédents. Je pense en premier lieu à ceux qui ont accueilli et donné refuge au grand nombre de familles déplacées, aux personnes âgées, à la jeunesse. Comme il est dur d'abandonner sa propre maison et ses propres moyens de subsistance ! Nous remercions ceux qui ont pris soin des sans-logis, des orphelins et des personnes abandonnées. Prêtres, religieux et religieuses qui ont donné tout ce qu'ils pouvaient. Je remercie tous ceux d'entre vous qui ont logé et nourri les personnes à la recherche de sécurité dans les églises, les couvents, les bureaux et qui continuent d'assister ceux qui sont encore en difficulté. Vous êtes un honneur pour l'Église, vous êtes l'orgueil de votre nation. Je remercie personnellement chacun de vous, puisque tout ce que vous avez fait au plus petit des frères et sœurs du Christ, c'est à lui que vous l'avez fait (cf. Mt 25, 41).

Au cours de cette Messe, nous voulons aussi remercier Dieu pour les hommes et les femmes de bonne volonté qui ont rendu service comme agents de sauvetage et de secours. Nous le remercions pour toutes les personnes qui, dans le monde entier, ont offert généreusement leur propre temps, argent et biens. Les États, les organisations et les personnes individuelles partout dans le monde ont mis en première ligne ceux qui sont dans le besoin ; il s'agit d'un exemple qui devrait être suivi. Je demande aux gouvernants, aux agences internationales, aux bienfaiteurs et aux personnes de bonne volonté de ne pas se lasser. Il y a encore beaucoup à faire. Même si les gros titres des journaux ont changé, les besoins subsistent.

La première lecture d'aujourd'hui, de la Lettre aux Hébreux, nous incite à rester fermes dans notre confession, à persévérer dans la foi, à nous approcher avec confiance du trône de la grâce de Dieu (cf. He 4, 16). Ces paroles ont une résonnance spéciale en ce lieu : au milieu de grandes souffrances, vous n'avez jamais cessé de confesser la victoire de la croix, le triomphe de l'amour de Dieu. Vous avez vu la puissance de cet amour révélée dans la générosité de très nombreuses personnes à travers les nombreux petits miracles de la bonté. Mais vous avez constaté aussi, même dans le pillage, dans les déprédations et dans le manque de réponse à ce grand drame humain, bien des signes tragiques du mal dont le Christ est venu nous sauver. Prions afin que cela nous conduise à une confiance plus grande dans la puissance de la grâce de Dieu pour vaincre le péché et l'égoïsme. Prions particulièrement afin qu'il rende chacun toujours plus sensible au cri de nos frères et de nos sœurs dans le besoin. Prions afin qu'il nous aide à repousser toute forme d'injustice et de corruption, qui, en volant les pauvres, empoisonne les racines mêmes de la société.

Chers frères et sœurs, en cette grande épreuve, vous avez senti de manière spéciale la grâce de Dieu à travers la présence et l'attention affectueuse de la Bienheureuse Vierge Marie, Notre Dame du Perpétuel Secours. Elle est notre mère. Qu'elle vous aide à persévérer dans la foi et dans l'espérance et à rejoindre tous ceux qui sont dans le besoin. Avec les saints Laurent Ruiz et Pierre Calungsod et avec tous les saints, qu'Elle continue à implorer la miséricorde de Dieu et sa compassion bienveillante pour ce pays et pour tous les bien-aimés Philippins. Amen.

source :vatican.va