Dans les épisodes précédents… Pedro Casciaro, étudiant en architecture rempli de « méfiances anticléricales », rencontre Don Josemaria par curiosité. Lors de leur premier entretien, il lui demande d’être son directeur spirituel.
Semaine après semaine, grâce à la direction spirituelle, le Père m’a rapproché du Seigneur, m’aidant à améliorer mes relations avec Dieu. Pas d’un seul coup : petit à petit, avec patience, mais chaque fois avec un peu plus d’intensité ; sans hâte et sans pause. Il m’apprit à faire tous les jours un moment de prière mentale, à fréquenter le Seigneur tout au long de ma journée d’étudiant normal, à vivre en présence de Dieu. À propos de ce dernier point, je lui fis part un jour de mes difficultés :
— Mais, Père, lorsque je fais quelque chose à fond, j’y mets les cinq sens, et j’oublie totalement tout le reste.
C’était vrai : lorsque j’étudiais, je plongeais dans mes livres de telle sorte que les heures passaient rapidement, sans la moindre référence surnaturelle ; et lorsque je me mettais à dessiner, je m’absorbais tellement dans les problèmes de géométrie descriptive qu’il ne restait dans mon esprit aucune place mentale pour autre chose…
En guise de réponse, le Père me fit cadeau d’un crucifix — que je conserve toujours — pour que je le porte dans ma poche et que je le mette sur ma table de travail ou sur ma table de dessin.
— Un regard au crucifix de temps en temps, m’a-t-il dit, ou quelques oraisons jaculatoires te suffiront pour convertir ton travail en prière.
Et pour conserver la présence de Dieu dans la rue ? Cela ne me semblait pas si facile. J’aimais me promener dans les rues de Madrid en regardant les façades, en examinant les structures ou en analysant les réussites ou les échecs architecturaux. Que je fasse tout cela et, en même temps, être tout à Dieu ! Comment faire ?
— Voyons, me dit-il. Explique-moi le trajet que tu suis pour aller de la rue Castello où tu habites jusqu’à l’École d’architecture.
Je commençai à me rappeler le parcours : d’abord je prenais la rue Goya, ensuite je descendais jusqu’à la Castellana, ensuite…
Il commença alors à énumérer les images de Notre Dame que je pouvais rencontrer sur mon chemin :
— … dans la rue Goya, dès que tu tournes la rue Castello, il y a une pâtisserie avec une niche et une image de l’Immaculée Conception ; en arrivant à la statue de Colomb, au croisement avec la Castellana, tu trouveras sur l’un des bas-reliefs au pied de la statue, une scène des rois catholiques où figure une petite statue de la Vierge du Pilier ; en montant par les boulevards…
J’étais étonné. Moi, qui faisais attention à tout, je n’avais jamais remarqué l’existence de ces statues qui auraient pu m’aider à vivre en présence de Dieu pendant mes parcours habituels. Je compris que cela ne provenait pas seulement de la capacité d’observation du Père, mais que c’était une conséquence de son grand amour envers la Mère de Dieu. À partir de ce jour-là je m’efforçais de mettre en pratique ce qu’il me disait ; et ainsi, peu à peu, mon travail trouva un nouveau sens surnaturel et mes parcours dans les rues de Madrid acquirent des perspectives jusqu’alors totalement insoupçonnées.