Dieu au-dedans

Les enlumineurs traduisent en image les définitions dogmatiques, et cela donne cet article : "Dieu n’est pas un souverain solitaire, mais l’Être vibrant de Lumière et d’Amour éternels. La Trinité Bienheureuse s’intéresse à notre bonheur ; sa vie plénière déborde par la seule force de son pur amour. La Trinité vit et distribue la vie."

La Trinité : enluminure, Livre d’Heures, Paris (1460)
La Trinité : enluminure, Livre d’Heures, Paris (1460)


Comme un baiser entre Père et Fils, la colombe relie les lèvres de l’Un et l’Autre. Le concile de Florence (1439) avait définit la provenance unitaire de l’Esprit Saint : « de toute éternité il procède de l'un et de l'autre, comme d'un seul principe ». Les enlumineurs parisiens se sont empressés de traduire le dogme en image. La piété l’avait compris d’avance : « Le Père aime le Fils, et l'embrasse avec un amour singulier… La connaissance de l'amour mutuel de celui qui engendre, et de celui qui est engendré, qu'est-ce sinon un baiser très-doux, mais très-secret ? » (St Bernard, Sermons sur le Cantique 8, 1). Un humble trèfle avait servi aux missionnaires pour illustrer avec succès le mystère.

Le Fils ne vit que par le Père et pour le Père ; la génération distingue, l’amour unit. Dans l’Esprit Saint, qui est l'amour personnel du Père et du Fils, « la vie intime du Dieu un et trine se fait totalement don, échange d'amour réciproque entre les Personnes divines ; par l'Esprit Saint, Dieu existe sous le mode du don. L'Esprit Saint est Personne-amour, Personne-don » (St Jean-Paul II, enc. Le Seigneur qui donne la vie §10). Dieu n’est pas un souverain solitaire, mais l’Être vibrant de Lumière et d’Amour éternels. Une seule vie s’identifie à Trois Vivants.

Livre d'heures de Marguerite d'Orléans La Sainte Trinité. France, Paris, vers 1430. Paris, BnF, Département des manuscrits, Latin 1156B, folio 163.
Livre d'heures de Marguerite d'Orléans La Sainte Trinité. France, Paris, vers 1430. Paris, BnF, Département des manuscrits, Latin 1156B, folio 163.
La Trinité a conçu et crée des êtres capables de partager sa plénitude.

La confession de la Trinité dans l’Église est comme le bouclier de la foi et le gage de la gloire. « Par la grâce du baptême nous sommes appelés à partager la vie de la Bienheureuse Trinité, ici-bas dans l’obscurité de la foi, et au-delà de la mort, dans la lumière éternelle » (Catéchisme de l'Église Catholique, §265). La Trinité Bienheureuse s’intéresse à notre bonheur ; sa vie plénière déborde par la seule force de son pur amour. Elle a conçu et crée des êtres capables de partager sa plénitude. La Trinité vit et distribue la vie : elle communique, parle, élève, comme un reflet de la communion intime de trois Personnes. « La Trinité s'est éprise de l'homme et désire vivement demeurer dans notre âme » (St Josémaria, Quand le Christ passe §84). Nous sommes les témoins et les bénéficiaires de sa liberté donatrice. « L'Esprit Saint est Amour et Don (incréé) d'où découle comme d'une source (fons vivus) tout don accordé aux créatures (don créé): le don de l'existence à toutes choses par la création; le don de la grâce aux hommes par toute l'économie du salut » (St Jean-Paul II, ibidem).

La Trinité vit et distribue la vie (...) comme un reflet de la communion intime de trois Personnes.

Au ciel, les bienheureux proclament à l’unisson : « Amen ! Louange, gloire, sagesse, action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu pour les siècles des siècles ! Amen ! » (Apocalypse 7,11). Les principales prières liturgiques s’adressent au Père, « par Jésus, le Christ notre Seigneur, qui vit et règne avec toi et le Saint-Esprit, Dieu, pour les siècles des siècles ». Le trisagion biblique est passé dans la liturgie eucharistique. D’autres formules, comme celle du vendredi saint, ont aussi une dimension trinitaire « Le "Saint Dieu" (Agios ô Théos), nous l'entendons du Père en reconnaissant aussi Dieu le Fils et le Saint-Esprit. Le "Saint Fort" (Agios Ischiros), nous l'entendons du Fils, sans retirer la force au Père et au Saint-Esprit. Le "Saint Immortel" (Agios Athanatos) nous l'entendons du Saint-Esprit, sans mettre le Père et le Fils à part de l'immortalité » (St Jean de Damas, La Foi Orthodoxe, 10). Le feu de l’Esprit purifia les lèvres du prophète pour annoncer le Dieu trois fois saint ; le même Esprit donne lumière à la foi et dynamisme à la langue, qui proclament la majesté bienveillante des Trois. Toute la vie et la prière du chrétien est une grande doxologie, y compris dans le Notre Père et l’Ave Maria ou encore dans la contemplation de la vie de Jésus dans le rosaire marial.

Abbé Fernandez