« Tu n’as jamais pensé à lire l’Évangile ? ». C’est certainement avec ce conseil de celui qui allait devenir mon futur beau-frère que tout a commencé… On est alors en 1980. Jeune infirmier en radiologie, je venais juste de rencontrer ma future épouse et n’aspirais qu’à une chose : vivre paisiblement et m’amuser. Peu de place dans ma vie d’alors pour les questions existentielles ! Pourtant, certainement poussé par l’envie de faire de mon futur beau-frère un allié, je décidais de suivre son conseil et me mit à lire quotidiennement l’Évangile, ainsi qu’un autre livre qu’il m’avait offert, Chemin, de Saint Josémaria dont je n’avais jamais entendu parler à l’époque. Une habitude qui, avec le temps, allait progressivement changer ma vie.
J’ai soudain pris conscience de l’amour du Seigneur
Ainsi, deux ans plus tard, alors que je priais dans une chapelle, j'ai soudain pris conscience de l'amour du Seigneur pour moi. Une évidence tellement forte qu’elle a comme bousculé ma façon d’envisager l’avenir : je pouvais désormais compter sur la grâce de Dieu ! Moi qui avais une peur bleue de l’engagement, j’ai alors demandé en mariage ma petite amie. Cette nouvelle étape franchie, j’ai ressenti le besoin d’approfondir ma formation chrétienne. J’ai donc pris contact avec un prêtre de l’Opus Dei et ai commencé à assister aux récollections. C’est à cette époque, alors que je faisais une retraite, que j’ai découvert ma vocation à l’Opus Dei. À partir de ce moment-là, je peux dire que tout a changé dans ma vie alors que rien n’était différent. J’étais toujours le même mari et le même infirmier qu’avant, mais je savais désormais que Dieu m'attendait là, dans ces circonstances : ma vie de famille – nous allions avoir six enfants – et ma vie professionnelle que j’envisageais désormais comme une occasion de témoigner de ma foi.
Mon travail, une occasion de servir
Depuis lors et aujourd’hui encore, je commence toujours ma journée de travail en profitant du moment où j’enfile ma blouse et mon pantalon blancs pour prier : j’offre au Seigneur la journée qui commence et toutes les personnes que je vais rencontrer. Puis je nettoie tous les postes de travail et outils de haute technologie que nous utilisons au quotidien. Enfin, je commence à recevoir les patients. Si je pratique quasiment toujours les mêmes radios (poumons, coude, cheville, etc.), je garde très présent à l’esprit que chaque patient est unique. C’est d’ailleurs l’idée principale que j’essaie de transmettre aux étudiants en stage dans mon service : nous avons beau faire un métier technique, nous ne devons jamais oublier que ce sont des personnes que nous avons en face de nous. Des personnes qui, le plus souvent, arrivent fatiguées ou stressées, et qui donc méritent toute notre attention et notre bienveillance.
Plus que des patients, des amis
Avec certains patients, il m’arrive au fil des rendez-vous de nouer de vraies relations d’amitié. Lorsque c’est le cas, j’ai pour habitude de leur montrer une image avec la prière de saint Josémaria. Je suis parfois surpris de constater les nombreux fruits qui résultent de ce simple geste. Je me souviens par exemple d’un octogénaire d’origine juive, venu me voir pour des côtes cassées, avec qui je discutais beaucoup et à qui j’ai fini par montrer l’image de saint Josémaria. En la voyant, ce dernier m’a dit que, comme saint Josémaria, sa femme récemment décédée, était de Barbastro, que c’est le chagrin de l’avoir perdue qui l’avait affaibli jusqu’à tomber dans les escaliers et se casser les côtes. Je l’ai écouté avec attention et lui ai assuré que je prierai pour lui. Quelques mois plus tard, il est venu me rendre visite pour m’annoncer qu’il allait se faire baptiser et qu’il souhaitait que je sois son parrain ! Cela a été pour nous deux une grande joie !
C’est aussi là que Dieu m’attend
Ce sont ces rencontres, et les moments de grâce qui parfois en découlent, qui me font envisager chaque jour de travail avec la certitude que c’est aussi là que Dieu m’attend. Peu importe que les gens que je croise sur ma route soient loin de la foi, j'essaie de les aimer comme le Seigneur le ferait. Je prie donc chaque jour, surtout pendant l'action de grâce de la Messe, pour ma famille bien sûr, mais aussi pour mes patients, mes collègues, et toutes les personnes qu’il m’est donné de rencontrer. J’ai la chance d’avoir une chapelle à l’hôpital où je peux me recueillir pendant ma pause déjeuner et où il m’arrive même de donner rendez-vous à l’un ou l’autre de mes collègues pour dire une dizaine de chapelet. C’est cela qui a changé dans ma vie : non pas la place que j’occupe, mais le regard que je porte sur le monde et les personnes qui m’entourent.