Saint Benoît, un père pour l’Europe

La fête de saint Benoît, patron de l'Europe, nous invite à chercher une voie apte pour que les normes légales reflètent les convictions légitimes de la société et que le continent ne sombre pas dans une "apostasie silencieuse" (saint Jean Paul II).

En février 1944, 420 tonnes d’explosifs rasèrent l’abbaye du Mont Cassin ; le bombardement allié (fait contre l’avis du général Juin), n’épargna que la grotte contenant les reliques de saint Benoît de Norcia. Après la guerre, sous l’encouragement de Pie XII, les édifices furent reconstruits à l’identique en moins de dix ans. Plus tard, le peintre milanais Pierre Annigoni apporta son savoir-faire : sa fresque monumentale La gloire de saint Benoît (1979) éblouit le visiteur.

Les papes ont loué l’œuvre immarcescible du fondateur : en plus de rénover la vie monacale, il apporta un souffle d’humanisme croyant à une civilisation épuisée.

Après avoir renoncé au monde, Benoît atteint une solide croissance dans le Christ. Dans sa Règle, il propose, avec équilibre, « un modèle de la vie humaine comme ascension vers le sommet de la perfection » (Benoît XVI, Audience, 9 avril 2008). L’amour du Christ est la clé de la prière et l’ascèse, de la fraternité, du travail. Le livre et la charrue deviennent instruments de transformation spirituelle.

L’abbaye mère fut un foyer de science et de vertu, qui donna une formidable reprise à l’évangélisation

L’abbaye mère (fondée en 529) fut un foyer de science et de vertu, qui donna une formidable reprise à l’évangélisation : « non seulement l’Angleterre, la Gaule, les Pays Bataves, la Frise, le Danemark, la Germanie et la Scandinavie, mais aussi de nombreux pays Slaves » (Pie XII, Encyclique, pour le 14e centenaire de la mort du saint, 1947 §II). Des pasteurs éminents sont issus de ces cloîtres. La France abrite une partie de ses reliques. « Une nouvelle unité spirituelle et culturelle, celle de la foi chrétienne fut partagée par les peuples du continent. C'est précisément ainsi qu'est née la réalité que nous appelons Europe » (Benoît XVI, Discours au Collège des Bernardins, 12 septembre 2008).

En 1964, le pape Paul VI consacrait l’église abbatiale rebâtie et, le même jour, proclamait saint Benoît Patron céleste et « père de l'Europe» (Lettre, 24 octobre 1964). Jean-Paul II chercha à donner « une nouvelle âme » à un continent qui, voulant effacer ses racines chrétiennes, « donne l'impression d'une ‘apostasie silencieuse’ de la part de l'homme comblé, qui vit comme si Dieu n'existait pas » (L’Eglise en Europe, 2003 §9).

La dignité de l’Europe retrouve ses racines au-dessus d’elle même.

Le défi persiste : « Si la culture européenne d’aujourd’hui comprenait désormais la liberté comme l’absence totale de liens, cela serait fatal et favoriserait inévitablement le fanatisme et l’arbitraire » (Benoît XVI, Discours au Collège des Bernardins, 12 septembre 2008). En effet, l’utopie agnostique tourne à l’involution destructrice. Sans un lien loyal avec Dieu, il n’y pas de fraternité durable. La dignité de l’Europe retrouve ses racines au-dessus d’elle même.

« Soyez présents de façon active dans le débat public européen et unissez à cet engagement une action culturelle efficace » (Benoît XVI)

Un défi serein pour les chrétiens, qui ne sont pas liés à un seul parti politique : « Soyez présents de façon active dans le débat public européen et unissez à cet engagement une action culturelle efficace » (Benoît XVI, Discours, 24 mars 2006). Puisqu’il n’y a pas de solutions toutes faites, chacun doit chercher une voie apte pour que les normes légales reflètent les convictions légitimes de la société ; pour que les élus soient conscients des exigences des citoyens. La loi impitoyable du plus fort peut écraser la vie naissante ; ceux qui l’adoptent essayent de résoudre certains conflits, mais au prix lourd de générer d’autres abus plus graves ; écraser le fœtus humain est un déni d’humanité ; les législateurs qui l’acceptent perdent leur dignité.

Abbé Fernandez