Messe en honneur de saint Josémaria. Homélie de l’abbé Sissoko

Voici le texte intégral de l’homélie que le Vicaire Régional de l’Opus Dei en Côte d’Ivoire a prononcée durant la messe célébrée en honneur de saint Josémaria le 17 juin 2017.

« Avance au large et jetez les filets pour prendre du poisson. »[1] « Ils le firent et ils prirent une telle quantité de poisson que leurs filets se déchiraient »[2]. Telle est la merveille que nous décrit cette page magnifique de l’évangile de Saint Luc que nous venons d’entendre : la pêche miraculeuse ! Oui, nous voyons la merveille qu’a produite dans la vie de St Pierre, le fait d’avoir accueilli le Christ dans sa barque et d’avoir été docile à ses indications. Eh bien, cette merveille s’est reproduite dans la vie de St Josémaria que nous célébrons aujourd’hui en cette année du 25e anniversaire de sa béatification et du 10e de sa canonisation. C’est cette bonne nouvelle qui nous réunit ici, aujourd’hui, dans la joie, pour rendre grâce au Seigneur.

Éminence, vous qui sans hésitations avez accepté d’honorer de votre présence cette célébration eucharistique, Révérend Père Blanchard, curé de la Paroisse Ste Famille qui nous accueille, Révérends pères, Excellences messieurs et mesdames les ministres, les ambassadeurs, chers frères et sœurs dans le Christ : grande est notre joie de constater que la merveille de la pêche miraculeuse s’est reproduite dans la vie de St Josémaria !

La sainteté n’est pas réservée à un petit groupe de personnes qui s’excluraient du monde ordinaire, mais tous les chrétiens sont appelés à être saints.

En effet, né le 9 janvier 1902 à Barbastro, un petit village d’Espagne, il était loin de penser que, 26 ans après, le 2 octobre 1928, le Christ aurait choisi la barque de sa vie, pour fonder l’Opus Dei, au sein et au service de l’Église Catholique, afin de rappeler à tous les hommes et toutes les femmes qu’ils sont appelés à être saints dans la vie ordinaire au moyen du travail professionnel. Qu’est-ce à dire ? Que la sainteté n’est pas réservée à un petit groupe de personnes qui s’excluraient du monde ordinaire, mais que tous les chrétiens dont la majorité sont les laïcs, hommes, femmes, jeunes et moins jeunes, intellectuels et travailleurs manuels, sont appelés à être saints, c’est-à-dire à aller au Ciel, en vivant au milieu du monde grâce à la sanctification de leur travail professionnel et des activités de leur vie ordinaire, familiale et sociale.

Comme Saint Pierre dans l’Évangile qui, en suivant l’appel du Christ, a fait une pêche très abondante, St Josémaria, en répondant lui aussi favorablement à Dieu, jouit maintenant de la gloire de Dieu au ciel et continue de conduire de nombreuses personnes à être pêchées par le Christ pour la sainteté.

Quelle joie doit être celle de St Josémaria, maintenant, de voir, ici en Afrique, en Côte d’Ivoire, à Abidjan, à près de 5000 km de son pays natal, cette église de la Sainte Famille pleine de personnes qui ont le désir d’aimer pleinement Dieu dans la vie ordinaire !

Et bien en ce jour, chers frères et sœurs, St Josémaria nous rappelle donc ces trois messages si importants :

1. Nous sommes appelés à être saints ;
2. Saints dans la vie ordinaire ;
3. Cela est à notre portée.

Oui, nous sommes tous appelés à la sainteté : c’est-à-dire à atteindre la perfection dans la charité en vertu de notre vocation baptismale. En d’autres termes, le Christ nous invite à l’aimer et à aimer notre prochain comme lui-même nous a aimés !

Et cela est à notre portée, puisqu’il s’agit de réaliser notre sanctification au moyen du travail et de toutes les réalités de notre vie ordinaire. Mais, il faut que nous soyons vraiment décidés à être dociles à la voix du Christ, comme Saint Pierre, pour avancer au large et jeter effectivement le filet. Pour cela, il faut être un homme ou une femme de foi comme Saint Pierre, qui met de côté son expérience humaine de pêcheur, après une nuit de dur labeur sans poissons, pour faire confiance au Christ.

C’est une caractéristique fondamentale des saints, comme Saint Josémaria, que nous célébrons aujourd’hui : un homme de foi qui a su toujours faire confiance au Christ en répondant positivement à ses requêtes, en définitive à sa vocation d’enfant de Dieu. Oh combien de fois, Saint Josémaria, a savouré et vécu les mots de Saint Paul que nous avons entendus dans la 2e lecture : « tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. L’Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur ; c’est un Esprit qui fait de vous des fils »[3].

Oui, c’est avec cette confiance de fils de Dieu, sans peur, que très jeune, autour de 14 ans, il s’est embarqué sur le chemin du sacerdoce, touché par l’Esprit de Dieu, en voyant des pas sur la neige laissés par un carme déchaux par Amour de Dieu. Même les larmes de son père qui était bouleversé par cette décision ne l’ont pas arrêté dans son désir de faire la volonté de Dieu. C’est avec cette même confiance, qu’il a aussi dit oui à sa vocation de fondateur de l’Opus Dei, le 2 octobre 1928, malgré les difficultés que cette aventure allait comporter pour lui.

St Josémaria, à la suite du Christ, nous interpelle, aujourd’hui, pour savoir si nous sommes, nous aussi, décidés à dire oui à notre vocation chrétienne à la sainteté.

Eh bien, frères et sœurs, St Josémaria à la suite du Christ nous interpelle, aujourd’hui, pour savoir si nous sommes, nous aussi, décidés à dire oui à notre vocation chrétienne à la sainteté : c’est-à-dire à vouloir vraiment faire la volonté de Dieu telle qu’il nous la présente, quel que soit notre âge.

A ce sujet, je me souviens d’une anecdote que racontait un évêque qui avait demandé à un jeune s’il souhaitait devenir prêtre. Celui-ci lui a répondu : « oui, mais quand je serai vieux ! ». Non, frères et sœurs, nous ne pouvons pas remettre à plus tard -délai que d’ailleurs nous ne maîtrisons pas- notre décision de répondre à l’appel du Christ, quel qu’il soit, chacun dans ses circonstances, en définitive à être saint.

Le Christ continue d’appeler les jeunes et les moins-jeunes à vivre de façon authentique leur vie chrétienne, sans ambiguïté : l’élève en tant qu’élève, l’étudiant en tant qu’étudiant, les professionnels en tant que professionnels, les époux en tant qu’époux, etc. La vocation à la sainteté n’admet pas de double vie comme, par exemple, le rappelait d’ailleurs récemment la conférence des évêques de Côte d’Ivoire en décriant le fait qu’on ne pas être chrétien et franc-maçon.

En effet, comme le remarquait le Pape François : « Il est triste de trouver des chrétiens "dilués", qui sont comme du vin coupé avec de l'eau, et on ne sait pas s'ils sont chrétiens ou mondains, tout comme on ne sait pas si le vin coupé avec de l'eau est du vin ou de l'eau ! »[4]

Oui, Dieu nous appelle à la sainteté et à une vocation spécifique pour la réaliser. Mais le problème c’est que, bien des fois, nous feignons de ne pas entendre la voix du Christ, comme dans cette histoire qui m’a particulièrement marquée. C’est celle d’un écrivain espagnol des 19e et 20e siècles, Miguel de Unamuno qui a laissé un témoignage impressionnant.

Il écrivait qu’étant adolescent, il lui est arrivé une fois, après avoir communié d’ouvrir l’évangile au hasard et de mettre le doigt sur un passage. Et sur lequel, est-il tombé ? « Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création ». (Mc 16,15) Cela lui a produit une forte impression parce qu’il a compris que c’était un ordre de se donner totalement à Dieu. Mais, il a pensé : « Je n’ai que 15 ans, et en plus j’ai une fiancée. Non ce n’est pas possible, trop de coïncidence, cela a été trop rapide ». Il a donc décidé d’essayer une autre fois. Il a alors ouvert la Bible et il a lu ces autres mots de l’aveugle guérit par le Christ aux juifs : « Je vous l’ai déjà dit, mais vous ne m’avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous l’entendre encore ? ». (Jn 9,27).

Incroyable, n’est-ce pas ? Oui, Dieu continue d’appeler chacun de nous à le suivre de façon radicale. Que lui répondons-nous ? Comme le suggérait le Pape François : « Demandons-nous si notre vie chrétienne est faite de cosmétique, d'apparence ou si c'est une vie chrétienne avec la foi qui œuvre dans la charité »[5].

Célébrer dans la joie, aujourd’hui Saint Josémaria, devrait nous conduire à nous décider, une fois de plus, à emprunter sérieusement le chemin de la sainteté dans notre vie ordinaire.

Eh bien, célébrer dans la joie, aujourd’hui Saint Josémaria, devrait nous conduire à nous décider, une fois de plus, à emprunter sérieusement le chemin de la sainteté dans notre vie ordinaire. Notre bonheur en dépend, le bonheur de notre pays la Côte d’Ivoire et celui du monde entier. Mgr Ferdinand Ocariz, Prélat de l’Opus Dei nous le rappelle dans sa dernière lettre pastorale : « La vocation à la sainteté est une source de bonheur »[6].

Frères et sœurs, cessons de nous plaindre des choses qui ne vont pas bien et engageons-nous résolument à changer notre monde en devenant des saints. Saint Josémaria n’hésitait pas à le dire : « Un secret. –Un secret à crier sur les toits : ces crises mondiales sont des crises de saints. –Dieu veut une poignée d'hommes "à Lui" dans chaque activité humaine. –Après quoi... pax Christi in regno Christi–la paix du Christ dans le règne du Christ. »[7]

Oui la Sainteté dans la vie ordinaire n’est pas une théorie mais, comme le dit si bien le Pape François, « c'est une vie chrétienne avec la foi qui œuvre dans la charité », c’est-à-dire, vivre au quotidien en aimant sincèrement les autres par Amour de Dieu.

Par exemple, une personne qui aime vraiment sait pardonner, même plus, comme le vivait et l’écrivait St Josémaria en ces termes : « Je n'ai pas eu besoin d'apprendre à pardonner, car le Seigneur m'a appris à aimer »[8].

A ce sujet, la biographie de St Josémaria rapporte un événement particulièrement édifiant :

« Il y avait des mois que la guerre était finie lorsqu'un beau jour Josémaria dut prendre un taxi, dans Madrid. Selon sa coutume, il se mit aussitôt à bavarder avec le chauffeur, et à lui parler de Dieu, de la sanctification du travail et de l'oubli des malheurs dont l'Espagne avait souffert. Le chauffeur l'écoutait et ne disait mot. Quand il fut arrivé à destination, Josémaria descendit. L'homme, alors lui demanda : « Et vous, dites, où étiez-vous pendant la guerre ? ». « À Madrid », répondit le prêtre. « Dommage qu'ils ne vous aient pas flingué ! » répliqua le chauffeur.

Josémaria ne répondit mot. Il n'ébaucha même pas un geste d'indignation. Au contraire, il demanda paisiblement au chauffeur : « Avez-vous des enfants ? » Et comme l'autre acquiesçait d'un geste, il ajouta un bon pourboire au prix de la course : « Tenez, vous achèterez quelques douceurs à votre femme et à vos enfants »[9].

Impressionnant, n’est-ce pas cette réaction ? Voilà, un exemple de charité qui n’a pas besoin de pardonner, que la sainteté de Saint Josémaria nous enseigne.

Nous sommes invités à être partout des semeurs de paix et de joie. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons nous sanctifier dans la vie ordinaire et dans notre travail professionnel bien fait.

C’est à cette vie de foi dans la charité que nous sommes appelés dans nos familles, nos lieux de travail, nos quartiers, nos villes et villages pour être saints. Nous sommes invités à être partout des semeurs de paix et de joie. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons nous sanctifier dans la vie ordinaire et dans notre travail professionnel bien fait.

En effet, le travail et la vie familiale devraient être pour nous l’occasion de prolonger notre relation avec Dieu en rendant service et en voyant dans les autres le Christ à servir, à aimer. Alors il y aurait compréhension, entraide, dialogue, pardon et exigence pour bien travailler et prier. On ne verrait plus ni colère, ni rancune, ni coup-bas, ni travail mal fait, ni racket, ni familles divisées, mais charité et miséricorde.

Accourons donc à l’intercession de Saint Josémaria, pour marcher vers la sainteté en vivant pleinement le thème de cette année pastorale de l’Archidiocèse d’Abidjan : « Toi, laisse-là ton offrande et va d’abord te réconcilier avec ton frère ».

Comment y parvenir ? Nous y arriverons si nous savons accourir, avec foi, aux moyens ordinaires que Dieu a mis à notre disposition, d’abord les sacrements, parmi lesquels l’Eucharistie, que nous célèbrerons solennellement demain avec la fête du Très Saint Sacrement, mais aussi la confession fréquente, le mariage si c’est notre vocation ; ensuite, la prière constante nourrie par la Parole de Dieu et enfin la formation chrétienne pour mieux utiliser tous ces moyens.

Au terme de cette homélie, nous pouvons accourir à ce grand amour de St Josémaria qu’est la Sainte Vierge Marie, pour qu’elle nous obtienne par sa prière, que cette Eucharistie nous aide à suivre les pas de St Josémaria pour laisser le Christ entrer dans la barque de notre vie et jeter les filets en avançant au large de la Sainteté qui n’est rien d’autre que le bonheur avec le Père, le Fils et le Saint Esprit pour les siècles des siècles. Amen.


[1] Lc 5, 4.

[2] Lc 5, 6.

[3] Rm 8,14-15.

[4] François, Angelus, 31 Août 2014.

[5] François, Homélie à Sainte Marthe, 14 octobre 2014.

[6] Mgr Ferdinand Ocariz, Lettre pastorale, 4 juin 2017.

[7] St Josémaria, Chemin, n. 301.

[8] St Josémaria, Sillon, n. 804.

[9] Andrés Vásquez de Prada, Le fondateur de l’Opus Dei, Vol. II, pp. 410-411.