Marius et son travail à Walé

Marius est diplômé en Hautes Etudes en Assurances. Après quelques années travaillant dans une compagnie du secteur, il a accepté en 2012 de prendre en charge la direction de la gestion du Centre Médico-Social Walé, sis à Yamoussoukro.

Marius est diplômé en Hautes Etudes en Assurances. Après quelques années travaillant dans une compagnie du secteur, il a accepté en 2012 de prendre en charge la direction de la gestion du Centre Médico-Social Walé, sis à Yamoussoukro.

Ce centre, créé en 2004, offre des soins médicaux à de très nombreuses personnes à faible revenu de Yamoussoukro et des villages des alentours. Depuis décembre 2011, Walé a créé une antenne à Toumbokro, sur la route qui relie Yamoussoukro à Bouaflé.

À notre demande, Marius nous parle de son travail.

En compagnie de Dr Lath, en charge du suivi des personnes vivant avec le VIH/SIDA

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à changer de métier et à accepter de prendre en charge la gestion de Walé ?

C'est très clair dans mon esprit : la beauté du projet. Le désir de faire quelque chose d'utile et de concret en faveur de la santé des populations qui ont le plus besoin d'aide dans ce domaine. Lorsque je suis arrivé à Yamoussoukro, Walé fonctionnait déjà depuis huit ans, à la grande satisfaction des bénéficiaires : avec très peu de moyens, le nombre de consultations se chiffrait aux alentours de quarante mille par an. Environ deux mille malades atteints du VIH-SIDA recevaient déjà un encadrement, une prise en charge médicale, des soins et un soutien psychosocial.

D'autre part, il est évident, même pour les observateurs extérieurs, que l'équilibre financier d'un projet pareil relève de la gageure. C'était un défi exaltant.

Lorsque j'ai commencé à travailler à Walé, j'ai pu constater que le centre de santé jouissait déjà d'une grande réputation dans les milieux populaires ; depuis lors, les témoignages constants de reconnaissance de la part des patients est une source énorme de satisfactions et compense largement les soucis auxquels nous sommes confrontés pour faire tourner les choses convenablement. Il arrive parfois qu'une maman, par exemple, qui a eu des difficultés pour mener à terme une grossesse, nous envoie après un sac d'ignames ou une autre marque de sa gratitude.

Dans le cas des malades atteints du VIH-SIDA, il est fréquent qu'ils connaissent leur statut lorsque la maladie est déjà assez avancée, et qu'ils plongent dans un état de découragement, voir de désespoir grave. Avec le suivi, le traitement correctement administré et un accompagnement plein d'affection, on constate que leur état de santé s'améliore. Recevoir les remerciements de ces malades, voir leur sourire, est l'une de ces joies extraordinaires que l'on vit ici très souvent.

Le dévouement et la qualité professionnelle des médecins et des autres collaborateurs sont aussi très encourageants.

Avec Dr Abou (chargée de la pédiatrie et des soins infirmiers) et Dr Ségla (chargée des consultations prénatales et du suivi de la Prévention de la Transmission Mère-Enfant du VIH/Sida)

Par ailleurs, il est bien connu que la santé est un problème grave pour les couches sociales moins favorisées. J'ai pensé que, même si je ne suis pas médecin, je pourrais essayer d'apporter une approche d'assureur pour aider à résoudre ce problème. Des projets de conventions avec des artisans, des commerçants et des planteurs sont en train d'être essayés, avec des perspectives prometteuses.

Avec l'appui de certaines institutions ivoiriennes et étrangères, nous essayons de mettre en place un système efficace de dépistage et de prise en charge de certaines maladies fréquentes, telles que le diabète, la drépanocytose, l'asthme et l'hypertension artérielle.

Dans de nombreux cas, spécialement dans les villages, on constate à quel point une meilleure prise en charge de la santé des populations demande de les aider à améliorer leur condition sociale et financière. Ce n'est pas quelque chose qui relève du domaine de la santé, mais il est évident que les ordonnances ne sont pas d'une grande utilité pour quelqu'un qui a des difficultés pour nourrir correctement sa famille. Cela nous amène à essayer de mettre en place de petits projets de développement rural, notamment autour de notre antenne de Toumbokro.

Tout cela est très enthousiasmant du point de vue professionnel.

Vous êtes marié. Le fait de quitter Abidjan et venir à Yamoussoukro a-t-il supposé une difficulté pour Madame ?

Logiquement, avant d'accepter le poste, j'en ai discuté avec elle. Si, malgré mon enthousiasme, cela avait supposé un problème pour ma femme, je n'aurais pas franchi le pas. Heureusement, elle a adhéré de tout cœur au projet et est pleinement satisfaite de l'avoir fait. Elle est médecin elle aussi et partage la façon dont Walé envisage le service aux malades, même si elle travaille dans une autre structure de la place.

Dès que l'on entre à Walé on voit des signes qui font penser à une orientation catholique. Par exemple, des images de la Vierge que l'on voit dans la plupart des locaux. Pouvez-vous nous parler de la portée de cet aspect dans le fonctionnement de Walé ?

Bien sûr, cette orientation chrétienne y est pour beaucoup. Je dois préciser d'abord que la totalité du personnel n'est pas catholique ; et que la plupart de nos patients ne le sont pas non plus : même les situations géographiques choisies pour installer le centre et l'antenne de Toumbokro font que la majorité des bénéficiaires sont animistes ou musulmans. Il n'y a et il n'y a jamais eu aucune difficulté dans ce domaine.

Le fait que les promoteurs du projet et une partie de l'encadrement soyons catholiques a certainement une influence sur la façon de prendre en considération les patients, qui sont avant tout des personnes, enfants de Dieu, avec un corps et avec une âme, qu'ils soient baptisés ou non.

Cela nous pousse à essayer de faire un travail le plus efficace possible du point de vue médical, mais aussi et surtout à voir dans chaque malade une personnification de ce « prochain » qu'il faut aimer comme soi-même, d'autant plus qu'il est le plus souvent dans une situation de détresse.

En revanche, cela ne nous empêche pas, bien au contraire, de collaborer de façon ouverte et franche avec d'autres institutions qui font elles aussi un très bon travail dans le domaine de la médecine et notamment dans celui de la prise en charge du VIH-SIDA, tout en respectant des règles déontologiques qui ne sont pas l'invention ni l'exclusivité des catholiques, mais qui, malheureusement, sont souvent peu respectées dans de nombreux milieux.

Mgr Xavier Echevarria, lors de sa visite à Walé en juillet 2011

Une date importante de la vie de Walé, que tous ont bien gravée dans leur mémoire, a été la visite que Mgr Xavier Echevarria, Prélat de l'Opus Dei, a faite à Walé le 11 juillet 2011. Je n'étais pas là, logiquement, mais des choses qu'il a dites lors de cette visite font toujours partie de la « feuille de route » de tout le personnel. Notamment, il a parlé de choses que saint Josémaria avait dites aux médecins et au reste du personnel de la Clinique de l'Université de Navarre qui, elle, est une œuvre collective de l'Opus Dei, sur la dignité des malades : savoir voir le Christ dans chaque patient, ce qui a des conséquences très pratiques sur la façon de le traiter.

Parlez-nous d'autres aspects de ce que vous faites à Walé

Il y a la collaboration avec des fondations étrangères qui nous appuient pour améliorer nos équipements ou pour la prise en charge des malades du VIH-SIDA. Comme je vous disais tout à l'heure, nous sommes maintenant en train de développer une nouvelle filière pour la prise en charge de maladies telles que le diabète, la drépanocytose, l'asthme, l'hypertension artérielle.

Depuis le commencement, Walé a développé souvent des campagnes de sensibilisation et de dépistage dans les villages de la région, surtout auprès des écoliers et de leurs enseignants.

Il y a des sessions cliniques et de formation continue que nous organisons en collaboration avec les médecins des autres structures sanitaires de Yamoussoukro.

Depuis un certain temps, nous collaborons avec l'Unité de Recherche sur les Maladies Infectieuses Tropicales Emergentes de la Faculté de Médecine de l'Université de Marseille.

Tout cela crée un cadre propice à l'épanouissement des médecins et du personnel du laboratoire qui travaillent avec nous. Il y a également une tradition à Walé, pleinement acceptée par les facultés de Médicine et de Pharmacie de l'Université de Félix Houphouët Boigny d'Abidjan, que de jeunes étudiants de médicine et de pharmacie préparent leur thèse de doctorat en travaillant avec nous.

Vous avez aussi quelques soucis…

Naturellement ! Ils ne manquent pas, et d'ailleurs ils font partie de la beauté de la vie ; surtout si l'on change le mot souci par défi.

Lorsque l'on veut faire de la médicine de qualité à des prix très bas, l'équilibre financier relève toujours de l'aventure. Il y a aussi le désir permanent d'améliorer nos équipements ; parmi eux, pouvoir compter sur une ambulance le plus tôt possible. Il y a un projet qui est plutôt un désir qu'un souci qui est celui de développer un système de microassurance santé qui permette à nos patients d'envisager les risques de maladie d'une façon moins dramatique.