L'Opus Dei et la gestion économique : entretien

Giorgio Zennaro, administrateur de la commission régionale italienne, explique par question/réponse comment l'Opus Dei est géré financièrement.

Article sur la gestion de l'argent et des biens dans l'Opus Dei.

Le bulletin officiel de la Prélature de l'Opus Dei (Romana) publie des informations annuelles avec les données financières de la Prélature et diverses explications sur le fonctionnement économique de l'Opus Dei et des entités auxquelles est fournie une assistance pastorale et spirituelle. Ces liens permettent de consulter les informations pour cinq années (2022, 2021, 2020, 2019, 2018).

Cependant, il n'est pas toujours facile de comprendre cette façon d'agir, typique de l'Opus Dei, dans laquelle les fidèles jouent un rôle presque total dans la structuration civile et le soutien financier des œuvres apostoliques, tandis que la présence institutionnelle est essentiellement inspiratrice et cherche à animer et à transmettre un esprit.

Pour approfondir cette réalité, nous reproduisons un entretien avec Giorgio Zennaro, administrateur de la commission régionale de la Prélature de l'Opus Dei en Italie. Les questions et les réponses qui suivent sont issues de quelques séances que l'administrateur a tenu avec des membres et des amis de l'Opus Dei au cours d'activités de formation dans la région italienne. Ce qui concerne la gestion économique de l'Opus Dei en Italie s'applique de manière analogue à toutes les circonscriptions de la Prélature, en tenant compte du fait que la législation et les traditions juridiques des différents pays prévoient des possibilités différentes.

1. En quelques mots, qu'est-ce que l'Opus Dei ?

Je vous réponds par une image que le Fondateur aimait bien : des chrétiens ordinaires engagés à vivre leur foi dans les situations et les conditions de vie les plus diverses, et essayant d'apporter partout l'amour de Dieu.

2. Quel est le rôle de l'administrateur dans le gouvernement de l'Opus Dei ?

L'administrateur ou l’administratrice sont membres respectivement du conseil d'hommes et de femmes qui collaborent avec le vicaire de l'Opus Dei dans chaque circonscription. Bien que la fonction ait une certaine dimension de gestion (superviser les comptes de la Prélature elle-même dans la circonscription et veiller à ce qu'il y ait suffisamment de fonds pour soutenir le clergé et les personnes qui se consacrent à plein temps à la gouvernance), leur tâche est fondamentalement une tâche de formation qui se manifeste par leur proximité avec les membres de l'Œuvre et avec les personnes qui promeuvent et développent les initiatives apostoliques.

L'Opus Dei s'intéresse à la formation spirituelle dispensée dans des lieux et des projets qui, à quelques exceptions près, ne sont pas ecclésiastiques, mais sont portés par des entités civiles de différentes natures (éducatives, formatives, sociales), promues, gérées et administrées toujours en accord avec la législation de l'État. L'administrateur doit veiller à ce que les fidèles de l'Œuvre vivent personnellement la vertu chrétienne de détachement des biens matériels et la sobriété, dans une société qui, dans de nombreuses parties du monde, a cédé au consumérisme. Il doit également veiller à ce que, dans toutes les œuvres apostoliques, il y ait une dimension de solidarité, d'attention aux plus démunis et d'exemplarité (par exemple, des situations équitables en matière de travail et de fiscalité).

Giorgio Zennaro, administrateur de la Commission régionale italienne.

3. De quelle manière ?

Tout d'abord, en encourageant les promoteurs des initiatives apostoliques (membres de l'Opus Dei, coopérateurs et autres bienfaiteurs) à ne pas gaspiller les ressources et à assurer un climat de sobriété dans tout ce qui est réalisé dans le cadre de ces initiatives. Son rôle est également de conseiller les personnes qui souhaitent soutenir financièrement les activités apostoliques, en signalant les initiatives qui en ont le plus besoin. Ces initiatives cherchent à être financièrement autonomes dans leur gestion ordinaire, mais le rôle de l'administrateur et de l’administratrice est plutôt d'aider à conseiller sur des questions matérielles, dans la mesure où elles sont liées à l'esprit chrétien ou aux activités de formation dispensées par l'Opus Dei.

4. Pourquoi attachez-vous tant d'importance à l'autosuffisance économique des initiatives et des activités liées à la Prélature ?

Il s'agit d'un aspect de l'esprit de l'Opus Dei, et non d'une question essentiellement économique ; saint Josémaria, le Fondateur, avait tenu à préciser que les initiatives apostoliques doivent compter sur leurs propres forces, en accord avec la laïcité et la responsabilité personnelle de ceux qui les promeuvent : chaque initiative doit être autonome, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas dépendre d'autorités supérieures, ni du point de vue économique, ni du point de vue de la gestion et de l'organisation. Cela correspond tout à fait au concept de durabilité à long terme dont on parle beaucoup.

5. Peut-on dire que l'administrateur est le collecteur de fonds de l'Opus Dei ?

La collecte de fonds est effectuée par les personnes impliquées dans chacune des initiatives. L'administrateur donne un coup de main à une initiative qui vient de naître et stimule toutes les autres, mais ce n'est pas le cœur de mon travail. Mon rôle est plus proche de ce que l'on appelle le développement dans une entreprise, sans perdre de vue les moyens humains, car l'Opus Dei est ce qu’en font les personnes. Mon travail principal est un travail de formation : encourager les gens à bien travailler, aider les initiatives apostoliques à se développer en fonction des forces et des ressources disponibles, suggérer comment vivre la générosité chrétienne, la sobriété et la responsabilité sociale. En quelque sorte : organiser la logistique de la charité.

6. Où les membres de l'Opus Dei exercent-ils leurs activités apostoliques ?

Le Fondateur disait que l'apostolat de l'Œuvre est une « mer sans rivages » et définissait l'Opus Dei comme une « organisation désorganisée ». Le premier champ d'évangélisation pour une personne de l'Opus Dei est la vie elle-même, sa famille, ses amis, ses collègues de travail. Aider, conseiller, accompagner, servir, partager, prier. Ce que l'on entend habituellement par activités vient en second lieu. En syntonie avec ce qui précède, les membres promeuvent des activités apostoliques dans de nombreux lieux différents : dans les maisons privées, dans les bureaux et les cabinets professionnels de certains participants, dans les églises de la ville, en plein air, dans d'autres lieux publics. C'est pourquoi son apostolat est par nature désorganisé. Songez que le premier endroit où saint Josémaria a commencé à organiser des activités de formation pour les jeunes, c'était à la table d'un bar de Madrid, dans une chocolaterie.

7. À quoi servent les centres de l'Opus Dei ?

Les centres permettent un minimum de coordination dans l'offre de formation. Le mot centre fait référence aux personnes qui participent aux activités de formation spirituelle et à l'institution qui propose ce projet de formation, et non pas au siège ou à l'édifice. Lorsque nous parlons de centres de l'Opus Dei, nous faisons également référence à la maison où vivent des numéraires de la Prélature et où se déroulent des activités telles que des retraites spirituelles, des cours doctrinaux et culturels, des rencontres de direction spirituelle personnelle, de la catéchèse, etc.

8. Qui les finance ? qui gère les centres ?

Les centres où ne vivent que quelques numéraires sont soutenus par les personnes qui y vivent et par celles qui les fréquentent. Ce sont des lieux qui ont une identité civile claire et dont la gestion est semblable à celle d'une famille, en termes d'autonomie et de responsabilité. Dire qu'il s'agit de centres de l'Opus Dei ne se réfère pas à la propriété, mais aux activités spirituelles et formatives qui s'y déroulent. Comme je l'ai déjà dit, la gestion économique des centres à vocation éducative plus large est quelque peu différente : par exemple, les résidences universitaires sont gérées de la même manière que n'importe quelle autre résidence, avec les pensions payées par les résidents, etc.

9. Outre les activités promues personnellement, il existe des initiatives apostoliques plus organisées qui ont une convention de collaboration avec l'Opus Dei. Comment et pourquoi ont-elles vu le jour ?

Elles sont généralement créées pour répondre à un besoin éducatif, culturel ou social. Elles naissent parfois de la suggestion des directrices ou directeurs de l'Œuvre, parfois à l'initiative de certains membres sensibles à un problème social particulier. Dans tous les cas, ce sont les personnes qui cherchent des solutions en promouvant une nouvelle initiative (par exemple, en créant une fondation ou une association, en recueillant des fonds, en décidant entre elles des dirigeants, en demandant une autorisation aux autorités civiles, etc.) et en demandant une assistance spirituelle et de formation à la Prélature. Ils le font en collaboration avec d'autres personnes, même non catholiques ou non chrétiennes, qui partagent la même préoccupation.

10. Pouvez-vous nous donner quelques exemples d'initiatives apostoliques que vous considérez comme significatives en Italie ?

À Rome, deux de ces initiatives sont, par exemple, le Campus Bio-Medical, une université dont la polyclinique est un service national de santé ouvert à tous, avec l'objectif de promouvoir la science au service de la personne, et le Centre Elis, une école qui forme depuis plus de 50 ans des générations de jeunes, en les lançant dans le monde professionnel.

Ensuite, dans toute l'Italie, il existe plusieurs résidences universitaires qui offrent aux étudiants une formation complémentaire à celle du cursus académique. Dans le monde entier, les initiatives sont variées : centres éducatifs, écoles de formation, hôpitaux et autres activités de promotion sociale, dont beaucoup se trouvent en Afrique, en Amérique latine ou dans des zones marginales de pays économiquement plus stables. Elles sont une manifestation de la spontanéité apostolique, multiple et variée, typique des croyants qui ressentent les besoins de la société comme les leurs.

11. Pourquoi parle-t-on d'œuvres "corporatives" ou collectives ? Quelle est la relation entre la Prélature de l'Opus Dei et ces activités ?

Ces activités sont des initiatives civiles, sans but lucratif, avec une finalité éducative ou sociale et une orientation chrétienne et apostolique. Elles sont collectives parce qu'elles sont réalisées par des laïcs de la Prélature avec des amis et des personnes qui partagent leurs objectifs. Elles sont menées dans le respect des lois en vigueur, par des citoyens responsables et attentifs aux besoins de la société.

Les promoteurs de ces activités, qui s'inspirent des enseignements de saint Josémaria, demandent à la Prélature de veiller à l'orientation chrétienne et à la formation spirituelle qui y sont données. Selon les cas, il peut y avoir une convention ou un accord de collaboration entre les promoteurs et la Prélature de l'Opus Dei, accord qui précise les modalités de ce type de vivification chrétienne.

12. Ces œuvres ne sont donc pas dirigées par la Prélature ?

Non, elles ne sont pas gouvernées par la Prélature et n'appartiennent pas à l'Opus Dei. Toutes ces initiatives apostoliques (écoles, universités, activités sociales, collèges, etc.) sont dirigées par des personnes, membres ou non de la Prélature, nommées par les organes des entités qui les possèdent ou les gèrent, qui les choisissent parce qu'elles sont en accord avec la mission du projet.

C'est une conséquence logique de l'importance accordée à la laïcité et à la libre initiative des laïcs. Le Concile Vatican II a parlé « d’initiatives apostoliques qui doivent leur origine au libre choix des laïcs et dont la gestion relève de leur propre jugement prudentiel » (cf. Apostolicam actuositatem, 24) et a également affirmé que « de telles initiatives permettent à l’Église, en certaines circonstances, de mieux remplir sa mission ».

Cela aurait pu être organisé d'autres manières tout aussi légitimes, mais le Fondateur l'a voulu ainsi, pour souligner la responsabilité des laïcs. De plus, saint Josémaria disait que l'Opus Dei en tant que tel aspire à posséder le moins possible, reflétant ainsi de manière pratique que le but de l'Œuvre est exclusivement spirituel.

13. L'Opus Dei tient à séparer l'institution en tant que telle de la gestion des initiatives éducatives, culturelles, sociales, etc. Cependant, dans le passé, l'Œuvre a été directement impliquée dans certaines de ces initiatives.

Si elles ne vivent pas en dehors de leur temps, toutes les institutions évoluent. Au fil des années, le Fondateur lui-même a précisé le rôle de chaque organe dans la gestion du travail apostolique.

Au début, il a lui-même encouragé certaines personnes de l'Œuvre à promouvoir directement diverses initiatives. Il encouragea également ce qu'il appelait alors les œuvres communes et les sociétés auxiliaires, afin de favoriser la participation des laïcs à des travaux ayant un impact évangélisateur sur la société. Au fil des années, il a mieux compris que la véritable laïcité consistait à rendre les laïcs eux-mêmes pleinement responsables de ces initiatives et à assumer librement et de manière autonome les défis qu'elles impliquaient, et il a décidé d'abolir cette modalité. Cette évolution est bien expliquée dans le livre Histoire de l'Opus Dei (n'existe actuellement qu'en espagnol). Il s'agit d'un nouveau chemin dans l'Église, qui devient peu à peu une réalité.

14. Mais alors, à qui sont les lieux où se déroulent les activités apostoliques ?

Les promoteurs de projets apostoliques peuvent résoudre la question du siège de différentes manières, car les systèmes juridiques de chaque endroit offrent diverses alternatives, surtout si les projets sont d'une certaine taille.

Habituellement, les propriétaires des sièges de ces activités apostoliques sont les fondations et les associations qui promeuvent ces activités. D'autres fois, il s'agit de sociétés anonymes, de sociétés à responsabilité limitée, de coopératives... selon la solution la plus appropriée aux yeux de leurs promoteurs. Dans le cas des sociétés anonymes, ceux qui achètent des actions ou des participations le font en sachant qu'ils participent à un investissement social, c'est-à-dire sans spéculation ni but lucratif, ce qui est généralement prévu dans leurs statuts. Je ne veux pas dire qu'elles doivent faire des pertes, mais que leurs assemblées décident généralement que tout le bénéfice doit être réinvesti dans le projet social. Ceci est motivé par la volonté de pérenniser ces entreprises qui, pour ce faire, doivent fonctionner de manière équilibrée et générer des ressources pour se maintenir et se développer, comme toute initiative privée. Il ne faut pas oublier que les activités apostoliques se déroulent souvent dans des locaux loués (comme c'est le cas, par exemple, à l'Université Pontificale de la Sainte-Croix à Rome).

15. Certains disent qu'il s'agirait d'une sorte d'artifice, dans le but de rendre moins clair le "profil financier" de l'Opus Dei, qui serait en réalité une grande "puissance économique"...

Votre déclaration aborde un aspect qui me semble important : la perspective de la Prélature sur cette question est un peu " révolutionnaire " et donc peut-être que tout le monde ne la saisit pas immédiatement. Qu'est-ce qui empêcherait l'Opus Dei, comme d'autres institutions de l'Église, d'assumer la propriété et la gestion des biens utilisés dans le cadre de ses activités apostoliques ? Rien. Alors pourquoi ne le fait-il pas ? Parce qu'il ne l'a pas voulu.

Je crois que la question est bien comprise sur la base des Statuts de l'Opus Dei qui affirment que les instruments apostoliques relèvent de la responsabilité de leurs propriétaires et administrateurs qui utilisent les biens et les ressources qu'ils acquièrent de leur propre initiative ou selon d'autres manières également de nature civile. Les Statuts précisent également que, normalement, la Prélature n'est pas propriétaire des biens et des autres instruments dans lesquels se déroulent les initiatives qui comptent sur son assistance spirituelle (cf. no 122). En réalité, l'Opus Dei en tant que tel n'a pas besoin d'être propriétaire de ces instruments, même s'il serait tout à fait légitime qu'il le soit.

C'est une des nouveautés que l'Opus Dei encourage : promouvoir et renforcer la responsabilité personnelle des chrétiens qui, sans avoir nécessairement un cachet officiel de l'Église, s'engagent à réaliser en première personne des initiatives sociales, éducatives, etc. d'inspiration clairement chrétienne, en utilisant leurs propres capacités et en risquant leurs propres investissements. C'est ce que le Concile Vatican II a repris comme étant le propre des laïcs dans l'Église dans le texte que j'ai cité plus haut.

16. Pourtant, derrière les fondations créées pour soutenir des initiatives apostoliques ou d'autres activités formatives de l'Opus Dei, il y a ceux qui y voient une couverture pour éviter la transparence des fonds supposés de l'Opus Dei. Que répondez-vous à cela ?

Je répondrais en expliquant la réalité des choses : toute initiative apostolique cherche la manière la plus appropriée d'assurer sa durabilité, comme cela se produit dans tant d'autres institutions liées ou non à l'Église. Par exemple, presque toutes les universités du monde sont soutenues par des fondations ou des entités qui permettent de recevoir des dons pour la réalisation de certains projets. Ainsi, l'Université Pontificale de la Sainte-Croix reçoit le soutien de diverses fondations créées pour canaliser les dons en faveur de l'université et – en général – de la formation des prêtres, comme la Fondation CARF (Espagne), la Fondation Santa Croce (Canada) ou la fondation Priesterausbildungshilfe e.V. (Allemagne).

Dans d'autres endroits, des membres de l'Opus Dei ont créé des fondations pour que les personnes qui le souhaitent puissent collaborer avec les différents instruments apostoliques dans lesquels se déroulent les activités de formation spirituelle de la Prélature. C'est le cas de la Woodlawn Foundation aux États-Unis ou de la Netherhall Educational Association en Angleterre, dont la mission est claire et transparente.

D'autre part, il existe d'autres fondations promues par des membres de l'Œuvre avec d'autres personnes pour réaliser divers projets liés au bien commun, qui peuvent être ou non liés à l'Opus Dei ; ou, si elles sont liées à l’Opus Dei, cela peut être le cas seulement pour certains de leurs projets, sans l’être pour d’autres. Les fondations créées par Luis Valls-Taberner en Espagne en sont un exemple.

En Italie, il existe encore peu d’exemples. L'un d'entre eux est la Biomedical University Foundation créée par Joaquín Navarro Valls pour soutenir des universités et des centres médicaux comme le Campus Bio-Medical de Rome. Des personnes qui ont décidé de laisser leur héritage pour mettre en place des projets conformes à leurs rêves et à leurs idéaux.

Dans tous les cas cités, celui qui veut y voir une couverture verra une couverture, mais la réalité est qu'il s'agit d'initiatives libres de personnes libres, gérées par leurs promoteurs, avec des critères de transparence et de légalité identiques à ceux d'autres entités similaires dans le pays respectif. Pour l'expliquer aussi d'un point de vue négatif, dans le cas hypothétique où un organisme propriétaire ou gestionnaire de l'un de ces instruments voudrait cesser de contribuer ou de collaborer avec une initiative de l'Opus Dei, l'Opus Dei, n'étant ni propriétaire ni gestionnaire, ne pourrait rien revendiquer.

Comme je l'ai déjà dit, toute autre forme d'organisation légale serait parfaitement légitime. Mais si l'Opus Dei a choisi de ne pas accumuler de patrimoine, c'est parce qu'il répond mieux à un désir lié à la fondation de l'Œuvre, qui s'exprime de manière tout aussi légitime et pleinement conforme à la loi. Ce désir, auquel je me réfère, est double : d'une part, que les œuvres apostoliques soient des instruments civils, assumés par des citoyens laïcs qui assument ainsi la pleine responsabilité de leur fonctionnement sans compromettre la structure ecclésiastique. D'autre part, faire en sorte que l'Opus Dei en tant que tel ait le moins de biens possible, seulement ceux qui sont strictement nécessaires.

Certes, ce mode d'organisation demande un plus grand effort d'explication, mais nous considérons qu'il en vaut la peine. D'autre part, il est vrai que certaines entités ou fondations pourraient mieux communiquer leur nature et leur relation avec l'Opus Dei, ce qui permettrait d'éviter la perception mentionnée dans la question.

17. La séparation entre ces fondations et l'Œuvre en tant que telle est affirmée ; cependant, dans les organes de direction de ces fondations, on trouve parfois des personnes ayant des positions institutionnelles dans l'Opus Dei.

Bien sûr, c'est possible, mais sa participation éventuelle à de telles entités n'est pas due à sa position dans un organe directeur de l'Opus Dei, mais au fait qu'il partage des idéaux et des projets, les idéaux et les projets qui ont donné lieu à la création de ces entités.

En tout état de cause, un directeur ou une directrice de l'Œuvre qui ferait partie du comité de direction serait soumis aux mêmes exigences que tout autre membre de ce comité, comme il est évident, et ne rendrait pas compte au Prélat ou à l'autorité de l'Opus Dei pour cette tâche, mais aux patrons de l'entité.

18. Pour en revenir à l'éducation, aux initiatives sociales, etc. : qui prend les décisions économiques ? Comment l'activité est-elle contrôlée ?

Les décisions qui appartiennent à la sphère propre de l'initiative (stratégique, économique, sociétale) ne sont pas prises par les responsables du gouvernement de l'Opus Dei, mais par les personnes qui dirigent cette initiative. Ce sont eux qui établissent les lignes de gestion, tandis que l'Opus Dei peut-être une sorte d'allié ou de fiduciaire qui veille à la permanence de l'inspiration chrétienne de l'entité promotrice et apporte un soutien spirituel et doctrinal à son activité. Cela signifie, entre autres, que la Prélature ne veut ni ne souhaite avoir les moyens juridiques de s'imposer aux conseils et/ou organes exécutifs de l’initiative apostolique en question, en dehors du rôle d'inspiration que lui confèrent les accords d’attention pastorale qu'elle a pu établir avec elle.

Les relations entre les directeurs des entités et les autorités de l'Opus Dei sont empreintes de confiance mutuelle et se traduisent dans la pratique par des contacts et des relations informels sur des sujets qui méritent d'être traités parce qu'ils concernent des aspects liés à la mission, à l'identité chrétienne et, en général, à la continuité du projet.

Un principe fondamental : les personnes qui dirigent ces activités y prennent leur place parce qu'elles sont compétentes dans leur travail et parce qu'elles partagent le désir de s'engager pour le bien commun, selon l'esprit de l'Œuvre que veulent vivre les fondateurs ou les mécènes des projets. Si les dirigeants de l'Opus Dei essayaient de dicter des lois sur la manière de prendre des décisions dans le domaine des investissements et des dépenses, cela contredirait l'importance que le Fondateur attachait à la liberté d'action et à la responsabilité personnelle et sociale des chrétiens. Il s'agit d'un aspect essentiel qui appartient au charisme de l'Opus Dei.

Là aussi, il y a eu une évolution. Au début, les directeurs de l'Opus Dei pouvaient intervenir plus directement dans ce type de décision, faute de personnes suffisamment formées au sein de l'Œuvre. Dans certains cas, par inertie, cette situation a pu se prolonger, mais c'est une chose à laquelle nous voulons être très attentifs pour maintenir une stricte séparation des compétences.

19. N'êtes-vous vraiment pas consulté sur toutes les opérations que les initiatives entreprennent ?

Non. Un exemple personnel : j'ai appris par les journaux l'investissement du Campus Biomédical dans le robot "HUGO", un instrument de pointe pour les opérations chirurgicales délicates. Il s'agit d'un investissement substantiel d'un point de vue économique et qui reflète une stratégie précise des instances dirigeantes du Campus Biomédical, sur laquelle les directeurs de la Prélature n'ont rien à dire. D'ailleurs, personne ne me l'a demandé, ni avant, ni depuis. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de concertation et de dialogue confiant entre les promoteurs du Campus Biomédical et les dirigeants de l'Opus Dei sur des questions qui touchent à l'identité chrétienne et formative : au contraire, il existe un accord écrit qui règle les modalités de ce dialogue et définit les compétences.

20. Les promoteurs des initiatives sont-ils donc autonomes ?

C'est tout à fait exact. N'oubliez pas non plus que c'est la façon habituelle de procéder lorsqu'on parle d'initiatives civiles des fidèles laïcs. Il n’y a aucun doute dans l'esprit de l'Opus Dei que toute activité commerciale, professionnelle, etc. d'un membre de la Prélature – du chauffeur de taxi à l'homme d'affaires – est nécessairement en dehors de la sphère de compétence des dirigeants de l'Opus Dei.

21. Pouvez-vous bien expliquer ce que signifie le fait que l'Opus Dei se charge de l'orientation chrétienne de ces initiatives, en veillant à la formation chrétienne qui y est dispensée ?

Cela signifie que la prélature de l'Opus Dei veille à ce que l'activité menée dans le cadre de ces initiatives soit empreinte d'un authentique esprit chrétien.

22. De quelle manière ?

Tout d'abord, en offrant une solide formation chrétienne, en mettant à disposition des prêtres qui travaillent comme aumôniers pour ces initiatives et en essayant d'encourager ceux qui travaillent et collaborent à ces initiatives à agir en gardant à l'esprit les valeurs de l'Évangile, y compris, par exemple, en matière de justice sociale.

Dans la pratique, il arrive souvent que les promoteurs de ces initiatives demandent conseil et orientation aux directeurs de l'Opus Dei, parce qu'ils veulent maintenir le charisme, puisque chacune de ces œuvres apostoliques s'inspire du message de saint Josémaria. Et, bien sûr, faciliter la coordination des activités spirituelles, comme les retraites et les cercles de formation.

23. Qui soutient financièrement ces initiatives apostoliques ?

Ces initiatives sont principalement soutenues par les revenus des activités qui s'y déroulent, conformément aux procédures et aux lois inhérentes aux activités similaires dans le pays : paiements, cotisations sociales, subventions publiques et privées.

Dans de nombreux cas, pour les aider à couvrir leurs besoins courants ou des investissements importants (agrandissement, rénovation, etc.), des patronages sont également constitués, soutenus par la générosité de divers donateurs.

24. La Prélature de l'Opus Dei indique-t-elle à ses fidèles les initiatives ou les activités à soutenir ?

La Prélature encourage les membres, les coopérateurs et les autres personnes qui participent aux activités de formation à contribuer au soutien financier des activités apostoliques. Chaque donateur décide ensuite en toute responsabilité de ce qu'il fait.

25. Les initiatives apostoliques sont donc "autogérées" et autonomes. Mais la Prélature de l'Opus Dei en tant que telle dispose-t-elle d'un budget propre ?

Oui, la Prélature a ses propres comptes : la plupart des dépenses concernent l'entretien des sièges de gouvernement de la Prélature de l'Opus Dei et des personnes qui se consacrent à plein temps au gouvernement (pour ce poste, en Italie, en 2023, environ 890 000 € ont été dépensés). Un autre poste concerne le clergé : en Italie, il y a 70 prêtres incardinés dans la Prélature, dont la plupart sont soutenus par les fidèles numéraires avec lesquels ils vivent, dans les différents centres : une partie continue d'être prise en charge par la Prélature de l'Opus Dei (les dépenses en 2023 ont été d'environ 285 000 €). Le total des dépenses en 2023 s'élève à environ 1 210 000 €.

26. Ce chiffre semble peu élevé si l'on considère le nombre d'initiatives apostoliques de l'Opus Dei en Italie ?

Qu'il soit élevé ou bas, c'est la vérité, si l'on tient compte du fait que chaque initiative – comme je l'ai dit précédemment – est autonome et indépendante et qu'elle dispose de son propre budget. Essayer de faire une sorte de bilan "consolidé" serait contraire à la réalité du droit et des faits, car chaque initiative dépend de ses propres ressources.

27. Qui soutient financièrement l'Opus Dei ?

Je vous rappelle que chaque membre de l'Opus Dei se soutient par son propre travail ou par les pensions qui lui correspondent du fait de sa retraite, de son veuvage, de son invalidité, etc. Les frais généraux de l'institution, en revanche, sont couverts par les contributions des membres et des amis. En tant que chrétiens, ils décident de soutenir par des aumônes l'institution dans laquelle ils reçoivent une formation chrétienne, tout comme ils soutiennent leur paroisse et d'autres initiatives et institutions de l'Église.

Chacun aide comme il le peut et comme il le souhaite. Environ 75% des membres de l'Opus Dei sont des surnuméraires, pour la plupart mariés, pour qui la sanctification des devoirs familiaux est un élément fondamental de leur vie chrétienne : ils donnent aux initiatives apostoliques, ou directement à la Prélature, le montant qu'ils souhaitent, après avoir pourvu à leurs propres dépenses et aux besoins de leurs familles. Il n'y a pas de "quota fixe", car le montant concret de la contribution dépend des circonstances et de la liberté de chacun : c'est une question de générosité et de discernement personnel.

28. Mais est-il vrai que les numéraires et les agrégés donnent tout ce qu'ils gagnent à l'Œuvre ?

Comme vous le savez, la plupart des numéraires vivent dans les centres ou les résidences, tandis que les agrégés habitent généralement dans leur propre famille, ou dans un lieu plus approprié à leur situation professionnelle. Mais tous font de l'Opus Dei leur propre famille. Ils vivent de leur travail professionnel et donnent ce qu'ils peuvent après avoir pourvu à leurs dépenses, en premier lieu à leurs frais de logement. Ils s'engagent à affecter le reste à des activités sociales, éducatives et apostoliques promues par la Prélature de l'Opus Dei et dignes d'être soutenues, ou, le cas échéant, au soutien de la Prélature elle-même, pour couvrir les dépenses que j'ai mentionnées plus haut.

29. Et sont-ils obligés de faire un testament en faveur de l'Opus Dei ?

Au moment de leur incorporation définitive à l'Opus Dei, on demande aux numéraires et aux agrégés de faire un testament et on leur rappelle qu'ils sont totalement libres d'attribuer ce qu'ils possèdent à qui ils veulent (œuvres apostoliques, membres de la famille, etc.). Dans le cadre de cette liberté totale, il me semble naturel que ceux qui ont joyeusement consacré leur vie à Dieu à travers une institution de l'Église aient le désir d'allouer tout ou partie de leurs biens aux initiatives apostoliques qui en ont le plus besoin. Mon expérience est que cela se vit avec une grande liberté et qu'il y a des cas variés selon les différentes circonstances de la vie.

30. Si un membre n'a pas la possibilité de contribuer, que se passe-t-il ?

Il ne se passe rien, absolument rien. Dans l'Opus Dei, nombreux sont ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts. Certains offrent le fruit d'un petit sacrifice, comme renoncer à un café, prendre le bus..., des sommes apparemment dérisoires, mais d'une grande valeur spirituelle, comme l'offrande de la veuve dont Jésus fait l'éloge dans l'Évangile.

31. Est-il vrai qu'il y a des gens riches dans l'Opus Dei ?

Il y a des gens dans l'Opus Dei qui peuvent être considérés comme tels. Il y a aussi des pauvres : toute la société est représentée, ou presque. Je dirais clairement que la plupart des fidèles de l'Opus Dei en Italie appartiennent à la classe moyenne. Et en ces temps de crise, il y a aussi beaucoup de chômeurs à la recherche d'un emploi.

32. Mais pourquoi les personnes qui entrent dans un centre de l'Opus Dei ont-elles parfois l'impression d'entrer dans une belle et riche maison ? Où est la sobriété ?

Le message de l'Opus Dei nous invite à prendre soin des petites choses, y compris dans l'ordre matériel, comme manifestation de l'amour pour Dieu et pour les autres. Nous essayons de faire en sorte que le siège de chaque centre et de chaque œuvre reflète ce trait, conformément à sa fonction, sans luxe et en tenant compte du contexte : une université n'est pas la même chose qu'une école primaire. La sobriété se réfère, en premier lieu, à la vie personnelle de chacun. Et puis l'austérité se manifeste aussi en essayant de faire durer les choses longtemps, de bien les entretenir. Un épisode s'est produit à Rome, dans ce qui est aujourd'hui le siège de la Prélature : lorsque les anciens propriétaires sont revenus visiter la maison, ils ont commenté : « Quel beau sol, l'avez-vous changé ? Non – fut la réponse –, c'est le même qu'avant, mais propre... ».

33. Une dernière question : pourquoi pensez-vous que l'on dit souvent que l'Opus Dei est riche ?

Peut-être parce qu'il y a un manque de connaissance de première main de ce qu'est la Prélature et de ce qu'elle fait. Peut-être cette perception provient-elle de la confusion entre le patrimoine personnel de certains membres de l'Opus Dei et celui de l'institution, qui sont deux choses totalement différentes. D'ailleurs, on regarde souvent un bâtiment bien fini sans savoir qu'il a été construit grâce à un emprunt dont les promoteurs se sont engagés comme garants.

Quoi qu'il en soit, tout ce que l'Opus Dei accompagne, c'est la réalisation d'une tâche de service, d'éducation et d'évangélisation, ouverte à tous. Et il est fondamental de toujours considérer l'Œuvre comme ce qu'elle est : une institution de l'Église au service de l'Église.