Les loisirs: pour ou contre la cohésion familiale?

Voici le texte de la conférence que l'abbé Abdoulaye Sissoko, Vicaire Régional de l'Opus Dei en Côte d'Ivoire, a prononcée le 26 mai 2018 au Centre Culturel Niéré.

INTRODUCTION

Pour commencer, je souhaiterais, une fois de plus, adresser mes sincères remerciements et encouragements à ProAct pour l’initiative de nous réunir chaque année, déjà depuis quelques temps, dans le cadre de leurs activités de réflexion sur la famille.

Aujourd’hui, il s’agit de nous intéresser à la relation entre la famille et les loisirs; plus précisément à se demander si les loisirs sont pour ou contre la cohésion familiale. En d’autres termes, si les loisirs permettent d’obtenir l’épanouissement de la famille.

C’est une problématique très intéressante quand on constate de nos jours que, grâce au développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, les divertissements proposés aux individus par le marché sont si attrayants et si performants qu’ils semblent capables de nuire à la communication familiale. A ce sujet, j’ai été assez interpelé par une brève vidéo intitulée « Pass the salt » (Passe-moi le sel) qui, à mon avis, peut nous introduire aux problématiques de ce jour.

En effet, en voyant cette vidéo, nous sommes en droit de nous poser les questions suivantes : Est-ce toujours le cas ? Les loisirs sont-ils toujours contre la cohésion familiale ? Telles sont donc les interrogations fondamentales qu’il est opportun, aujourd’hui, d’affronter au cours de cette conférence. Pour ce faire, j’ai pensé que nous pourrions articuler notre réflexion autour de ces axes suivants :

  • Qu’entend-on par loisirs ?
  • Quelle est la place des loisirs dans la vie de l’homme ?
  • Quels sont les relations des loisirs avec la vie familiale ?
  • Peut-on utiliser les loisirs au profit de la vie familiale ? Si oui, comment ?

I.QU’ENTEND-ON PAR « LOISIRS » ?

Selon le dictionnaire étymologique Français, Loisir, d'origine, c'est l'infinitif, pris substantivement, d'un ancien verbe jadis fort usité, qui ne veut pas dire être en loisir, mais qui veut dire être permis ; car il vient du latin licere, être licite. Au reste, le sens étymologique est conservé dans l'adjectif loisible. Ainsi, de très bonne heure, l'usage populaire a trouvé dans « être permis » un acheminement au sens détourné « d'intervalle de temps où l'on se repose, où l'on fait ce que l'on veut ».

De ce fait le dictionnaire Larousse, par exemple, retient les définitions suivantes pour le mot loisirs :

  • Temps libre dont on dispose en dehors des occupations imposées, obligatoires, et qu'on peut utiliser à son gré : Profiter de ses loisirs pour se cultiver.
  • Distractions, amusements auxquels on se livre pendant ses moments de liberté : Des loisirs intellectuels.

Ces 2 sens nous intéressent dans le cadre de cette conférence car ils concernent tous les deux notre problématique : que ce soit le temps libre en soi, ou les distractions ou amusements auxquels on se livre pendant ce temps libre, sont-ils pour ou contre la cohésion familiale ?

Afin de mieux cerner l’impact des loisirs sur la vie familiale, il est opportun de s’arrêter, au préalable, sur la place du temps libre et des distractions dans la vie de l’homme.

II.QUELLE EST LA PLACE DES LOISIRS DANS LA VIE DE L’HOMME ?

A.LOISIRS COMME TEMPS LIBRE

1.La valeur du temps libre

Le temps « libre » est, par définition, un temps de liberté, un temps pour la gratuité, la beauté et le dialogue ; un temps pour toutes ces choses qui ne sont pas « contraignantes » mais sans quoi il n'est pas possible de vivre.

Pendant ces heures quotidiennes où les obligations scolaires ou professionnelles s'interrompent, la personne se sent maître de son destin et peut faire ce qu'elle veut réellement : être avec ses amis ou en famille, s'adonner à certaines de ses activités favorites, se reposer et s'amuser de la manière qui lui plaît le plus.

En conséquence, la gestion du temps libre est une activité capitale pour le bon et plein épanouissement de la personne humaine, tout comme le travail. C’est un cadre où il met en jeu sa liberté d'une façon plus ou moins consciente.

Dans l’unité de l’existence personnelle, travail et temps libre ne doivent pas être séparés car le repos n’est pas une pure évasion mais un besoin de l’homme. En effet, l’être humain étant unité de corps et d’esprit, l’un et l’autre interagisse réciproquement. De même que l’esprit, en fonction de son état, peut animer le corps ou l’écraser, le corps, à son tour, peut être le portevoix de l’esprit s’il est bien portant, mais aussi une sourdine, si la santé est défaillante.

Puisqu’il vaut mieux prévenir que guérir, le repos est une des meilleures mesures de la prévention. Il s’agit de trouver l’équilibre entre la sollicitude pour nos obligations et notre responsabilité de refaire les forces indispensables pour continuer de s’en occuper. C’est pourquoi se reposer, ce n’est pas un luxe ni une marque d’égoïsme, mais un besoin, un devoir. Cependant, le vrai repos n’est pas une évasion : il s’agit plutôt de prendre un peu de recul par rapport à la vie quotidienne, pour ensuite y retourner dans un esprit renouvelé, et non pas de la fuir anxieusement.

Dans la tradition judéo-chrétienne, le temps libre du repos est en lien avec le repos joyeux de Dieu au terme de la création quand il a béni le septième jour et l’a sanctifié. Comme le disait le Pape Saint Jean-Paul II, « ce jour de repos de Dieu donne tout son sens au temps »[1]. De ce fait, tous les temps, aussi bien celui du travail que celui du repos sont bons aux yeux de Dieu : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon » (Gn 1, 31).

Si cela est valable pour tout être humain, pour les jeunes cela est particulièrement important. En effet, le temps libre possède des virtualités éducatives spécifiques. St Jean Paul II, à ce propos, encourageait à « promouvoir et valoriser le temps libre des jeunes et à mieux orienter leurs énergies »[2].

Dans le domaine du temps libre, le jeune prend ses décisions sans hésiter à les assumer, parce qu'elles visent à hiérarchiser ses intérêts : Qu'est-ce qu'il me plairait de faire, quelle tâche devrais-je recommencer ou laquelle pourrais-je remettre à plus tard… ? Il peut apprendre à mieux se connaître lui-même, découvrir de nouvelles responsabilités et les gérer.

Passer du temps libre avec ses parents permet à l’enfant de :

  • Renforcer son autoestime
  • Améliorer la capacité d’absorber les valeurs que les parents souhaitent lui transmettre
  • Améliorer la perception entre ce qui est bien et ce qui est mal
  • Le jeu est associé spontanément au bonheur, à une situation dans laquelle le temps n'est pas une charge, à une expérience ouverte à l'admiration et à l'inattendu.
  • Dans le jeu chacun montre son identité la plus intime : il s'y implique avec tout son être, souvent davantage que dans d'autres tâches.
  • Le jeu est, avant tout, un échantillon de ce que sera la vie : une façon d'apprendre à utiliser les énergies disponibles, un test des propres capacités, de ce qui peut être réalisé.
  • La nature humaine se sert du jeu pour atteindre son développement et sa maturité. S’il est vrai que l'animal joue aussi, mais il joue beaucoup moins que l'homme, précisément parce que son apprentissage se stabilise. La personne humaine joue pendant toute sa vie, parce qu'elle peut continuer de grandir, en tant que personne, sans limite d'âge. Bien que cela semble paradoxal, les enfants ne sont donc pas les seuls à avoir besoin de jouer. Nous pourrions même dire que plus l'homme avance en âge, plus il doit jouer.
  • Le jeu possède une valeur éthique et aide à être des sujets dotés d'une moralité : il n'est pas possible de jouer sans être responsable.
  • Le jeu stimule le caractère social de la personne humaine. C'est pourquoi il est normal de jouer avec d'autres : ce sont par exemple les « jeux de société » ou les jeux en équipe. Ce caractère social est si enraciné que les enfants ont tendance, même s'ils jouent tout seuls, à élaborer des scénarios fantastiques, des histoires, d'autres personnages avec lesquels ils peuvent dialoguer et entrer en rapport. Ils ressentent la joie d'être et de s'amuser avec les autres, ils assimilent et imitent les rôles de leurs aînés.
  • Le jeu permet aux enfants d’apprendre :
    • à interpréter des connaissances,
    • à tester leurs forces dans une compétition,
    • à intégrer différents aspects de leur personnalité : le jeu constitue un défi permanent.
    • à faire l'expérience de règles qu'ils doivent assumer librement pour bien jouer,
    • à se donner des objectifs
    • à s'exercer à relativiser leurs défaites.
    • à se connaître et à connaître les autres
    • à exprimer des sentiments qui les aident à connaître et à réguler leurs émotions
    • des notions de logique mathématique comme les tailles, les formes, les nombres, les concepts plus ou moins, les classifications,
    • un vocabulaire nouveau.
  • Lorsque l’enfant joue et se divertit, sans être forcément conscient, il travaille sa psychomotricité et apprend.

En définitive, le temps libre est un temps pour vivre, grandir, apprendre et se reposer. C’est un temps qui doit enrichir la personne. En résumé, le temps libre devrait réaliser une triple mission : être un temps de repos, de distraction et de développement. Sinon, on serait en train de perdre le temps au lieu d’en profiter. Il présenterait alors des dangers pour la personne sur lesquels il convient, à présent, de s’arrêter.

2.Les dangers du temps libre.

Si le temps libre n’est pas mis à profit, il peut devenir une source de corruption pour la personne en étant un temps d’oisiveté. En effet, comme le dit si bien l’adage « l’oisiveté est la mère de tous les vices ». Être oisif ou s’ennuyer peut conduire à se consacrer à des passe-temps nocifs au détriment de l’épanouissement de la personne humaine.

Il est important que le temps libre ne soit pas du temps en trop qu’il faille « tuer ». Comme l’écrivait St Josémaria « Comme il est dommage de ne vivre que pour tuer son temps, ce trésor de Dieu ! (…) Lorsque, par égoïsme, le chrétien se retranche, qu’il se cache, qu’il se désintéresse, en un mot lorsqu’il tue son temps, il risque fort de tuer son ciel. »[3]

Le temps libre ne doit donc pas être un temps de banalités mais devrait se convertir en un temps créatif, de qualité, un temps de vertus.

Raison pour laquelle on ne peut considérer les loisirs comme temps libre sans s’intéresser aux loisirs en tant qu’activités de distractions qui meublent ce temps. Examinons donc la place des loisirs dans la vie de l’homme dans le sens d’activités de distractions.

B.LA PLACE DES DISTRACTIONS

1.Une grande variété de distractions :

Il existe une grande variété de réalités qui peuvent être regroupées sous le terme générique de loisirs dans le sens d’activités de distractions. On a par exemple :

  • Les jeux
  • Le sport
  • Les excursions, les promenades
  • Les fêtes
  • Les activités culturelles (arts, lecture, etc.)
  • Le cinéma, la télévision
  • Les conversations

On peut classer aussi les loisirs selon 2 grands groupes : les loisirs de divertissement et les loisirs de satisfaction. Les loisirs de divertissement sont les plus accessibles et offerts par le marché du divertissement (dîner savoureux, bons films, parc thématique, etc.). Les loisirs de satisfaction qui sont plus exigeants mais mettent en jeu des activités cognitives, motrices, sociales (excursions, théâtre improvisé, sport, fêtes avec d’autres familles)

Parmi toutes ces occupations possibles pour le temps libre, il en est une que les enfants — et non seulement eux — préfèrent à toutes les autres : le jeu. En plus, il existe une grande variété de jeux qui se rapprochent d’une certaine façon des autres activités de divertissement. On peut distinguer par exemple :

  • les jeux de psychomotricité,
  • le jeu social et émotionnel
  • les jeux cognitifs
  • les jeux électroniques.

En conséquence, il me semble qu’en analysant principalement la valeur du jeu pour l’homme, nous aurons une vision assez globale de la valeur de tous ces types de distractions qui, d’ailleurs, ont en commun leur caractère ludique pour l’être humain.

2.Les valeurs du jeu dans la vie de l’homme

Pour l’être humain, on peut souligner les aspects suivants du jeu :

De façon parallèle au temps libre, le jeu lorsqu’il n’est pas bien utilisé peut comporter des travers pour la personne humaine qu’il convient maintenant de relever.

3.Les travers des jeux et des autres distractions.

De part sa capacité à captiver de façon agréable, le jeu peut conduire la personne à y consacrer plus de temps qu’il ne faut. Dans ce cas, cela crée un déséquilibre dans les différentes composantes de la vie de cette personne et la conduit à négliger ses autres devoirs. Son épanouissement plénier est donc compromis. On peut même arriver au cas extrême de la ludopathie où il existe une dépendance pathologique au jeu.

Les jeux peuvent aussi véhiculer des réalités peu éducatives et déformer ainsi les personnes : violence, sensualité, grossièretés, etc. Ils peuvent ainsi occasionner l’éclosion de nombreux vices : la paresse, l’égoïsme, la superficialité, etc. Il est donc important d’en tenir compte au moment du choix des jeux et des autres distractions.

Par ailleurs, les jeux, en particulier les jeux électroniques et virtuels, peuvent conduire l’individu à se couper des autres et à s’enfermer dans son monde.

Les autres types de distractions possèdent aussi certains travers qui leur sont spécifiques, en plus de ceux que nous avons énoncés précédemment. Par exemple, les soirées pour les adolescents qui peuvent donner lieu à des désordres moraux importants (ivresse, promiscuité, drogue, etc.). Comme le signalait le pape Benoît XVI, « les manifestations dégradantes et la manipulation vulgaire de la sexualité aujourd’hui si dominante »[4] que promeut l’industrie du divertissement et des loisirs tend à limiter la liberté individuelle et à déshumaniser les personnes.

En définitive, ces travers résident dans l’usage excessif de ces différentes activités, comme en toute chose.

Après avoir ainsi examiné, la place des loisirs dans la vie de la personne humaine en général, il convient maintenant de nous arrêter sur leur relation avec la vie familiale qui constitue le noyau de cette conférence.

III.QUELLES SONT LES RELATIONS DES LOISIRS AVEC LA VIE FAMILIALE ?

Pourquoi se poser cette question ? A mon avis, comme on l’a souligné auparavant, les loisirs font appel à la dimension sociale de la personne humaine. De ce fait, puisque le premier lieu naturel de socialisation de l’individu est la famille, il est logique que ces activités aient une certaine relation avec la famille.

En effet, selon la définition de famille que propose St Jean-Paul II dans son exhortation post-synodale Familiaris consortio : « La famille, fondée par amour et vivifiée par lui, est une communauté de personnes : les époux, homme et femme, les parents et les enfants, la parenté. Son premier devoir est de vivre fidèlement la réalité de la communion dans un effort constant pour promouvoir une authentique communauté de personnes. »[5]

Il convient donc d’étudier d’une part, quel est l’impact des loisirs sur le processus de promotion de cette communauté de personnes en en identifiant les avantages et les inconvénients et, d’autre part, quel rôle peut avoir la famille sur les loisirs.

A.L’IMPACT DES LOISIRS SUR LA FAMILLE

1.Les avantages :

Les avantages des loisirs pour la famille se déduisent principalement des aspects positifs relevés plus haut sur la personne humaine. Sans prétendre être exhaustif, on peut relever les points suivants :

  • Dans la mesure où la famille signifie affection, et que l’affection exige la fréquentation, occasion de se frotter, dans ce qui est bon et ce qui est mauvais, les loisirs y contribuent aussi.
  • Le jeu permet l’éducation des enfants : En grec, éducation (paideia) et jeu (paidiá) sont des termes appartenant à la même famille sémantique. La raison en est qu'en apprenant à jouer l'on acquiert aussi une attitude fort utile pour affronter la vie en étant ainsi éduquer.
  • Le jeu est une forme très appropriée pour que les parents consacrent aux enfants le temps dont ces derniers ont besoin pour renforcer les liens affectifs, pour leur transmettre des connaissances et pour mieux les connaître.
  • Les loisirs permettent aux parents d’être meilleurs amis de leurs enfants puisqu’ils favorisent la relation interpersonnelle avec eux et leur épanouissement.
  • Les loisirs passés en famille permettent à l’enfant de réarmer sa position dans le noyau familial.
  • Les loisirs en famille procurent des moments agréables qui génèrent des souvenirs inoubliables.
  • Les loisirs en famille favorisent l’union, la communication et la participation.
  • Lorsque les loisirs sont vécus comme des moments individualistes et égoïstes où on ne recherche que sa satisfaction personnelle, ils se constituent en ennemis de la vie familiale. En effet, chacun va de son côté et on ne prend plus plaisir à être ensemble. L’union, la communication et la participation sont alors compromis.
  • Avec les loisirs audiovisuels, les parents peuvent perdre leur potentiel éducatif s’ils ne s’y impliquent avec leurs enfants.
  • L’absorption par les loisirs peuvent altérer la communication familiale comme nous l’avons vu dans le film « pass the salt ». Sans dialogue, il difficile de construire la cohésion familiale
  • Dans le cas des adolescents qui préfèrent se divertir avec leurs amis plus qu’avec leur famille, les loisirs ont tendance à les éloigner du foyer familial.
  • Le fait que l’offre des loisirs soit dominée par la logique de la consommation peut conduire à des habitudes individualistes, passives, peu participatives et nullement solidaires. Par exemple, ne consacrer son temps libre qu’à des activités comme : flâner dans un centre commercial, acheter des vêtements dernier cri, dîner dans une enseigne de restauration rapide, aller au cinéma, etc.
  • Les loisirs peuvent compromettre l’éducation que la personne devrait recevoir grâce à la cohésion familiale.

2.Les inconvénients

B.LE RÔLE DE LA FAMILLE DANS LES LOISIRS

S’il est vrai que les loisirs ont des impacts sur la famille, il n’en demeure pas moins qu’à leur tour, ils ont une certaine dépendance vis-à-vis de la vie familiale.

En effet, c’est surtout en famille qu’on apprend à jouer. Vivre, c'est jouer, entrer en compétition ; mais vivre c'est aussi coopérer, aider, être ensemble. Il est difficile de comprendre comment les deux aspects peuvent se concilier — la compétition et la bonne entente — en dehors de l'institution familiale. La famille est l’unique lieu où on peut mieux apprendre le bon équilibre dans l’usage des loisirs. Sans équilibre, toutes les activités peuvent causer des dégâts physiques, émotionnels et sociaux. Si cela est vrai ne serait-ce que pour les bonbons, qu’en sera-t-il des autres choses comme internet, les jeux-vidéos, etc. ?

Les parents, en tant qu’éducateurs, ne peuvent pas donner l’impression qu’ils s’ennuient ou que pour se détendre ils ne font rien. Leur façon de se reposer doit, en quelque sorte, être orientée vers un repos au service des autres, un repos en Dieu. C’est ainsi que les enfants peuvent comprendre que les loisirs permettent de se distraire par des activités exigeant moins d’effort, tout en apprenant des choses nouvelles, de cultiver l’amitié en améliorant la vie de famille.

C’est au sein de la famille, que la personne peut apprendre à administrer sa liberté de façon responsable dans l’éducation qu’elle reçoit des parents.

Il appartient donc aux parents de prendre les initiatives nécessaires pour profiter au mieux des loisirs en y consacrant le temps opportun. C’est dans la famille, par exemple, que les enfants sont appelés à apprendre le caractère de don que possèdent les fêtes. En particulier, dans les familles chrétiennes, lorsque les parents font un certain effort à l’heure d’organiser le dimanche – ou toute autre période de repos – en prévoyant la Sainte Messe et les autres sacrements, les enfants comprennent avec naturel que « le temps libre, toutefois, demeure vide si Dieu n’y est pas présent »[6].

En résumé, la famille favorise un meilleur apprentissage et usage des loisirs et permet de surmonter les travers que nous avons pu identifier précédemment. De ce fait puisque la famille est le cadre idéal pour mieux profiter des loisirs, ces derniers peuvent être utilisés au profit de la cohésion familiale. Voyons donc comment le faire.

C.COMMENT UTILISER LES LOISIRS AU PROFIT DE LA VIE FAMILIALE ?

Pour répondre à cette question, il me semble que Saint Josémaria ouvre des pistes intéressantes à travers les conseils suivants qu’il donnait : « promouvez vous-mêmes, pères et mères de famille, des divertissements sains et joyeux, aussi loin de la tartufferie que du ton mondain qui offense la morale chrétienne, De ces réunions, il sortira des mariages entre vos enfants que le Seigneur bénira, et qui auront en héritage le bonheur et la paix qu’ils ont appris dans cos foyers pleins de lumière de de joie »[7].

En conséquence, au regard des avantages des loisirs pour la vie familiale, il est important que chacun des membres, plus particulièrement les parents, s’investissent pour que le temps libre ne soit pas une simple occasion d’évasion ou de réjouissance, mais aussi d’éducation. Apprendre aux jeunes à bien se divertir c’est les aider à découvrir le vrai bonheur face à la pression du milieu ambiant qui, dans les sociétés de consommation, propose des divertissements délétères et superficiels.

Pour ce faire, il importe de tenir compte des points suivants :

  • Pour vivre les loisirs en famille, il ne s’agit pas uniquement de la question d’avoir du temps mais de s’en donner.
  • Il importe de programmer en avance les activités de loisirs de manière à rendre compatible les moments de repos des parents avec ceux des enfants. Savoir comment s’organiser est question de pratique et de constance. Il faut apprendre à rentabiliser les heures que la journée de travail laisse à notre disposition. Le plus important pour les enfants c’est la qualité du temps que les adultes passent avec eux et non pas la quantité. Il faut transformer le temps libre passer avec eux en un temps de qualité.
  • Pour que le temps libre soit de qualité, il est important de :
    • Partager ces moments avec les plus petits ;
    • Créer un moment unique et prioritaire pour passer du temps avec les enfants ;
    • Maintenir une communication constante avec les enfants.
  • La programmation devra tenir compte des goûts des uns et des autres et s’effectuer dans un climat de dialogue, surtout pour les adolescents. L’objectif n’est pas de leur proposer des projets parfaitement ficelés, mais de développer l’esprit d’initiative des enfants.
  • Il s’agit de créer avec les loisirs un cadre qui favorise l’union, la communication et la participation.
  • Le choix des loisirs doit aussi s’accorder à l’âge des différents membres. Consacrer du temps aux enfants quand ils sont encore petits, par exemple, permet d’engager des conversations d’une certaine hauteur au moment de l’adolescence. Il s’agit en définitive de concevoir des divertissements et des intérêts qui favorisent le sens de l’amitié, qui aident les enfants à se sentir responsable du bien des personnes qu’ils aiment.
  • Il est aussi opportun de savoir conjuguer les jeux de mouvements avec les jeux d’attention, d’habileté de manière à pouvoir offrir aux enfants les aptitudes, attitudes et informations nécessaires pour leur croissance et leur épanouissement.
  • Il est important d’avoir un bon équilibre entre les 2 types complémentaires de loisirs : les loisirs de divertissement (dîner familial savoureux, bons films, etc.) et les loisirs de satisfaction (excursions, théâtre improvisé, sport, fêtes avec d’autres familles). Cet équilibre aide à ne pas se laisser envahir par les produits du marché de consommation des divertissements qui peuvent éloigner des autres membres de la famille.
  • Il existe de nombreuses possibilités pour vivre les loisirs en famille : activités ensemble, sport, excursions, fêtes, activités culturelles, sportives, artistiques, humanitaires, etc.
  • On peut trouver aussi des jeux à faire avec les enfants dans les diverses circonstances de la vie. Il ne s’agit pas toujours d’utiliser des moyens extraordinaires mais faire des choses aisément accessibles. Par exemple : les rimes, les devinettes, les contes, la liste des achats, la cuisine, etc.
  • La télévision et internet devraient être soumis à un horaire et à une utilisation prudente qui pourrait réunir la famille. Par exemple, face à l’expansion spectaculaire de l’industrie des jeux-vidéos, au lieu de les interdire, on peut établir des moments pour les utiliser et jouer en réseau avec les enfants.
  • Rire en famille est fondamental et cela se forge. Par exemple, en sélectionnant des anecdotes sympathiques qu’on raconte aux enfants pendant qu’on mange des chips, alloco, ou pendant une promenade à pied ou en voiture.
  • En résumé, de façon pratique, pour organiser un programme familial on pourrait donner les 5 clés suivantes :
    • Donner l’exemple
    • Découvrir ce qui plaît aux autres
    • Favoriser l’initiative
    • Eviter les extrêmes : remplir tout le temps ou ne rien faire du tout
    • Etablir un horaire.

CONCLUSION

Au terme de cette conférence, sommes-nous en mesure de répondre à la question du thème choisi : les loisirs : pour ou contre la cohésion familiale ?

Il me semble que oui. Mais comme nous l’avons vu, la réponse ne peut pas être tranchée puisque les loisirs ont des avantages et des inconvénients. Tout dépend de l’usage que l’on en fait. Ils peuvent favoriser de façon efficace la cohésion familiale s’ils sont correctement utilisés. Dans le cas contraire, ils pourraient la rendre plus difficile. Le mot clé est clairement « équilibre » comme en toute chose.

Mais je retiendrais surtout que le temps libre et les loisirs sont de bonnes choses en soi et pour l’homme car ils ont été créés par Dieu. Raison pour laquelle, selon le dessein divin, les loisirs ne peuvent être qu’au service de la cohésion de la famille. Le temps du travail est certes différent de celui du loisir mais c’est la même personne qui travaille ou qui se divertit. Les œuvres humaines sont éphémères, c’est pourquoi elles ne doivent pas être prises trop au sérieux. Leur plus haute valeur, comme saint Josémaria l’a appris, consiste dans la certitude que Dieu nous y attend. Seule la relation personnelle avec Dieu donne de la stabilité et un sens à la vie. C’est cette logique qui devrait en tout temps nous guider et notamment dans la gestion de nos loisirs. Dieu nous donne le temps pour que nous puissions nous entretenir avec lui, nous unir à son repos et à son travail, admirer la beauté et l’éclat de son œuvre.

Dans ce sens, est particulièrement éclairante une réflexion de Platon qui, tout en n’ayant pas eu la chance de pouvoir connaître le Christianisme, a eu l’intuition de cette grande vérité : « Je dis qu'il faut attacher de l'importance à ce qui le mérite, et ne point se mettre en peine de ce qui est indigne de nos soins ; que Dieu par sa nature est l'objet le plus digne de nous occuper, mais, que l'homme, […] n'est qu'un jouet sorti des mains de Dieu, et que c'est là en effet le meilleur de ses titres ; qu'il faut par conséquent que tous, hommes et femmes, se conformant à cette destination, se livrent toute leur vie aux jeux les plus beaux.» Quels sont alors les jeux les plus beaux ? Ce sont les « jeux » de Dieu. Voilà la clé pour réussir à faire de nos loisirs un moyen efficace de cohésion familiale : faire de toute notre vie un jeu divin.

BIBLIOGRAPHIE

Sur www.opusdei.ci : Section : Vie chrétienne, sous-section : Editoriaux

  • Jouer pour vivre : Loisirs et temps libre (1)
  • Fête et divertissement : Loisirs et temps libre (2)
  • Les jeunes et le divertissement. Loisirs et temps libre (3)

Table des matières

INTRODUCTION.. 1

I.QU’ENTEND-ON PAR « LOISIRS » ?. 1

II.QUELLE EST LA PLACE DES LOISIRS DANS LA VIE DE L’HOMME ?. 2

A.LOISIRS COMME TEMPS LIBRE. 2

1.La valeur du temps libre. 2

2.Les dangers du temps libre.3

B.LA PLACE DES DISTRACTIONS. 4

1.Une grande variété de distractions :4

2.Les valeurs du jeu dans la vie de l’homme. 5

3.Les travers des jeux et des autres distractions.6

III.QUELLES SONT LES RELATIONS DES LOISIRS AVEC LA VIE FAMILIALE ?. 7

A.L’IMPACT DES LOISIRS SUR LA FAMILLE. 7

1.Les avantages :7

2.Les inconvénients. 8

B.LE RÔLE DE LA FAMILLE DANS LES LOISIRS. 8

C.COMMENT UTILISER LES LOISIRS AU PROFIT DE LA VIE FAMILIALE ?. 9

CONCLUSION.. 12

BIBLIOGRAPHIE. 12


[1] Jean Paul II, Litt. apost Dies Domini, 31 mai 1998, n° 60

[2] Jean Paul II, Exhort. apost. Familiaris consortio, 22 novembre 1981, n° 76.

[3] St Josémaria, Amis de Dieu n. 46.

[4] Benoît XVI, Discours lors de sa rencontre avec les évêques des États-Unis d’Amérique, 16 avril 2008.

[5] St Jean-Paul II, Exh. Post-syn. Familiaris Consortio, n.17

[6] Benoît XVI, Homélie à Marienfield, 21 août 2005.

[7] Saint Josémaria, Lettre 9 janvier 1959, n. 47.