Princes des apôtres, colonnes de l’Église, joyaux de la Ville Éternelle, Pierre et Paul ont versé du sang pour affirmer leur foi au Christ. L’un, selon la tradition (Actes de Pierre, 38), suspendu sur une croix, la tête en bas, en face de la colline du Vatican ; l’autre, décapité aux portes de Rome (Gaïus, Lettre). Au pied des marches d’accès à la basilique vaticane, deux statues monumentales, installées en 1840 sur des piédestaux somptueux, honorent les deux apôtres : côté sud, saint Pierre (G. De Fabris), côté nord, saint Paul (A. Tadolini). Les précieuses reliques sont vénérées avec émotion, comme le fit publiquement le pape François pour la clôture de l’Année de la Foi, avec les ossements de Saint Pierre (24/11/2013).
L’Église, fondée sur le Roc éternel du Christ, a aussi deux piliers fidèles pour sa continuité visible ; deux témoins héroïques qui ont connu des périodes de lutte et de chutes. « La plupart des desseins divins s’accomplissent à travers et malgré notre faiblesse » (pape François, lettre Avec un cœur de Père §2).
Le sable mouvant de la présomption a fait tomber l’un et l’autre. Le visage compatissant du Pasteur suprême a réparé ces ruines ; grâce à lui, Pierre et Paul se sont convertis et ont accompli leur tâche jusqu’au bout. « Courage ! Tu en es capable. — Ne vois-tu pas ce que la grâce de Dieu a fait de ce Pierre somnolent, renégat et lâche…, de ce Paul persécuteur, haineux et obstiné ? » (St Josémaria, Chemin §483).
La nuit de l’arrestation de Jésus, dans la cour du Grand-Prêtre, Pierre avait succombé à la peur en reniant son Maître à trois reprises. Le chant du coq a éveillé sa conscience ; le regard du Seigneur a dispersé les ténèbres de son péché. « Le Seigneur, se retournant, regarda Pierre » (Luc 22, 61). Le Sauveur, « chargé de chaînes, veille avec amour sur son disciple, et d’un seul regard, le touche » (St Jean Chrysostome, Homélie 42 sur Jean).
Les yeux de Jésus voient l’abîme du cœur et l’ampleur de la blessure, mais ils apportent toujours le remède. « Pour Jésus, regarder, c’est faire miséricorde » (St Bède, Commentaire sur Luc 22). Un regard sauveur, un baume bienveillant. Le Bon Pasteur ne veut pas que son futur vicaire s’effondre de façon irréversible. Les portes de l’enfer ne réussiront pas. La miséricorde reste un rempart inviolable contre le mal.
Chez Pierre, la contrition de cœur et les larmes d’amour ont lavé sa déloyauté, plus accablante que la pire des tortures. La tradition évoque la recherche de consolation de Pierre auprès la Reine des apôtres (Le Gerchin, école de Bologne, 1650, Louvre). La poésie italienne a chanté ce drame, mis parfois en musique (O. de Lassus, 1594 ; M.-A. Charpentier, 1700), et que François de Malherbe adapta en vers français (1587) : « Mon regret est si grand, et ma faute si grande, / Qu’une mer éternelle à mes yeux je demande / Pour pleurer à jamais le péché que j’ai fait ».
David pleurait (Psaume 6, 7) ainsi que les justes (Psaume 41, 4) ; mais « celui qui sème dans les larmes, moissonne dans la joie » (Psaume 125, 5). C’est la logique des enfants de Dieu, qui ne s’effondrent pas, par dépit ou par peur, après les erreurs. Pierre et Paul nous aident à prier pour l’Église, pour ses pasteurs, pour les vocations sacerdotales. Aussi à réparer la défaillance des frères par notre fidélité accrue ; il y aura des erreurs, mais la miséricorde, source de repentir, ne manquera pas.