Après le baptême du Christ, les dimanches du temps « ordinaire » parcourent la vie publique du Sauveur, dès le lendemain de la théophanie du Jourdain. Le témoignage de Jean Baptiste, inspiré des images sacrificielles de l’Ancienne Alliance, proclame sans détours la présence du Saint Rédempteur : « Voici l’Agneau de Dieu » (Jean 1, 29).
L’archange du sourire, annonçant le Messie, avait déclaré le saint prénom, « Jésus » (Luc 1, 31), qui exprime le salut céleste. Marie, qui scrutait les prophéties bibliques comme dans un kaléidoscope fascinant, saisissait le profil du Messie : rempli de l’Esprit mais porteur de nos fautes; prêtre éternel ainsi que victime innocente... L’attente maternelle, pleine d’intelligence, déchiffre ces paradoxes et s’émerveille.
Le Fils de Dieu porterait ce nom théophore et rédempteur : « il sauvera son peuple de leurs péchés » (Matthieu 1, 21). Notre Dame a bien pu se souvenir d’autres Jésus célèbres dans l’histoire du salut : un chef, un prêtre… Un nom déjà connu en Israël mais qui, en révélant la nouvelle alliance, sera désormais vecteur de liberté filiale. Auparavant (Nombres 13, 16) Moïse avait changé le nom de son lieutenant Osée (« salut »), pour le désigner comme « Josué » (« Dieu sauve ») : l’équivalent de Jésus. Une nouvelle terre promise attend le peuple racheté.
Entre temps, le Verbe fait homme vit et grandit dans les entrailles virginales. Jésus prend corps ; dans les veines du Verbe fait embryon, coule le sang précieux ; quelques semaines après sa conception, un cœur commence à battre, élancé vers le salut de ses frères.
À l’unisson de ce Cœur, la foi de Marie se remet aux bénédictions promises à Abraham, qui avait récupéré son fils indemne. L’agneau pascal, plus tard, avait protégé le peuple de l’extermination. Isaïe (53, 7), sous la même image, suggérait l’amour du Serviteur saint qui se livre à la mort à la place du peuple pécheur ; plein de mansuétude et de confiance, devant les agresseurs (Jérémie 11, 27). Dans le Benedictus, Zacharie annoncera « le pardon des péchés » (Luc 1, 77), avec la même expression qui, à la Dernière Cène de Jésus, serait prononcée sur la coupe. L’Église se réjouit devant « la Vierge pure qui devait nous donner l’Agneau immaculé qui enlève nos fautes » (Missel Romain, préface de l’Immaculée Conception).
Le Lombard Cesare da Sesto, disciple de Leonardo et collègue de Raphaël, a donné forme à la méditation de Marie sur la mission rédemptrice de son Fils (Milan, 1515) : seuls la Mère et le Fils avec l’agneau symbolique. « Marie, présente dans l'Église comme Mère du Rédempteur, participe maternellement au dur combat contre les puissances des ténèbres qui se déroule à travers toute l'histoire des hommes » (Jean-Paul II, encyclique La Mère du Rédempteur §47). Elle nous aide à ne pas rendre vaine l’incarnation rédemptrice. Le sacrement de réconciliation nous prépare pour recevoir sans souillure l’Agneau sans péché. Le chrétien se laisse racheter chaque jour, quand il exprime sa contrition sincère, et encore plus dans chaque confession. Le chrétien ne peut pas ignorer le pardon inépuisable de Jésus, qui attend les bras grands ouverts : « Seigneur, je me suis laissé tromper, de mille manières j’ai fui ton amour, cependant je suis ici une fois encore pour renouveler mon alliance avec toi. J’ai besoin de toi. Rachète-moi de nouveau Seigneur, accepte-moi encore une fois entre tes bras rédempteurs » (Pape François, exhortation La joie de l’Évangile §3).