Fioretti mars 2021

"En Galilée nous apprenons que nous pouvons trouver le Ressuscité dans le visage des frères, dans l’enthousiasme de celui qui rêve et dans la résignation de celui qui est découragé, dans les sourires de celui qui se réjouit et dans les larmes de celui qui souffre, surtout dans les pauvres et en celui qui est mis en marge"

La foi n’est pas un répertoire du passé

Homélie de la vigile pascale, 3 avril 2021 :

«La foi n’est pas un répertoire du passé, Jésus n’est pas un personnage dépassé. Il est vivant, ici et maintenant. Il marche avec toi chaque jour, dans la situation que tu vis, dans l’épreuve que tu traverses, dans les rêves que tu portes en toi. Il ouvre des chemins nouveaux où il te semble qu’il n’y en a pas, il te pousse à aller à contrecourant par rapport au regret et au “déjà vu”. Même si tout te semble perdu, ouvre-toi avec étonnement à sa nouveauté : il te surprendra.

Aller en Galilée signifie aller aux frontières. […] Jésus a commencé sa mission à partir de là, adressant l’annonce à ceux qui mènent leur vie quotidienne avec peine, aux exclus, aux personnes fragiles, aux pauvres, pour être visage et présence de Dieu qui va chercher sans se lasser celui qui est découragé ou perdu, qui va jusqu’aux limites de l’existence parce qu’à ses yeux personne n’est dernier, personne n’est exclu.

C’est là que le Ressuscité demande aux siens d’aller, encore aujourd’hui. C’est le lieu de la vie quotidienne, ce sont les routes que nous parcourons chaque jour, ce sont les recoins de nos villes où le Seigneur nous précède et se rend présent, justement dans la vie de celui qui passe à côté de nous et partage avec nous le temps, la maison, le travail, les peines et les espérances. En Galilée nous apprenons que nous pouvons trouver le Ressuscité dans le visage des frères, dans l’enthousiasme de celui qui rêve et dans la résignation de celui qui est découragé, dans les sourires de celui qui se réjouit et dans les larmes de celui qui souffre, surtout dans les pauvres et en celui qui est mis en marge. Nous nous étonnerons de la façon dont la grandeur de Dieu se révèle dans la petitesse, de la façon dont sa beauté resplendit dans les simples et dans les pauvres.

[…] Jésus, le Ressuscité, nous aime sans limite et visite chacune de nos situations de vie. Il a planté sa présence au cœur du monde et nous invite aussi à dépasser les barrières, vaincre les préjugés, approcher celui qui est à côté chaque jour, pour retrouver la grâce de la quotidienneté. Reconnaissons-le présent dans nos Galilée, dans la vie de tous les jours. »

Si la foi perd l’étonnement, elle devient sourde

Homélie pour le dimanche des Rameaux, dimanche de la Passion du Christ, le 28 mars 2021 :

« La vie chrétienne, sans étonnement, devient grisâtre. Comment peut-on témoigner la joie d’avoir rencontré Jésus, si nous ne nous laissons pas étonner chaque jour par son amour surprenant qui nous pardonne et nous fait recommencer ? Si la foi perd l’étonnement, elle devient sourde : elle ne sent plus la merveille de la Grâce, elle ne sent plus le goût du Pain de vie et de la Parole, elle ne perçoit plus la beauté des frères et le don de la création. En cette Semaine Sainte, levons les yeux vers la croix pour recevoir la grâce de l’étonnement. Réussissons-nous encore à nous laisser émouvoir par l’amour de Dieu ? Pourquoi ne savons-nous plus nous étonner devant lui ? Peut-être parce que notre foi a été usée par l’habitude. Peut-être parce que nous restons enfermés dans nos regrets et nous nous laissons paralyser par nos insatisfactions. Peut-être parce que nous avons perdu la confiance en tout et que nous croyons même que nous nous trompons. Mais derrière ces “peut-être” y-a-t-il le fait que nous ne sommes pas ouverts au don de l’Esprit, qui est celui qui nous donne la grâce de l’étonnement. »

Ne tourne pas en rond dans le labyrinthe de tes lamentations

Discours au Collège pontifical philippin, le 22 mars 2021 :

« Si le passé offre l’opportunité d’être conscients de la solidité de notre foi et de notre vocation, l’avenir élargit les horizons, c’est une école d’espérance. La vie chrétienne est par nature projetée vers l’avenir, l’avenir proche mais également l’avenir plus lointain, à la fin des temps, quand nous pourrons rencontrer le Ressuscité qui est allé nous préparer une place dans la Maison du Père (cf. Jn 14, 2).

De même que le passé ne doit pas être un repli intimiste, ainsi il convient de lutter contre la tentation des fuites en avant, lorsque nous ne vivons pas en paix avec notre présent. […] Une charge pastorale nous est confiée et, aux premières difficultés, nous pensons déjà à la place où nous pourrions vraiment donner le meilleur de nous-même. Et ainsi de suite, un regrettable défilé dans l’avenir, immature, pour échapper au présent. Le véritable avenir est ancré dans le présent et dans le passé. Tant de personnes, pendant des années ou pendant une vie entière, qui ne parviennent pas à la conversion. C’est un peu l’esprit des plaintes : “et ceci, ceci, cela…”. Mais regarde devant, regarde derrière. Tu as la promesse. Tu as la leçon. Fais en sorte que maintenant soit une alliance que tu portes derrière toi, mais ne tourne pas en rond dans ce labyrinthe de tes lamentations, de tes insatisfactions, de tes regrets. C’est le commencement de cette terrible maladie, terrible, terrible, qu’est l’amertume de l’âme. »

Tôt ou tard, on nous jettera par la fenêtre

Du livre-entretien avec Domenico Agasso, journaliste du quotidien « La Stampa », Dieu et le monde à venir, 16 mars 2021 :

« Nous ne pouvons plus accepter sans rien faire les inégalités et les défaillances dans l’environnement. La voie du salut de l’humanité, nécessite de repenser un nouveau modèle de développement, fondé sur la conscience que toute action individuelle n’est pas isolée, dans le bien comme dans le mal, mais elle a des conséquences pour les autres, parce que tout est connecté. […] Changer son style de vie sert à mener une existence plus austère qui rendrait possible une répartition équitable des ressources.

[…] Si nous ne nous retroussons pas les manches et si nous ne prenons pas immédiatement soin de la terre, par des choix personnels et politiques radicaux, avec un tournant économique en direction du “vert” et orientant dans ce sens les évolutions technologiques, notre Maison commune, tôt ou tard, nous jettera par la fenêtre ».

Ne va pas dans ce confessionnal ; c’est un schérif, il te torturera

Audience aux participants du XXXIe cours sur le for interne, organisé par la Pénitencerie apostolique, le 12 mars 2021 :

« Accueillir dans la paix, accueillir avec paternité. Chacun saura quelle est son expression de la paternité : le sourire, le regard paisible… Accueillir en offrant la tranquillité, et ensuite laisser parler. Parfois le confesseur s’aperçoit qu’il y a une certaine difficulté à exprimer un péché jusqu’au bout, mais s’il le comprend, qu’il ne pose pas de questions indiscrètes. […] Ne donnez pas plus de souffrance, plus de “torture” sur ce point. […] Quelquefois je m’interroge : ces confesseurs qui commencent : “Et comment ceci, ceci, ceci ?…” . Dans les basiliques romaines, il y a beaucoup de facilité pour se confesser, mais malheureusement, les séminaristes qui sont dans les collèges internationaux se donnent le mot, et aussi les jeunes prêtres : “Dans cette basilique, tu peux aller chez tous sauf celui-ci et celui-là ; ne va pas dans ce confessionnal, parce que c’est un schérif, il te torturera”. […]

Être miséricordieux ne signifie pas être complaisant, non. Cela signifie être un frère, un père, un consolateur. “Père, je n’y arrive pas, je ne sais comment y arriver… – Toi, prie, et reviens chaque fois que tu en as besoin parce qu’ici tu trouveras un père, un frère, tu trouveras cela”. C’est cela, la bonne attitude. S’il vous plaît, ne faites pas le tribunal des examens académiques : “Et comment, quand…” Ne faites pas le fouineur dans l’âme des autres. Des pères, des frères miséricordieux. »

La prudence ne se lave pas avec du désinfectant

Entretien avec le P. Marco Pozza, dans le quotidien « Il Corriere della Sera », le 27 février 2021 :

« La prudence n’est pas la vertu de celui qui ne se salit jamais, qui se lave avec du désinfectant, mais c’est la vertu du gouvernement. Celui qui gouverne sans prudence gouverne mal et fait de mauvaises choses, il prend de mauvaises décisions, qui détruisent le peuple, toujours. […] La prudence va de pair avec la sympathie, avec l’empathie pour les situations, les personnes, le monde, les problèmes. Et la prudence n’est pas toujours l’équilibre : parfois la prudence doit être déséquilibrée, pour aider à prendre des décisions qui produisent un changement. »