Non sans exubérance, deux cents statues environ enrichissent la basilique Saint-Pierre du Vatican : la plupart se dressent sur la colonnade monumentale qui entoure le parvis ; une douzaine, autour de celle du Sauveur, président la façade ; encore une quarantaine peuplent la nef. En plus, depuis quelques années, selon le souhait de Jean-Paul II, d’autres ont été installés à l’extérieur des murs, avec les effigies de saints fondateurs. Leur quantité traduit la qualité des personnages : des nombreux fidèles au seul Rédempteur. Comme un solide cortège d’amour, qui stimule à suivre le Christ comme eux l’ont fait.
Fin août 2005, avec un sérieux déploiement d’engins mécaniques, une nouvelle statue fut installée sur la façade du transept gauche, dit aussi « le bras de saint Joseph », près de la sacristie. Elle côtoie celles de Grégoire d’Arménie : de Thérèse des Andes, carmélite chilienne ; et de Marcellin Champagnat, fondateur des Frères Maristes. En septembre 2005, le pape Benoît XVI bénit celle de Saint Josémaria, prêtre et fondateur de l’Opus Dei. La cérémonie, empreinte de simplicité, fut suivie en direct par un grand nombre de dévots et agrémentée par le chœur de la basilique.
Elle avait été précédée par un long travail. Le sculpteur toscan Romano Cosci y travailla, à partir de 2004 (peu après la canonisation d’Escriva), pendant toute une année, avec un bloc de marbre de Carrare, haut de 5 mètres ; ces dimensions demandaient un échafaudage. À un moment, il fut sur le point de tomber d’en haut, ce qui aurait pu avoir des conséquences fâcheuses ; lorsqu’il commençait à perdre l’équilibre, il regarda le visage du saint pour réclamer sa protection. L’accident fut évité. Le sculpteur évoqua cette faveur lors de l’inauguration.
La création de Cosci représente saint Josémaria revêtu des ornements sacerdotaux ; ses bras dessinent un geste accueillant de dialogue. Sur le socle, les blasons pontificaux de Jean-Paul II et de Benoît XVI. En bas, deux angelots évoquent le jour de fondation : la fête des Saints Anges Gardiens (1928) ; l’un présente un livre ouvert, avec un verset de l’évangile de Saint Jean (12, 32) : « Lorsque je serai élevé de terre, j’attirerai tout vers moi ». Une phrase éclairante, que le jeune fondateur avait médité depuis le début de son œuvre : « Le Christ en mourant sur la Croix, attire à lui la création toute entière et, en son nom, les chrétiens qui travaillent au beau milieu du monde, ont à réconcilier toutes les choses avec Dieu, et à placer le Christ au sommet de toutes les activités humaines » (Entretiens §59). Les bras restent ouverts à tous, sans exclusion ni polarisation. « L’Évangile de Jésus-Christ est seul en mesure de transformer profondément l’âme humaine en la rendant capable de faire le bien, même dans les situations les plus difficiles » (pape François, Discours, Luxembourg, 26/09/2024).
En recevant l’inspiration fondatrice, saint Josémaria, ému, s’était mis à genoux, en adhésion à la volonté de Dieu. Il vit un spectacle grandiose : l’élan des chrétiens, poussés par l’Esprit, dans leur sanctification au beau milieu du monde. Un flash éblouissant qui venait directement du Rédempteur. Dans le cœur du prêtre la certitude s’impose : rendre toute la gloire à Dieu, étendre le royaume du Christ, édifier l’Église sous le manteau de Marie. L’Opus Dei est né pour être au service du Peuple de Dieu : du pape, des évêques, de tous les fidèles. À Madrid, dans la paroisse Notre-Dame-des-Anges, depuis 2008, une chapelle rappelle l’évènement ; le retable, présidé par un tableau de Notre Dame, montre le fondateur après avoir reçu l’inspiration décisive ; au fond, en guise de paysage, se mélangent plusieurs édifices madrilènes liés à la vie du fondateur.
Les chrétiens, à genoux devant le Père éternel, nous élevons le monde vers le haut. Presque cent ans après, les circonstances ont bien changé, mais le charisme reste valable, tout en demandant de la créativité. Saint Josémaria, les bras ouverts et agissants, accueille toutes les générations et les cultures, avec la chaleur de l’Évangile. Son regard pousse au renouveau au quotidien. « Si on se projette dans le temps, je voudrais que l'Opus Dei soit un propagateur d'amitié, de foi manifestée dans les œuvres, de liberté d'esprit et de créativité pour mener à bien la mission évangélisatrice de l'Église et pour collaborer à la construction d'une société juste » (Mgr F. Ocariz, entrevue de presse, Colombie, 20/09/2024).
« Le miracle que vous demande le Seigneur c’est de sanctifier le travail de chaque jour : le miracle de transformer en alexandrins, en vers héroïques, la prose de chaque jour, avec l’amour que vous mettez dans vos occupations habituelles » (saint Josémaria, Quand le Christ passe §50). Les bras ouverts encouragent à l’effort de bien tourner ce poème et présentent à la Trinité, en geste sacerdotal, l’offrande du quotidien.