Semer grain par grain

DERVILLE Guillaume, "Prier 15 jours avec Josémaria Escriva" — Nouvelle Cité, Paris, 2001, 128 p.

L'auteur de ‘Prier 15 jours avec Josémaria Escriva’

« Que le Christ soit dans le cœur de tout homme qui pense à moi. Que le Christ soit sur les lèvres de tout homme qui parle de moi. » Cette prière affleure à la mémoire à la lecture de ces pages, car Josémaria Escriva s’efface pour nous laisser seuls avec Jésus-Christ. Voici le fondateur de l’Opus Dei pour tous. Il a quelque chose à dire à chacun, parce qu’il parle de ce qu’il vit, parce qu’il vit par le Christ, en lui et pour lui. Sa vie et ses écrits ne sont pas ceux d’une œuvre, ils s’adressent au cœur de tout homme. Impossible de rester indifférent, voici l’Évangile sine glossa . Jésus qui manifeste pleinement l’homme à lui-même.

Dans ce petit livre aux accents poétiques, Guillaume Derville nous invite à entrer dans l’Évangile comme un personnage de plus , selon la pédagogie spirituelle du bienheureux Josémaria. La vie du Christ se déroule sous nos yeux, en une série de brefs chapitres à la fois simples et lourds de substance théologique et spirituelle, qui sont autant de rencontres avec le verbe incarné : des bergers aux mages, des petits enfants au roi Hérode, de Marthe et Marie… au lecteur lui-même. Filiation divine, vie ordinaire, sanctification du travail, Croix, famille, autant de thèmes qui, sans académisme, surgissent de cette contemplation de Jésus-Christ.

L’amour en est le fil conducteur, du fiat de la Sainte Vierge, Mère du bel Amour dans la vie ordinaire, aux cœurs brûlants du chemin d’Emmaüs. Il est présent partout, l’amour, celui de Dieu pour l’homme, et la réponse libre au Père, dans le Christ, par l’Esprit. Une autre présence illumine aussi constamment ces pages, présence discrète parfois, toujours mystérieuse, celle de l’Eucharistie. Toute la journée devient une messe, unie à ce renouvellement sacramentel du sacrifice du Calvaire qu’est l’Eucharistie. « Notre personne et nos actions sont cette goutte d’eau que le prêtre mêle au vin qui deviendra, par l’Esprit d’Amour, le sang du Christ accomplissant sur la croix la volonté du Père » (p. 53).

Josémaria Escriva nous laisse avec Jésus, disions-nous. Ce n’est pas tout à fait exact. Il faudrait s’empresser d’ajouter : pour aimer, en Jésus, le monde entier. « Pense , écrit-il, que le Christ Jésus […] serre chacun de ses enfants comme du blé dans la main blessée ; qu’il nous inonde de son sang, qu’il nous purifie, qu’il nous lave, qu’il nous enivre !… Et qu’ensuite, il nous lance généreusement dans le monde, un par un : car le blé ne se sème pas en déversant des sacs, mais grain par grain » (p. 53). C’est à l’homme de la rue, constructeur de la cité nouvelle, sans fondamentalisme et sans nostalgie, que ces pages s’adressent. Elles palpitent au rythme d’un message vieux comme l’évangile, et comme l’Évangile nouveau. C’est le « commandement nouveau de l’amour » qui sans cesse nous rappelle à quoi l’on reconnaîtra les disciples du Christ comme tels.

Ce qui frappe dans ce livre, c’est qu’il déborde d’humanité. Comme est aimable le visage humain de Dieu ! Le mystère de l’Incarnation palpite et nous éblouit dans l’étonnante simplicité de l’Évangile, lu, plus encore, prié, vécu, incarné en un mot. Comme il touche le cœur, cet Évangile où l’on pénètre « comme un personnage de plus » et qui finit par pénétrer à son tour dans notre cœur pour exiger le courage de la vérité, la disponibilité à souffrir pour elle ! « On ne peut aimer l’humanité tout entière , nous dit Josémaria Escriva, si ce n’est depuis la croix » : n’est-il pas, en effet, plus grande preuve d’amour que de donner sa voie pur ses amis ?

Ces pages ne donnent pas une réponse toute faite, elles appellent une réponse. D’amour. Josémaria s’efface pour que nous nous laissions regarder par Jésus, Alpha et Oméga, à chaque moment de notre vie. Le premier mot du livre est aussi le dernier, il ne pouvait en être autrement : Jésus.

L’Osservatore Romano (section Livre et Étude)