« Seigneur, fais que je voie ! »

VÁZQUEZ DE PRADA André, "Le fondateur de l'Opus Dei". Tome I, "Seigneur, fais que je voie !", Montréal — Paris, Wilson & Lafleur — Le Laurier, 2001, 643 p. (Traduit de la cinquième édition espagnole)

On devait à l'auteur une biographie de Newman et une autre de Thomas More. Voici maintenant celle de Josémaria Escriva, une trilogie dont le premier tome, publié conjointement en France et au Canada, porte un titre pleinement justifié : Le fondateur de l'Opus Dei ; car la vie de Josémaria Escriva s'identifie à la mission reçue le 2 octobre 1928, une date centrale à tous égards dans ce volume.

Il couvre en effet les années 1902-1936. Ce sont celles de l'enfance et, dès l'adolescence, du pressentiment de l'amour de Jésus (cf. p. 317). Plus tard, à l'âge de 26 ans, c'est l'éblouissement, lorsque Josémaria voit ce que Dieu lui demande : « J'ai reçu l'illumination sur l'Œuvre tout entière [...]. Tout ému, je me suis agenouillé — j'étais seul dans ma chambre [...]  ».

Cette vision d'ordre intellectuel, c'est un message à crier aux quatre coins du monde : « Tous les chemins peuvent être l'occasion d'une rencontre avec le Christ ». Comment ? « En étant toujours dans le monde, dans notre travail ordinaire, dans nos devoirs d'état, et là, grâce à tout cela, saints ! ». Jean-Paul II commentait récemment : « Nous, chrétiens, devons ouvrir au monde, à chaque homme qui est notre frère, la voie qui conduit au Christ. « C'est ta face, Yahvé, que je cherche » (Ps 27, 8). Cette aspiration revenait souvent sur les lèvres du bienheureux Josémaria, homme assoiffé de Dieu et pour cela grand apôtre. Il a écrit : « Que Jésus soit dans nos intentions, notre but ; dans nos affections, notre Amour ; dans nos propos, notre thème; dans nos actes, notre modèle » ( Chemin , 271) » ( Discours du pape , 17 mars 2001, cf. Osservatore Romano en langue française n.13 du 27 mars 2001).

Il faut saluer la publication en français de ce qui constituera sans doute une biographie de référence (à noter la richesse de l'appareil critique) et qui découvre au lecteur francophone la vie intime de cet Aragonais aux lointaines origines narbonnaises.

À la veille du centenaire de la naissance du bienheureux Josémaria, une fenêtre s'ouvre sur une âme éprise de Dieu et du monde, celle d'un mystique (dont les Cahiers intimes , abondamment cités, sont d'une rare élévation) qui avait les pieds bien sur terre. C'est aussi l'histoire d'un combat, d'abord contre soi-même : Josémaria Escriva ne veut rien fonder, il s'en juge indigne. Les nuages qui s'amoncellent en des années de grâces fondatrices fortifient la correspondance à l'amour divin. La Croix en est le signe, sceau des œuvres de Dieu, garantie de filiation divine. « Abba, Pater ! » : c'est libre, en fils de Dieu, que Josémaria prie, souffre et travaille : aime, en un mot. Dieu est son Père, cela suffit.

Osservatore Romano (section Livre et Étude)