« J’ai un souvenir très vif de sa silhouette menue, courbée par une vie dépensée au service des plus pauvres entre les pauvres, mais toujours pleine d’une inépuisable énergie intérieure. L’énergie de l’amour du Christ ». Tels furent les mots pleins d’émotion que Jean-Paul II prononça, peu de temps après la mort de Mère Térésa de Calcutta. Il la connaissait bien.
Nous avons tous été frappés par cette silhouette menue, courbée avec les années, mais d’une énergie surprenante et habitée par une mission impressionnante au service des plus délaissés. Elle-même se définissait ainsi : « je suis albanaise, par le sang. Indienne par la nationalité. Quant à la foi, je suis une religieuse catholique. Par ma vocation, j’appartiens au monde. Mais pour ce qui est de mon cœur, j’appartiens totalement au Cœur de Jésus ».
Quand elle a commencé son chemin, elle ne pouvait pas imaginer qu’elle aurait une renommée mondiale. Elle ne l’a jamais cherchée. Mais sa personne laissait transparaître un aspect essentiel du message chrétien : la préoccupation pour les personnes les plus abandonnées.C’est ainsi qu’elle bouleversa beaucoup de gens et même certains esprits critiques qui, à la fin de sa vie,trouvaient que servir les pauvres par amour du Christ était une déformation du service, utilisé pour évangéliser.
Il est vrai que l’on peut travailler pour les autres sans motif religieux, par philanthropie ou par compassion. De fait, beaucoup le font. Il s’agit de très bonnes intentions et de réalisations profondément humaines. Cependant, la relation entre l’amour de Dieu et l’amour des autres révèle quelque chose de plus : une des clés du message chrétien que l’Église veut rappeler à l’humanité, en canonisant Mère Térésa.
Face à l’invitation de Jésus Christ : donner sa vie pour les autres, aimer tout le monde, y compris ses ennemis, l’on touche la limitation humaine : incapacité, manque de courage et de force. L’on touche aussi les résistances de la paresse et de l’égoïsme. Et l’on en conclut : tout cela me paraît très beau, mais j’en suis incapable. La foi chrétienne et l’expérience elle-même nous enseignent que si l’on veut vraiment s’engager dans ce don et que l’on demande à Dieu son aide, Il l’accorde.C’est ce qui explique cette curieuse alliance d’humilité profonde –fruit de la connaissance de sa propre incapacité- et de force d’amour de Dieu, que l’on trouve toujours dans l’intimité des saints.
Les saints chrétiens ne sont pas des supermans ou des superwomen qui réussissent tout ce qu’ils entreprennent, grâce à une personnalité entraînante, une force de volonté implacable, une énergie débordante ou une fougue irrésistible. Ils ne ressemblent pas non plus, généralement, à des prodiges de planification économique ou technique. Leur force et la valeur qu’ils ont pour les chrétiens ne consistent pas à être des phénomènes de la nature, mais à laisser l’amour de Dieu agir en eux. Au même moment évoqué au début de cet article, Jean-Paul II donnait la clé de lecture de la vie de cette femme, petite et géante en même temps : « Sa mission commençait chaque matin, bien avant l’aube, devant l’Eucharistie. Dans le silence de la contemplation, Mère Térésa de Calcutta entendait résonner le cri de Jésus sur la croix : « J’ai soif ». Ce cri, accueilli dans le tréfonds de son cœur, la poussait dans les rues de Calcutta et de tous les bidonvilles du monde, à la recherche de Jésus dans le pauvre, la personne délaissée et le mourant », et j’ajoute : dans les orphelins ou les enfants non désirés par leurs parents.
Xavier Echevarria
Prélat de l’Opus Dei