“ Qui voit Jésus, voit Joseph ”

Nous transmettons ici l'homélie de la Messe de la fête de saint Josémaria à Genève, célébrée par l'abbé Carles Ayxelà vendredi 25 juin à la Paroisse Sainte-Thérèse.

En pensant aux enveloppes que vous avez reçues à l’entrée de l’église, je me souvenais d’une petite histoire du bienheureux Alvaro del Portillo. Don Alvaro avait une bonne amitié avec Giulio Andreotti, un homme très important dans la vie publique italienne de l’époque. Et on raconte qu’une fois, de retour d’un voyage en Chine, Giulio Andreotti est allé visiter don Alvaro et lui a amené tout content une carte de prière de saint Josémaria qu’il avait trouvée dans l’église d’un village perdu en Chine continentale. Et la réaction de don Alvaro, qui avait une grande complicité avec Mr. Andreotti, fut : « mais tu aurais pu la laisser là-bas !» Car, ainsi raisonnait don Alvaro, là-bas elle serait arrivée à quelqu’un qui ne connaissait peut-être pas encore saint Josémaria.

En effet, ces cartes de prière, comme celle que vous avez reçue en arrivant, ont fait un bien énorme à beaucoup de gens. Et, je peux vous assurer, ce n’est pas une boutade, de ce que l’on vous dit dans la note qui accompagne la carte de prière : je le sais, on a vraiment prié pour chacun de vous. Et cette gratuité veut précisément faire naître plus de gratuité. C’est le don reçu, sans le mériter, qui nous amène à donner. C’est la dynamique de la communion des saints.

Or, vous vous y attendez probablement, je vais me référer à Saint Joseph, dans cette année consacrée à lui. Et pas seulement parce que les parents de saint Josémaria ont pensé à saint Joseph au moment de nommer leur fils, mais aussi, et surtout, parce que le fondateur de l'Opus Dei avait… Disons-le comme ça, un faible spécial pour ce saint.

Et pourquoi, ce faible pour saint Joseph ? Surtout parce qu’il est le saint de la vie ordinaire et cachée à Nazareth. Il y a laissé la vie ! Les dernières nouvelles qu’on a de saint Joseph, en effet, sont de Nazareth. Il est le saint discret, qui « se cache et disparaît », comme saint Josémaria aimait dire : « Me cacher et disparaître, afin que seulement Jésus brille ». Saint Joseph est resté caché à Nazareth, afin que Jésus brille. Sa mission, c’était de le faire grandir, de lui apprendre la vie. Et ensuite, de disparaître, comme l’ombre disparaît au grand soleil de midi.

Saint Joseph, on l’a appelé ‘ l’ombre du Père ’: de Dieu le Père. Comme Dieu le Père, il reste dans l’ombre. Et pourtant, il se rend bien présent à travers Jésus : il est, chez Jésus, sur le plan humain, ce que le Père est sur le plan divin. A propos du Père, Jésus dira : « qui me voit moi, voit le Père ». Eh bien, probablement Jésus ne le disait pas, mais ses voisins pouvaient dire, et encore plus, à mesure que la différence d’âge entre l’un et l’autre diminuait : « qui voit Jésus, voit Joseph ». On en a fait tous l’expérience, n’est-ce pas ? … de voir agir ou parler le fils ou la fille de quelqu’un que l’on connaît de longue date, et de s’exclamer : je dirais être en train de voir ton père, ou ta mère !

Saint Josémaria vise précisément cela vers la fin de sa magnifique homélie « Dans l’atelier de Joseph » . Vous l’avez peut-être déjà lue, je vous encourage à la relire. Très facile à trouver en ligne, pour ceux qui ne l’ont pas à la maison :

https://fr.escrivaworks.org/book/quand_le_christ_passe-chapitre-5.htm

De Jésus, il nous dit, qu’ il « devait ressembler à Joseph, par les traits de son caractère, par sa façon de travailler et de parler. Dans son réalisme, dans son esprit d’observation, dans sa manière de s’asseoir à table et de partager le pain, dans son goût pour exposer la doctrine d’une manière concrète, en prenant pour exemple les choses de la vie ordinaire, se reflète ce que furent l’enfance et la jeunesse de Jésus, ce que furent par conséquent ses rapports avec Joseph ».

C’est beau de le penser : le Jésus que nous aimons, le Jésus que nous cherchons, qui est vivant pour toute l’éternité, il a pour ainsi dire cette marque au feu, pas seulement les traits et la façon de parler et d’agir de sainte Marie, mais aussi de saint Joseph, avec lequel, à partir de son adolescence, il passait beaucoup d’heures à travailler !

Saint Josémaria se demande donc : « comment devait être Joseph, et comment la grâce avait dû agir en lui, pour qu’il fût capable de mener à bien la tâche d’éduquer, sur le plan humain, le Fils de Dieu? » Parce que oui, « ce Jésus qui est un homme, qui parle avec l’accent d’une région déterminée d’Israël, qui ressemble à un artisan nommé Joseph, est bien le Fils de Dieu ».

Et nous, chacun avec l’accent de sa région, avec les traits et les gestes de nos parents… Nous, dont Dieu le Père veut faire des images de son fils, comment allons-nous faire pour être dociles à l’action de sa grâce, c’est-à-dire, de sa vie, en nous ?

“ Ite ad Ioseph ”! Allez vers Joseph ! Et faites comme Joseph ! Faisons comme lui : soyons contents de soigner notre coin de monde, de bénir notre coin de monde, même si le ‘grand monde’ n’en sait rien. Le grand monde, aux yeux de Dieu, est tout petit. Les grandes métropoles sont pour lui comme des villes de province. Ayons bien sûr la saine ambition de faire rayonner notre vie si loin que possible, mais toujours pour que Jésus brille davantage, sans chercher une reconnaissance humaine qui serait trop petite pour la taille de notre cœur. Alors nous serons aussi contents de savoir que Dieu se sert de notre fidélité quotidienne, comme il s’est servi de celle de Joseph, pour attirer tous, même ceux qui ne se croient pas concernés, vers Jésus.