Les câbles de Notre Dame

La fête de Notre Dame du Carmel est liée à la dévotion du scapulaire : un câble vers le Ciel, selon la métaphore filée par l'auteur de cet article.

Notre Dame a fait fleurir l’ascétisme sur le massif volcanique du Carmel, et atteindre les sommets de la contemplation et du martyre en Europe. « Étoile de la mer », elle a été choisie, dans plusieurs pays, comme patronne des marins. « La dévotion à la bienheureuse Vierge du Mont Carmel est indiquée comme modèle de prière, de contemplation et de dévotion à Dieu » (Benoît XVI, Angélus, 16/07/2006).

Honorée surtout par les ordres carmélitains, sa dévotion s’est diffusée, depuis le 16e siècle, par le port de son scapulaire :un signe du lien filial entre la Sainte Vierge « et les fidèles qui se confient totalement à sa protection, qui ont recours à son intercession maternelle, qui sont conscients de la primauté de la vie spirituelle et de la nécessité de la prière » (Directoire sur la piété populaire, 2001 §205).

En France, cette dévotion s’est intensifiée avec les premières communautés parisiennes au Faubourg Saint-Jacques (1604) et à Saint-Joseph de Vaugirard (1620). Par la suite, suivant la tradition de la promesse faite au moyen-âge, des tableaux montrent Marie offrant le scapulaire aux fidèles. Dans le Jura, la cathédrale de Saint-Claude garde une toile baroque anonyme (vers 1680), qui associe encore le scapulaire à l’économie du salut, en le présentant entouré des mystères du rosaire marial.

le chapelet est comparable à une « chaîne », qui nous relie au Christ, à sa Sainte Mère et à nos frères

On a pu comparer le chapelet à une « chaîne », qui nous relie au Christ, à sa Sainte Mère et à nos frères ; près de notre cœur, le scapulaire nous rapproche aussi de la tendre protection de la Toute-Sainte. Des liens qui apportent assurance, comme dans l’alpinisme ou les transports, et qui sont un levier de liberté. Notre Dame, dans son oui à l’Amour de Dieu, est reine de liberté : « l'icône la plus parfaite de la liberté et de la libération de l'humanité et du cosmos » (St Jean-Paul II, enc. La Mère du Rédempteur §37) ; « elle a pleinement atteint cet état de liberté royale qui est propre aux disciples du Christ : servir, ce qui veut dire régner ! » (ibidem§41).

Marie nous revêt de sa liberté persévérante ; son manteau nous protège de Satan.

Le scapulaire du Carmel est devenu dévotion universelle, témoin de la confiance en Marie, qui prie pour nous à chaque instant « et jusqu’à l’heure de notre mort ». Dans sa simplicité, c’est le symbole d’un habit : celui de la grâce du Christ, de la veste des noces éternelles. Marie nous revêt de sa liberté persévérante ; son manteau nous protège de Satan. « Le signe du Scapulaire constitue une synthèse éloquente de la spiritualité mariale…, un trésor pour toute l'Église » (St Jean-Paul II, Message, 25/03/2001). Il engage à la prière, à l’exercice des vertus ; il stimule à fréquenter avec fruit les sacrements, à déployer la miséricorde ; il rappelle la grâce de la persévérance finale.

Notre Dame fait partie des serviteurs humbles, qui trouvent leur fierté dans l’obéissance loyale ; elle est proche des « pauvres », y compris des pécheurs, qui n’arrivent pas toujours à suivre le rythme du salut. « Aide-nous à conserver des mains innocentes et un cœur pur, à ne pas mentir et à ne pas médire sur notre prochain » (pape François, tweet, 16/07/2020).

Le long pèlerinage de la foi, entre le baptême et la gloire, n’est pas une expédition solitaire, mais un chemin solidaire. Autour du Christ, Pionnier et Performateur du salut (Hébreux, 12, 2), les saints nous épaulent. Marie, par l’élan libérateur de sa foi, nous rapproche et de Dieu et des hommes. Elle collabore au salut par son adhésion volontaire. « De l'Annonciation à la Pentecôte, Marie de Nazareth apparaît comme la personne dont la liberté est totalement disponible à la volonté de Dieu » (Benoît XVI, exh. Le Sacrement de la charité §33).

Au milieu du pèlerinage terrestre, le chrétien rencontre le péché, la lutte, le doute ; les objets visibles de dévotion rappellent, à la lumière de la foi, que telles vicissitudes ne sont pas le fruit d’un hasard cruel : « cette complexité peut être traversée par le nerf de l'amour de Dieu, par ce câble, robuste et indestructible, qui relie notre vie sur terre à la vie définitive dans la Patrie » (St Josémaria, Quand le Christ passe §177). Nous essayons de faire l’expérience singulière de ce rapprochement.

Abbé Fernandez