Le Roi chez lui

Le parallèle entre l'Ascension du Christ et le départ du prophète Elie, illustré dans la Bible de saint Louis, fait l'objet de ce nouvel article. « Elie, remettant son manteau à Elisée signifie Jésus, qui confia à ses apôtres et à tous les bons chrétiens son propre Corps »

Vitrail de l'église Notre Dame des otages (Paris XX°) - Photo : Denis Krieger

Saint Luc décrit l’ascension du Christ à deux reprises : c’est l’aboutissement de l’évangile et le prélude de l’évangélisation. Le Fils très fidèle obtient le sommet de la gloire, qui lui revient aussi en tant qu’homme, après avoir accompli sa mission jusqu’au bout.

Dans l’histoire du prophète Elie, paladin du Dieu vivant, le dernier épisode est son rappel à Dieu, dans une modalité inouïe. Un char puissant, que l’on aurait dit propulsé par un feu surhumain, le saisit et le conduit vers l’au-delà (2 Rois 2, 11). Depuis, le retour d’Elie sera associé à la manifestation du Messie et à la fin du monde.

Lorsqu’Elie est enlevé, son disciple Elisée réussit à attraper le manteau du mentor. Le charisme de la vérité dans le peuple de Dieu se transmet sans interruption. Pour sa part, le Christ, avant de monter au ciel, a laissé le collège apostolique pour gouverner son Église et transmettre la foi ainsi que pour administrer les sacrements qui sanctifient. Parmi eux, l’Eucharistie occupe le sommet.

Cette conviction inspire le parallélisme noté par la Bible de Saint Louis (Paris, 1235 : ©Moleiro, 2002) : « Dieu, qui enleva Elie au ciel, signifie que le Père des cieux enleva son Fils le jour de l’ascension au ciel. Elie remettant son manteau à Elisée signifie Jésus, qui confia à ses apôtres et à tous les bons chrétiens son propre Corps » (t. 1, f. 142). Dans l’enluminure, sous la bénédiction du Père (en buste, au-dessus du médaillon), Jésus s’élève en déposant dans les mains de Pierre du pain et une fiole de vin ; derrière, les apôtres invoquent le Sauveur.

Le bon pasteur n’abandonne pas son troupeau, parce qu’il le porte dans son Cœur transpercé.

Le bon pasteur n’abandonne pas son troupeau, parce qu’il le porte dans son Cœur transpercé. La chair du Fils n’a pas eu besoin de char ; par son propre droit, elle atteint la gloire et prépare l’ascension de ses frères, en présentant ses blessures devant la face du Père, qui « nous a fait asseoir dans les cieux avec Jésus-Christ » (Ephésiens 2, 6).

Dans un autre passage, après le forcing entre le peuple et le prophète, Dieu accorde un roi ; David sera finalement l’élu ; Samuel en personne, versant l’huile sainte sur le jeune monarque, l’oint comme roi. Depuis, « l’esprit du Seigneur lui fut accordé pour l’avenir » (1 Samuel 16,13). Jésus a été rempli surabondamment de grâce, « l’huile de la joie, au-delà de tes compagnons » (Psaume 44, 8) ; l’Ascension le déclare.

« Samuel signifie le Père des cieux qui couronna son Fils dans le monde parmi les Juifs et lui donna un pouvoir majeur sur tous les autres peuples » (Bible de Saint Louis, t. 1, f. 105) ; ainsi le traduit l’image : le Père dépose une couronne royale sur la tête du Fils, debout sur un pont et portant l’Évangile du salut, en présence des membres du peuple élu.

Le Fils unique siège à la droite du Père pour recevoir, avec lui et l’Esprit Saint, la même adoration et gloire. Jésus est le seul nom porteur de salut : le nom du Fils Aimé concentre le nom ineffable de la Trinité. Il est Seigneur du ciel et de la terre, des vivants et des morts. Il gouverne l’Église et reste le centre de l’histoire des hommes.

Dans l’Ascension, le Christ tire de ses membres vers le haut. Par la conversion, par la prière et la charité, son élan rédempteur se poursuit sur terre.

Jésus soutient et pousse. La boussole de notre chemin est bien orientée, par cet aimant divin ; « l’ancre » (Hébreux 6, 19) du salut est bien accrochée au port définitif. Le cœur croyant ose hisser le regard : la porte de la foi conduit à la porte du ciel. Dans l’Ascension, le Christ tire de ses membres vers le haut. Par la conversion, par la prière et la charité, son élan rédempteur se poursuit sur terre.

Le Transpercé attire à lui toute personne et, par elles, toute chose. « Si vous êtes mes témoins lorsque vous accomplissez votre devoir de chaque instant, grand ou petit, alors j'attirerai tout à moi (Jean 12, 32) et mon royaume parmi vous deviendra une réalité »,assure saint Josémaria (Quand le Christ passe, §183).

À l’occasion des noces du roi, le psalmiste s’écrie : « Tu es le plus beau des hommes… Vainqueur, ceins ton épée au côté… Avec éclat, chevauche et triomphe » (Psaume 44, 3-5).

Abbé Fernandez