Le charme du Carmel

«le témoignage du Carmel a aussi suscité le courage d’hommes et de femmes qui ont affronté les dangers et même la mort » (Pape François). Voici un commentaire historique et spirituel sur la dévotion à Notre Dame du Carmel, invoquée aussi sous le vocable "Étoile de la mer" : malgré les nuits obscures, l’Étoile de la mer ne s’éteint jamais.

Photo : Saint Jean de la Croix, Saint Pierre Thomas et Saint Simon Stock, Église Stella Maris, Haifa, Israêl. Photo : Zvonimir Atletic (Shutterstock.com)

« Vignoble de Dieu », en hébreu, perché à plus de 500 mètres d’altitude, comme une tour de guet entre la Méditerranée et la Galilée, le sommet du Carmel fut le cadre d’une prière urgente. En des temps calamiteux, l’idolâtrie et la sécheresse, chacune à sa façon, meurtrissaient le peuple de Dieu. Pour six fois, Elie avait demandé à son serviteur de scruter la mer, à la recherche d’un présage de salut. Sans résultat. « La septième fois, le serviteur répondit : ‑ Voici qu’un petit nuage, gros comme le poing, s’élève de la mer » (1 Rois 18, 44). Le nuage grossit et la pluie bienfaisante se déversa. La tradition a relié symboliquement le nuage à la Mère de Dieu ; la pluie, aux grâces de l’Incarnation rédemptrice.

Suivant les traces d’Elie et d’Elisée, des ermites du moyen âge, dotés d’une règle par le patriarche de Jérusalem, ont été à l’origine du l’ordre de Notre Dame du Mont-Carmel. Ils lui ont attribué le titre d’Etoile de la mer, qui figure sur leur blason. Installés en Europe en 1235, ils sont approuvés ensuite par le Saint-Siège comme ordres religieux d’hommes et de femmes.

De nos jours, sur les cimes du Carmel, deux couvents séparés témoignent l’enracinement de cet esprit en Terre Sainte. Au 17e siècle, le consul français obtint du pacha de Damas l’implantation des religieux, après cinq siècles d’absence. Après des nombreuses vicissitudes, le monastère « Stella Maris » fut rouvert en 1846 ; sous le même nom, bien à propos, les moines installèrent un phare, aujourd’hui affecté à l’armée. De leur côté, les religieuses, sous l’impulsion de deux carmélites d’Avignon, seront autorisées à ouvrir leur couvent à la fin du siècle.

De nos jours, «le témoignage du Carmel a aussi suscité le courage d’hommes et de femmes qui ont affronté les dangers et même la mort » (pape François, 2013). Ils ont légué, entre autre, la dévotion du scapulaire. Saint Simon Stock, d’origine irlandaise, fut le sixième supérieur de l’ordre, soumise alors à des fortes attaques de la part du clergé séculier ; il recommandait à ses confrères de se confier à la protection de la Sante Vierge Marie. En 1251, Notre Dame le gratifia d’une apparition consolante : sur son bras gauche, elle portait l’Enfant Jésus ; de la main droite, elle offrait une étoffe brune au religieux : ‑ Si vous le portez à l’heure de la mort, vous serez sauvés. Peu après, le pape Innocent IV prenait l’ordre sous sa protection. Simon décéda à Bordeaux en 1265.

Comme une traînée de poudre, la dévotion du scapulaire s’est répandue parmi le peuple. Depuis le 15e siècle les documents mentionnent ce « privilège sabbatin ». « Porte sur ta poitrine le saint scapulaire du Carmel. — Peu de dévotions mariales — il en est beaucoup d’excellentes — sont plus enracinées parmi les fidèles et ont reçu plus de bénédictions pontificales. — Et ce privilège du samedi est si maternel ! » (St Josémaria, Chemin §500).

Il s’agit d’une forme d’engagement à une vie chrétienne et à une piété mariale, confié à la protection de la Mère de Dieu par l’entremise d’une sorte de vêtement qui protège et embellit. Un stimulant, corroboré par la prière du chapelet, pour la foi, l’espérance et la charité, ainsi que pour les autres vertus chrétiennes, y compris la chasteté selon l’état de chacun. Revêtu de l’affection mariale, le chrétien peut affronter les efforts de la persévérance, de l’évangélisation, du pardon. L’intercession pour les défunts, qui sont en phase de purification, est aussi assurée par la Consolatrice des affligés (Pie XII, 1950). Saint Jean-Paul II, dans le 750e anniversaire du scapulaire du Carmel, qu’il portait lui-même, résumait : «le port du scapulaire signifie un style de vie chrétienne tissée de prière et de vie intérieure» (Lettre, 2001).

La Bible, par l’entremise de ses prophètes et ses poètes, associe le mont Carmel à la beauté et à la fécondité. La liturgie de cette mémoire invite à gravir « la montagne » qu’est le Seigneur : la sainteté. Les invocations à Notre Dame, sous le vocable du Carmel, portent la même flamme filiale, confiante : Fleur du Carmel, vigne parfumée, splendeur du ciel. Malgré les nuits obscures, l’Étoile de la mer ne s’éteint jamais.

La montagne du Carmel ne cesse de surprendre. En 2019, les géologues y ont identifié un oxyde métallique complexe, de structure cristalline ; du jamais vu sur la terre.

Abbé Fernandez

(Photo : statue de la Vierge à l’Enfant, dans le retable de l’église « Stella Maris » des Carmes à Haïfa, Israël).